• Aucun résultat trouvé

Dans cette th`ese, nous avons voulu mesurer les ´el´ements en trace dans l’olivine, le pyrox`ene et la m´esostase des chondres par ablation laser suivie de spectrom´etrie de masse avec plasma coupl´e par induction (Laser Ablation Inductively Coupled Plasma Mass Spec-trometer, ou LA-ICP-MS), analyses effectu´ees au laboratoire “G´eosciences Montpellier” `a l’Universit´e de Montpellier II (voir figure 4.3). Le LA-ICP-MS, qui a connu un essor consid´erable cette derni`ere d´ecennie, permet des limites de d´etection plus basses et des analyses plus rapides que la sonde ionique utilis´ee dans les ´etudes pr´ec´edentes, moyennant plus de mat´eriel consomm´e. Ce qui est loin d’ˆetre n´egligeable connaissant la proximit´e entre les valeurs rapport´ees par exemple pour les terres rares l´eg`eres dans l’olivine et les limites de d´etection formelles de la sonde ionique. Nous d´etaillons maintenant nos m´ethodes d’analyse.

4.3.1 Caract´erisation

L’´etude d’une m´et´eorite commence par un travail de documentation de chondres au microscope ´electronique `a balayage (MEB) dont le principe est expliqu´e `a l’annexe I. Pour chaque section polie, j’ai document´e quelques dizaines de chondres en prenant, en ´electrons r´etrodiffus´es, des micrographies globales, `a grossissement double, et quelques d´etails, et proc´edant `a quelques analyses EDS pour m’assurer de l’identification des phases min´erales. Les chondres qui ont ´et´e analys´es par la suite au LA-ICP-MS ont ´et´e aussi cartographi´es chimiquement avec l’EDS pour la plupart des ´el´ements majeurs et mineurs (Cr, Mn, O, Ca, Mg, Ni, Al, K, Na, S, Si, P, Ti). Nous avons trouv´e que des cartes d’une r´esolution 1024×800 pixels avec un temps par pixel de 800 µs ´etaient satisfaisantes au terme d’une dizaine d’heures de comptage (une soixantaine de balayages). Les cartes obtenues ont ´et´e utilis´ees pour obtenir les modes (pourcentages volumiques) des diff´erentes phases avec le logiciel ImageJ. S’il est vrai que l’ambigu¨ıt´e dans la fixation des seuils peut introduire des erreurs (en r´epliquant la mesure des modes pour le chondre V28, le mode d’olivine a vari´e de 49 `a 52 vol%), ces erreurs sont moindre que celles dues `a la non-repr´esentativit´e de la section 2D ´etudi´e par rapport au chondre (3D) entier (e.g. Hezel et Kießwetter, 2010).

Ayant ainsi acquis une certaine exp´erience de la p´etrographie des m´et´eorites ´etudi´ees, nous avons s´electionn´e 10-20 chondres par section pour analyses `a la sonde ´electronique. En effet, l’EDS du MEB ne peut donner que des renseignements qualitatifs sur les phases ´etudi´ees car est d´epourvu de standard pour corriger les “effets de matrice”, c’est-`a-dire les diff´erences d’´emissions X suivant les mat´eriaux `a concentration donn´ee. Pour obtenir des mesures quantitatives pour les ´el´ements majeurs et mineurs (Si, Mg, Fe, Al, Ca, Na, Mn,

S, K, Ti, Cr, Ni), nous avons eu recours `a la microsonde ´electronique (Cameca SX-100) du Centre de Microanalyse de Paris VI (CAMPARIS). Le principe de base est similaire `a celui du MEB, mais il est plus sp´ecialement consacr´e `a l’analyse chimique qu’`a l’imagerie, et le collecteur de rayons X est un Wavelength Dispersive Spectrometer qui exploite la loi de Bragg. Les standards suivants ont ´et´e utilis´es : albite pour Na, diopside pour Mg, Si et Ca, orthose pour Al et K, barytine pour S, Cr2O3 pour Cr, M,TiO3 pour Mn et Ti, NiO pour Ni, apatite pour P, cobalt pour Co, grenat pour Fe. Un faisceau d´efocalis´e de 5 µm de diam`etre a ´et´e utilis´e pour ´eviter la d´eperdition d’alcalins dans la m´esostase. Le courant et la tension d’acc´el´eration ´etaient de 10 nA et 15 kV respectivement, et les temps de comptage au pic sont de 10 s pour tous les ´el´ements sauf Si, Na, K o`u il n’est que de 5 s, de sorte qu’une analyse ponctuelle (programmable `a l’avance) dure typiquement trois minutes. Nous n’avons retenu que les analyses bouclant `a 100± 2 wt% d’oxydes, pour autant que leur stoechiom´etrie ´etait coh´erente (16±0,1 cations pour 24 oxyg`enes pour le pyrox`ene, 18±0,1 pour l’olivine).

Sur ces chondres, une s´election finale est effectu´ee pour les analyses d’´el´ements en trace (on peut typiquement analyser une petite dizaine de chondres par jour avec le LA-ICP-MS, dont nous disposons pendant 2 `a 3 jours `a chaque fois). Les crit`eres de s´election sont (i) la diversit´e des types texturaux et compositionnels des chondres et (ii) la pr´esence de cristaux d’olivine d´epassant 50-100 µm en diam`etre pour permettre effectivement les analyses LA-ICP-MS. Comme les teneurs en ´el´ements en trace et en particulier des terres rares de l’olivine sont les moins bien connues `a cause de leur faible valeur absolue, nous avons certainement un biais en faveur des chondres riches en olivine, et c’est particuli`erement vrai pour la chondrite `a enstatite Sahara 97096 (EH3).

4.3.2 Analyses LA-ICP-MS

Le principe des analyses LA-ICP-MS est le suivant. L’analyse commence par une abla-tion laser du point voulu de l’´echantillon d´em´etallis´e (r´ealis´ee ici par une plate-forme Geo-Las Q+ avec un laser Excimer CompEx 102 d’une longueur d’onde de 193 nm, dans l’ul-traviolet), et ce par des pulses (d’une fluence de 12-18 J/cm2) r´ep´et´es avec une fr´equence de 5-10 Hz sur une dur´ee d’une minute. Un crat`ere d’un diam`etre de 26-102 microm`etres (typiquement 51 microns), selon le choix, se creuse ainsi `a une vitesse d’environ 1 µm/s dans la phase ´etudi´ee, sous une atmosph`ere d’h´elium (0,65 L/min). Les d´eblais sont en-suite aspir´es vers une torche plasma, avec un flux d’argon de 1 L/min, o`u ils sont ionis´es et envoy´es dans un spectrom`etre de masse ThermoFinnigan Element XR. La spectrom´etrie

Fig.4.3 – Deux photographies du LA-ICP-MS du laboratoire “G´eosciences Montpellier” `a l’Universit´e de Montpellier II. (A gauche) Syst`eme d’ablation laser (plateforme GeoLasQ+

munie du laser Excimer CompEx 102). (A droite) Vue sur le secteur magn´etique du spectrom`etre de masse ThermoFinnigan Element XR.

de masse, principe commun d’ailleurs aux sondes ioniques3consiste d’abord `a acc´el´erer les ions (de charge q et de masse m) dans des champs ´electrostatiques, de sorte que, d’apr`es le th´eor`eme de l’´energie cin´etique :

1 2mv

2 = qU (4.3)

avec v la vitesse et U la diff´erence de potentiels entre le point d’´emission et la sortie. Les ions sont ensuite d´evi´es dans un champ magn´etique B, le rayon de courbure donn´e par

R = mv

Bq (4.4)

´etant d’autant plus grand que le rapport m/q l’est. En combinant les deux derni`eres ´equations, le rapport m/q est donn´e par :

m q =

B2R2

2U . (4.5)

Selon la valeur de B (qui balaye p´eriodiquement plusieurs fenˆetres pr´ed´efinies), un col-lecteur d’ions (selon l’intensit´e de comptage, un multiplicateur d’´electron ou une cage de Faraday) pourra donc s´electionner le type d’ion correspondant `a un rapport m/q parti-culier. Il faut noter qu’en premi`ere approximation, des esp`eces diff´erentes peuvent avoir le mˆeme rapport m/q, ainsi par exemple du 56Fe et du “dim`ere” 40Ar16O, ce qui ouvre la voie `a des interf´erences isobariques. C’est ainsi que les terres rares moyennes (Sm, Eu,

3Dans une sonde ionique `a ions secondaires ou SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometer ), dont la NanoSIMS constitue une version dou´ee d’une r´esolution spatiale submicrom´etrique, les ions sont arrach´es de l’´echantillons `a la suite d’un bombardement par des ions primaires (c’est la pulv´erisation, en anglais sputtering).

Gd), notamment, peuvent pr´esenter des anomalies artificielles dans les spectres de terres rares, mais ceci n’a ´et´e que rarement significatif.

Une mesure comporte, outre une minute d’ablation, quatre minutes de mesure du blanc qui permettra d’appr´ecier les limites de d´etection, soit cinq minutes au total de signal enregistr´e. Deux minutes suppl´ementaires sont aussi intercal´ees entre chaque analyse pour mieux “purger” la machine et diminuer le bruit de fond. En soi, l’intensit´e du signal (en nombre de coups par seconde) I d’une esp`ece donn´ee ne donne pas directement acc`es `a la valeur absolue de la concentration C dans la cible. Elle d´epend en effet des r´eglages des impulsions (pulses), de la topographie, de la composition du mat´eriau ablat´e etc. qui ne sont pas parfaitement pr´evisibles. Cependant, on peut s’attendre, pour une gamme de mat´eriaux similaires, que le rapport des intensit´es pour deux ´el´ements soit proportionnel au rapport de leurs concentrations (`a d´eterminer) dans la cible. En d’autres termes, pour deux ´el´ements e et s, on fait l’hypoth`ese que le facteur de sensibilit´e relatif

RSFe/s = Ie/Ce Is/Cs = Ie Is Cs Ce (4.6)

est ind´ependant de la “matrice” ablat´ee (pour une certaine gamme de mat´eriaux). Si on se fixe un ´el´ement s dont on connaˆıt la concentration Cs par une autre m´ethode (dans notre cas, c’est le silicium4, un ´el´ement majeur, pour lequel on reporte le r´esultat d’une analyse ant´erieure par la sonde ´electronique) et que l’on appelle g´en´eriquement standard interne, on peut d´eduire Ce de l’´equation pr´ec´edente `a partir des intensit´es mesur´ees si on adopte pour RSFe/s la valeur donn´ee par l’analyse dans la mˆeme session d’un standard externe dont toutes les concentrations sont connues. Dans notre cas, il s’agissait du NIST 612 50 ppm (Pearce et collab., 1997), un verre artificiel o`u la concentration des ´el´ements d’int´erˆet sont environ de 50 ppm. Pour tenir compte d’une ´eventuelle d´erive instrumentale pendant les sessions analytiques, le standard est analys´e non seulement deux fois `a la fois au d´ebut et `a la fin de chaque session, mais toutes les dix analyses.

Le traitement du signal, qui permet notamment de s´electionner la partie pertinente de celui-ci (car le laser pouvait p´en´etrer d’autres phases que celle vis´ee durant l’ablation), est effectu´ee avec le logiciel GLITTER (Griffin et collab., 2008). L’observation a posteriori des crat`eres d’ablation au microscope ´electronique `a balayage permet ´egalement de s’assurer que les phases vis´ees ont bien ´et´e atteintes (voir par exemple figure 4.4) et ´etaient exemptes de fractures. On peut assigner `a ces deux proc´edures une r´esolution spatiale de l’ordre du microm`etre : c’est en effet la profondeur creus´ee par le laser lors d’un balayage en masse par le spectrom`etre de masse et la r´esolution de notre MEB. Ces contrˆoles se

Fig. 4.4 – Deux micrographies globales en ´electrons r´etrodiffus´es de l’objet V49 (une forst´erite r´efractaire) dans Vigarano, avant (`a gauche) et apr`es (`a droite) les analyses laser. Tous les crat`eres ronds nouvellement apparus sont des analyses laser. On en d´ec`ele un de 102 µm de diam`etre et deux de 77 µm de diam`etre dans l’olivine. Un dernier crat`ere, de 26 µm de diam`etre (en haut `a gauche), est centr´e sur de l’enstatite, mais d´eborde sur de l’augite : cette analyse doit ˆetre rejet´ee.

suppl´ementent par des comparaisons avec les analyses par sonde ´electronique des mˆemes points pour des ´el´ements mineurs comme Ca ou Al. Cette phase de contrˆole revˆet une importance particuli`ere pour les terres rares, qui sont appauvries dans l’olivine : il suffirait par exemple d’une contamination de 1 % (en masse) de m´esostase (qu’elle soit adjacente ou en inclusion dans le cristal) pour oblit´erer l’abondance r´eelle de terres rares l´eg`eres (typiquement inf´erieure `a un dixi`eme de la valeur chondritique). Nos premiers r´esultats pr´eliminaires (Jacquet et collab., 2009) avaient ´et´e entach´es de ce type d’erreur.

Les limites de d´etections atteintes permettent de mesurer des concentrations de terres rares l´eg`eres—les plus appauvries dans l’olivine et le pyrox`ene—jusqu’`a 10−3±1×CI (selon les conditions d’analyse, voir Fig. 4.5). Les limites de d´etection sont fix´ees `a 3 fois l’´ecart-type du bruit de fonds, soit un niveau de confiance de 99 %. Pour minimiser la contribution du bruit de fond, on analyse les phases dans l’ordre croissant des concentrations des terres rares, c’est-`a-dire dans la s´equence olivine, pyrox`ene pauvre en calcium, pyrox`ene calcique, m´esostase.