• Aucun résultat trouvé

1.3 Les solides dans le disque

2.1.1 Les chondres

Les chondres —nom tir´e du grec χoνδρoς, prononc´e “khondros” et qui signifie “granule”— sont les composants ubiquistes et g´en´eralement majoritaires des chondrites, qui justifient ainsi leur d´enomination. Il s’agit d’objets g´en´eralement sph´ero¨ıdaux de taille millim´etrique constitu´ees g´en´eralement de cristaux de silicates (olivine, pyrox`ene), de min´eraux opaques (fer-nickel, sulfures), et d’une m´esostase vitreuse (ou d´evitrifi´ee) qui remplit les interstices. Cette texture (arrangement de grains) sugg`ere que les chondres ont ´et´e un temps fondus, avant de se solidifier rapidement, `a une vitesse de refroidissement g´en´eralement estim´ee `a 10-1000 K/h (Hewins et collab., 2005; Miyamoto et collab., 2009). Quelques agr´egats

Fig. 2.2 – Quelques chondres typiques de la chondrite carbon´ee CV3 de Vigarano (lame mince 2793-1) observ´es en lumi`ere polaris´ee. (En haut `a gauche) Chondre porphyrique `a olivine (cristaux ´equidimensionnels aux couleurs vives) et pyrox`ene (quelques cristaux allong´es gris avec mˆacles (stries) en p´eriph´erie). La m´esostase remplissant les fins inter-stices entre les cristaux apparaˆıt noire en lumi`ere polaris´ee (`a ne pas confondre avec la matrice finement grenue qui entoure le chondre, et qui est ´egalement noire dans ce mode d’observation) ; quelques disques noirs dans le chondre sont en fait des grains m´etalliques. (En haut `a droite) Chondre granulaire `a olivine avec une couche ext´erieure quasi-continue de pyrox`ene. Il ne diff`ere du chondre porphyrique que par sa granulom´etrie plus fine. (En bas `a gauche) Chondre radial `a pyrox`ene. Ce chondre a ´et´e tr`es efficacement fondu. Les fibres de pyrox`ene ont crˆu `a partir d’un germe situ´e `a gauche. L’examen au MEB sugg`ere que les fibres sont largement remplac´ees par de l’olivine fayalitique. (En bas `a droite) Chondre barr´e `a olivine. Comme le pr´ec´edent, il a ´et´e tr`es efficacement fondu. Les barres et la coque ´etaient primitivement un unique cristal tr`es diverticul´e baignant dans du verre, mais ce chondre a visiblement ´et´e d´eform´e alors qu’il ´etait encore chaud et plastique.

finement grenus retouv´es dans les chondrites (e.g. Ruzicka et collab., 2012) pourraient repr´esenter des versions tr`es peu chauff´ees des mat´eriaux pr´ecurseurs des chondres. Dans cette th`ese, `a l’instar de Hutchison (1996), nous appellerons “chondre” tout inclusion dans les chondrites ayant connu un ´episode de fusion, partielle ou totale.

Hormis la texture porphyrique (not´ee P), o`u les cristaux ´equidimensionnels peuvent ˆetre optiquement r´esolus et qui est la plus r´epandue, les chondres peuvent pr´esenter des texture barr´ees, radiales, cryptocristallines ou vitreuses (not´ees B, R, C et G, res-pectivement) qui t´emoignent d’une fusion plus compl`ete (voir Fig. 2.2). Il arrive qu’un chondre soit imbriqu´e dans un autre chondre pouvant ˆetre texturellement tr`es diff´erent, sugg´erant qu’il ´etait rigide alors que le chondre “encaissant” ´etait encore plastique ; certains chondres contiennent des cristaux reliques visiblement issus d’une g´en´eration ant´erieure de chondres : tout ceci sugg`ere que le processus qui a form´e les chondres s’est produit plusieurs fois. Du reste, les datations bas´ees notamment sur le syst`eme Al-Mg (si on suppose le rapport26Al/27Al uniforme dans le disque) indiquent un ´etalement des ˆages des chondres entre 1 et 3 Ma apr`es la formation des CAI (e.g. Villeneuve et collab., 2009), ´etalement que l’on retrouve mˆeme `a l’´echelle d’une m´et´eorite.

La min´eralogie de la plupart des chondres est domin´ee par les silicates ferromagn´esiens olivine et pyrox`ene. Suivant l’abondance de fer oxyd´e dans l’olivine, ceux-ci sont r´epartis en “type I”(moins de 10 % en masse de FeO) et “type II” (plus de 10 % de FeO). Certains chondres peu courants sont riches en aluminium, et contiennent du plagioclase, du pyrox`ene calcique et/ou du spinelle ; d’autres vari´et´es plus rares sont ´enum´er´ees par Connolly et Desch (2004).

Il n’existe pas, `a l’heure actuelle, de consensus sur le m´ecanisme physique de formation des chondres (e.g. Boss, 1996; Ciesla, 2005). Les scenarii “plan´etaires” (faisant appel `a des processus dans les corps parents, dont seraient issus les pr´ecurseurs), comme une origine par volcanisme ou par impact, sont actuellement majoritairement boud´es par la com-munaut´e cosmochimique sur la base d’arguments pr´esent´es par Taylor et collab. (1983), comme l’absence de fractionnement des terres rares (voir chapitre 4), la diversit´e des signa-tures isotopiques de l’oxyg`ene et des ˆages des chondres dans une mˆeme chondrite, l’absence d’objet de taille d´ecim´etrique ou plus semblable aux chondres, l’absence de corr´elation entre l’abondance de chondre et les effets de choc enregistr´es dans les m´et´eorites etc. Pour autant, l’hypoth`ese que les chondres pourraient ˆetre des “´eclaboussures” de plan´et´esimaux fondus par des radioactivit´es `a courtes p´eriodes ´eject´ees `a la faveur de collision (Sanders et Taylor, 2005) commence `a faire l’objet de mod´elisations astrophysiques quantitatives (Asphaug et collab., 2011).

avant l’accr´etion des corps parents. En particulier, ceux invoquant le passage d’ondes de choc (Wood, 1963; Desch et collab., 2005) ont re¸cu la plus grande attention dans la d´ecennie ´ecoul´ee, car les histoires thermiques des chondres ont pu ˆetre calcul´ees dans ce cadre et semblent bien s’accorder avec l’id´ee d’un pic de temp´erature (`a 1600-2100 K d’apr`es Hewins et collab. 2005) sur quelques minutes, suivi d’un refroidissement relati-vement lent. Reste `a d´eterminer l’origine de ces ondes de choc, qui pourraient r´esulter d’instabilit´es gravitationnelles, du passage d’embryons plan´etaires en orbite excentrique, ou d’autres ph´enom`enes list´es par Desch et collab. (2005). D’autres th´eories incluent une origine par condensation `a l’´etat liquide (`a haute pression ou avec un enrichissement en poussi`ere ; cf e.g. Engler et collab. 2007), par d´echarge ´electrique (Whipple, 1966; Desch et Cuzzi, 2000), pr`es du Soleil, au niveau du point X suppos´e par le mod`ele du vent X de Shu et collab. (1996, 2001) etc. Quelque populaires que soient les sc´enarii n´ebulaires, la r´etention d’´el´ements mod´er´ement volatils comme Na, K, S dans les chondres et l’ab-sence de fractionnement isotopique semble impliquer de fortes pressions partielles de ces ´el´ements dans le gaz ambiant, que seules des concentrations en chondres (≫ 1m−3) tr`es sup´erieures `a celles attendues dans les disques protoplan´etaires semblent en mesure de produire (Cuzzi et Alexander, 2006; Alexander et collab., 2008). L’´enigme des chondres est donc loin de pouvoir ˆetre consid´er´ee comme r´esolue.