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1.3 Les solides dans le disque

1.3.4 L’accr´etion

R ∂ ∂R  R  ρpvp,R− DRRρ ∂R  ρp ρ  + ∂z  ρpvp,z− Dzzρ ∂z  ρp ρ  = 0. (1.24)

o`u vp d´esigne la vitesse moyenne des particules, donn´ee par (Youdin et Goodman, 2005) :

vp = u + τgradP

ρ , (1.25)

et o`u DRR et Dzz d´esignent les coefficients de diffusion dus aux fluctuations turbulentes autour de la vitesse moyenne, que l’on param`etre comme suit :

DRR = δR c2 set Dzz = δz c2 s. (1.26)

avec δR et δz des param`etres sans dimension de l’ordre de α. Dans la limite St ≪ 1, ces coefficients ne d´ependent pas de St et sont ceux de traceurs passivement advect´es par le gaz (e.g. Youdin et Lithwick, 2007).

La coordonn´ee radiale du terme de d´erive dˆu au frottement (second terme du membre de droite de l’´equation 1.25) ´etant

vdriftτρ∂P∂R ∼ −St c

2 s

vK

, (1.27)

on peut d´efinir une ´echelle de temps caract´eristique de d´erive vers le Soleil due au frotte-ment tdrag= R |vdrift| 1 ΩSt  vK cs 2 = 2 Myr R1/2AU  1 km/s cs 2 10−4 St  . (1.28)

1.3.4 L’accr´etion

Les grains qui se meuvent dans le disque sont appel´es, pour une partie d’entre eux, `a s’agr´eger pour former des plan´et´esimaux et des plan`etes. En effet, le mouvement brow-nien, les fluctuations turbulentes du gaz et la d´erive diff´erentielle g´en´er´ee par le gradient de pression pour des tailles diff´erentes, occasionnent des collisions entre particules solides. Si

jusqu’`a des tailles centim´etriques `a m´etriques, des forces ´electrostatiques (Van der Waals) leur permettent de coaguler, les vitesses relatives de 1-10 m/s communes `a ces tailles semble empˆecher la croissance par de la fragmentation ou du rebond (Zsom et collab., 2010). C’est la “barri`ere du m`etre”. On consid`ere que l’auto-gravit´e de la poussi`ere doit prendre les commandes, pr´esum´ement par suite d’une s´edimentation (et donc une concen-tration) de la poussi`ere au plan m´edian du disque cons´ecutive `a la composante verticale du champ gravitationnel solaire (Goldreich et Ward, 1973; Youdin, 2011). Cependant, mˆeme un faible niveau de turbulence pourrait contrecarrer ce processus en diffusant les solides de part et d’autres du plan m´edian, ce qui appelle d’autres m´ecanismes de concentration de la poussi`ere. Sont notamment en lice la concentration turbulente de Cuzzi et collab. (2003), o`u les particules de temps de freinage comparable aux plus petits tourbillons du gaz ambiant sont concentr´es entre ceux-ci, et l’instabilit´e d’´ecoulement (streaming insta-bility) de Youdin et Goodman (2005), qui joue sur la r´eaction de la poussi`ere sur le gaz (pour un rapport ρp/ρ de l’ordre de l’unit´e ou plus ; voir Fig. 1.4). Nous reviendrons sur cette derni`ere dans le chapitre 6. Il semble que ces deux m´ecanismes soient capables de r´esulter en des plan´et´esimaux de 102±1 km de diam`etre, comme paraˆıt le requ´erir la distribution en taille des ast´ero¨ıdes actuels (Morbidelli et collab., 2009).

Le processus de collisions entre plan´et´esimaux favorise la croissance rapide de quelques embryons plan´etaires qui vont donner les plan`etes telluriques du syst`eme solaire interne sitˆot ´epuis´ee la “masse d’isolement” alentour (Ida, 2010). Au-del`a de la ligne des glaces, ceux des embryons qui acc`edent `a une masse d’environ 10 masses terrestres voient le gaz ambiant s’effondrer sur eux, formant ainsi les g´eantes gazeuses (Ida, 2010)2. Que le disque soit encore massif ou non, les g´eantes gazeuses sont sujettes `a migrer du fait de leur interaction avec celui-ci (Terquem, 2010), ce qui n’est pas sans cons´equence pour le syst`eme solaire interne. Par exemple, un va-et-vient de Jupiter aurait pu arrˆeter la crois-sance de Mars et largement redistribuer les plan´et´esimaux (Walsh et collab., 2011). Aussi les membres actuels de la Ceinture Principale d’Ast´ero¨ıdes (entre Mars et Jupiter)—qui n’ont jamais pu s’agglom´erer `a cause du voisinage de Jupiter qui l’a d´epeupl´ee en grande partie—, repr´esentent-ils sans doute une plus grande gamme de r´egions de formation que la largeur actuelle de la Ceinture (entre 2 et 3 UA).

Les ast´ero¨ıdes sont les vestiges de ce processus de formation des plan`etes, et nombre d’entre eux pr´eservent toujours les diff´erents solides form´es dans le disque protoplan´etaires dans leur ´etat natif. Des ´echantillons de ces objets revˆetent d`es lors un grand int´erˆet pour ´eclairer les origines du syst`eme solaire. Or, voil`a pr´ecis´ement ce que sont les m´et´eorites,

2Un mod`ele alternatif, quoique moins en vogue, invoque des instabilit´es gravitationnelles pour former les g´eantes gazeuses (voir e.g. Durisen et collab. 2007).

Fig. 1.4 – Simulation, dans une r´egion localis´ee du disque, de la s´edimentation de solides vers le plan m´edian suivie d’instabilit´es d’´ecoulement, qui donnent des concentrations en “spaghetti”, pouvant pr´eluder `a des instabilit´es gravitationnelles parachevant l’accr´etion des plan´et´esimaux. Les instants correspondant aux images successives sont s´epar´es de 5/Ω, et la largeur radiale de l’image est 2ηR. Les param`etres de la simulation sont un rapport solide/gaz initital de 0,1, St=0,1 et ηvK/cs=0,05. Simulation tir´ee de mon stage de M1 `a l’universit´e de Princeton, sous la direction de James Stone.

Le t´emoignage des m´et´eorites

Un jour elle m’apporte une pierre couleur de fer, lisse et lourde. C’est une m´et´eorite, et le contact de mes mains avec cette pierre tomb´ee du ciel il y a peut-ˆetre des mill´enaires me fait frissonner comme un secret.

(Le Chercheur d’Or, Le Cl´ezio)

Chaque ann´ee, la Terre balaye dans sa r´evolution autour du Soleil plus de 3×107 kg de mati`ere extraterrestre, infime reliquat du processus d’accr´etion originelle (Zolensky et collab., 2006). La majeure partie est sous forme de poussi`ere, dont les grains qui par-viennent `a la surface (les microm´et´eorites), `a raison de 6×106 kg par an environ (Duprat et collab., 2006), ont une taille typique d’une centaine de microm`etres. Mais il tombe ´egalement environ 60 000 m´et´eorites d’une masse sup´erieure `a 10 g, mˆeme si seulement une poign´ee de ces chutes sont observ´ees et donnent lieu `a une r´ecolte d’´echantillons.

Bien davantage de m´et´eorites sont trouv´ees longtemps apr`es leur chute, que ce soit fortuitement ou `a la faveur de recherches syst´ematiques dans des d´eserts chauds ou froids (e.g. Gattacceca et collab., 2011), mais ces trouvailles pr´esentent l’inconv´enient d’une alt´eration terrestre plus ou moins prononc´ee.

Le calcul des trajectoires des quelques m´et´eorites dont la chute a pu ˆetre photographi´ee ou film´ee (la premi`ere ayant ´et´e Pribˇram, en 1959, dans l’actuelle R´epublique Tch`eque) a permis d’´etablir qu’`a l’exception de rares ´echantillons lunaires et martiens, et peut-ˆetre de quelques chondrites carbon´ees d’origine com´etaire (Gounelle et collab., 2008), l’immense majorit´e des m´et´eorites proviennent de la Ceinture Principale d’ast´ero¨ıdes sise entre Mars et Jupiter. Elles sont consid´er´ees comme des fragments de ces ast´ero¨ıdes, ´eject´ees lors de collisions, et dont divers effets (Morbidelli et collab., 2002; Bottke et collab., 2002), notamment les interactions gravitationnelles avec Jupiter, modifient l’orbite jusqu’`a les amener `a couper celle des plan`etes telluriques. Le retour d’´echantillons de l’ast´ero¨ıde

Itokawa par la mission Hayabusa, ´echantillons que l’analyse a trouv´es tr`es similaires `a un type r´epandu de m´et´eorites (les chondrites LL), appuie cette mani`ere de voir (Nakamura et collab., 2011).

L’´etude des m´et´eorites a confirm´e qu’elles sont des fossiles du syst`eme solaire primitif. En particulier, `a l’exception des ´echantillons plan´etaires, leur ˆage est toujours sensiblement le mˆeme, entre ∼4,5 et 4,57 Ga (1 Ga = 1 milliard d’ann´ees), `a comparer aux 4,4 Ga des plus anciens zircons terrestres connus (Holden et collab., 2009), et les plus anciens ˆages ont ´et´e obtenus sur des inclusions r´efractaires vieilles de 4568 Ma (Bouvier et Wadhwa, 2010; Amelin et collab., 2010). Cet ˆage est consid´er´e comme celui du syst`eme solaire lui-mˆeme. Les m´et´eorites permettent ainsi de sonder le syst`eme solaire primitif, et ce `a des ´echelles spatiales et temporelles compl´ementaires de celles auxquelles ont acc`es les astronomes pour les autres disques protoplan´etaires : mˆeme si l’incertitude quant `a leur provenance pr´ecise subsiste, elles renseignent sur l’histoire des solides de taille millim´etrique et plus, sur les r´egions internes du disque (d’une fraction d’UA `a une dizaine d’UA), sur des ´ev´enements, comme ceux qui ont produit les chondres, qui se sont d´eroul´es sur quelques jours tout au plus, tr`es localement dans le disque, peut-ˆetre dans le plan m´edian ordinairement opaque. Ce chapitre propose une introduction sur les m´et´eorites, et en particulier des plus primitives d’entre elles, les chondrites, en mettant l’accent sur les processus qu’elles en-registrent. Apr`es une pr´esentation des chondrites et leurs composants (section 2.1), nous ´evoquerons leur diversit´e et les processus de fractionnement (que nous d´efinirons alors) qu’elle implique (section 2.2), et qui contraignent les mod`eles du disque protoplan´etaire, avant de terminer sur les processus qui ont eu lieu dans les corps parents (section 2.3), apr`es l’accr´etion, et dont toute interpr´etation relative aux chondrites doit tenir compte. Nous d´evelopperons enfin notre probl´ematique de th`ese (section 2.4).

2.1 Les chondrites et leurs composants

Plus de 85 % des chutes observ´ees appartiennent `a la classe des chondrites, ainsi que Gustav Rose les nomma en 1864. Comme il est apparu d`es la premi`ere moiti´e du XX`eme si`ecle, la composition chimique de ces m´et´eorites est sensiblement la mˆeme que celle du So-leil (telle que d´etermin´ee par spectroscopie), abstraction faite, naturellement, des ´el´ements volatils (Palme et Jones, 2005; Lodders, 2003). C’est particuli`erement vrai des chondrites du groupe CI, et on assimilera dans la suite la composition solaire et celle des chondrites CI (par abus de langage, on parle parfois aussi simplement d’abondances chondritiques). Les chondrites repr´esentent ainsi la mati`ere premi`ere avec lesquelles les plan`etes ont ´et´e construites. Au contraire, les m´et´eorites non chondritiques (dites diff´erenci´ees), et les

Fig. 2.1 – Micrographies de lames minces d’une chondrite carbon´ee (Allende, CV3, en haut) et d’une chondrite ordinaire (Hallingeberg, L3.4, en bas), observ´ees en lumi`ere transmise polaris´ee et analys´ee. Les objets ronds sont des chondres, g´en´eralement de texture porphyrique (c’est-`a-dire avec plusieurs cristaux de taille comparable ciment´es par du verre). En bas `a droite, on peut apercevoir un fragment de chondre radial `a pyrox`ene. Les objets finement grenus, avec des teintes bleuˆatres `a blanchˆatres, et de morphologie irr´eguli`ere dans Allende (surtout au centre de la micrographie) sont des inclusions r´efractaires. Tous ces objets sont inclus dans une matrice qui apparaˆıt noire en lumi`ere transmise.

roches qui constituent la croˆute terrestre ont des compositions tr`es diff´erentes de la com-position solaire, du fait de processus g´eologiques `a grande ´echelle sur les corps parents (voir §2.3.2) : par opposition `a ces objets, on qualifie les chondrites de m´et´eorites “primi-tives”, ou “indiff´erenci´ees”. Les chondrites peuvent ˆetre regard´ees comme des “s´ediments cosmiques” r´esultant de l’agglom´eration des diff´erents solides que recelait le disque, et dont nous allons caract´eriser les diff´erentes cat´egories. La figure 2.1 pr´esente deux lames minces de chondrite. Un bref expos´e de notions de min´eralogie ainsi qu’un glossaire des esp`eces min´erales peuvent ˆetre consult´es `a l’annexe F.