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Quatre principaux groupes magmatiques, représentés sur la figure I.15, ont été reconnus à La Réunion. Ils ont tout d’abord été nommées d’après les laves du Piton de la Fournaise et du Volcan des Alizés uniquement (Lénat et al., 2012). Toutefois, les différents groupes (excepté le « Groupe Anormal ») sont également observés au Piton des Neiges, c’est pourquoi la figure figure I.15, modifiée à partir de la littérature, comporte désormais des échantillons provenant des trois édifices. La classification de l’ensemble des laves de La Réunion est la suivante :

 Les “Steady State Basalts (SSB)”, basaltes transitionnels cotectiques (les phases minérales cristallisent dans des proportions équivalentes, en termes de microlites) le plus souvent aphyriques, qui sont les laves les plus fréquentes de l’île. Ils varient très peu en composition : 5-8 pds.% de MgO, 10-12 pds.% de CaO, 0,5-1 pds.% de K2O.  Les basaltes à olivines, sont des basaltes de type SSB, mais riches en cristaux d’olivine, potentiellement d’origine cumulative. Le terme « d’océanites » est couramment employé pour désigner les basaltes contenant plus de 20 % d’olivine sur le volume total de la roche (Lacroix, 1936). Leurs compositions présentent donc des teneurs supérieures à 8 pds.% en MgO (parfois au-delà de 25 pds.%), de 5 à 11 pds.% en CaO, et de 0,4 à 0,7 pds.% en K2O.

 Les laves différenciées (≤ 5 pds.% MgO), plus alcalines (1-4 pds.% de K2O), dont les dernières éruptions correspondent à la fin de l’activité du Piton des Neiges (~ 29 ka).

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 Le Groupe “Anormal” (ou “AbG” pour “Abnormal Group”), formé de basaltes caractérisés par un plus faible rapport CaO/Al2O3 pour une même teneur en MgO. Ils se retrouvent quasi-exclusivement sur les cônes dits « adventifs », auxquels est consacrée la dernière partie de ce chapitre (I.3).

Figure I.15. Diagrammes

repré-sentatifs des quatre groupes prin-cipaux de laves de La Réunion :

(a) CaO/Al2O3 versus MgO pds.% et (b) Na2O + K2O versus SiO2. Les symboles verts représentent les laves historiques du Piton de la Fournaise (Sobolev et Nikogosian, 1994; Upton et Wadsworth, 1972a; Vlastélic et

al., 2005, 2007), les symboles jaunes les laves du Cratère

Hudson (éruption de 1998, Vlastélic et al., 2005), les

symboles oranges les laves

anciennes du Piton de la Fournaise (> 450 ka, Albarède et

al., 1997) et les plus jeunes laves

du Piton des Neiges (< 350 ka, Fretzdorff et al., 2000; Smietana, 2011; Upton et Wadsworth, 1972a) et les symboles bleus les laves de différents cônes adventifs (données non-publiées). Les flèches corres-pondent aux groupes magmatiques (verte, basaltes à olivines ; orange, laves différenciées ; bleue, groupe « Anormal ») et le cercle en poin-tillés regroupe les compositions des basaltes cotectiques ou SSB (« Steady-stade basalts »). Les laves de Hudson appartiennent au groupe « Anormal ».

Figure modifiée d’après Lénat et

al. (2012).

Tous les magmas réunionnais semblent provenir de l’évolution d’un magma picritique à hypersthène normatif (Upton et Wadsworth, 1972a), et contiennent systématiquement les phases olivine, clinopyroxène (augite), plagioclase et spinelle chromifère (Pichavant et al., 2016; Upton et Wadsworth, 1972a), en tant que phénocristaux, micro-phénocristaux ou microlites (e.g. Salaün et al., 2010; Welsch et al., 2009). Les assemblages des phases minérales

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sont propres à chaque groupe de lave décrit ci-dessus, et sont détaillés dans les sections suivantes (I-2.1.1 et I-2.1.2, et I-3 pour les cônes adventifs).

Les laves émises depuis le milieu du 17ème siècle (début de la colonisation de l’île), appelées « laves historiques » dans ce manuscrit, correspondent aux groupes des SSB et des basaltes à olivine/océanites, bien que ces dernières aient également été émises lors de périodes non-historiques, comme la première partie de l’activité du Piton des Neiges (section I-2.2). Les laves différenciées ont été émises en grande partie dans la deuxième moitié de la vie du Piton des Neiges, et affleurent également dans la « Rivière des Remparts », sur le massif du Piton de la Fournaise (section I-2.3).

Plus généralement, ces groupes magmatiques se répartissent en deux grandes catégories : les « Séries Océanitiques » (SSB, basaltes à olivine, océanites, et AbG) et les « Séries Différenciées » (les laves différenciées alcalines) (Upton et Wadsworth, 1965). Ces deux séries sont représentées au Piton des Neiges comme au Piton de la Fournaise. En effet, les mêmes types de produits magmatiques ont été émis sur les deux volcans, et majoritairement les Séries Océanitiques.

De nombreuses études ont été réalisées sur les produits récents, qui correspondent à l’activité historique du Piton de la Fournaise, ce volcan étant très actif actuellement. Ainsi, les processus à l’origine de la formation des Séries Océanitiques ont essentiellement été décrits pour les laves de ce volcan.

I-2.1.1 : Les « Séries Océanitiques » : SSB, basaltes à olivine, océanites, et AbG

Ces séries magmatiques ont été émises au Piton des Neiges entre environ 5 Ma (e.g. Gillot

et al., 1994) et 430 ka (Gillot et Nativel, 1982; McDougall, 1971; Upton et Wadsworth, 1972a),

et au Piton de la Fournaise depuis environ 450 ka (e.g. Lénat et al., 2012; Merle et al., 2010). L’olivine est le minéral prépondérant dans ces séries (Upton et Wadsworth, 1972a). Les SSB contiennent olivine, clinopyroxène, plagioclase en proportions quasi-équivalentes, en termes de microlites ; ces phases cristallisant ensemble (e.g. Pichavant et al., 2016) dans le cas de la cristallisation cotectique. Ils existent aussi sous forme « aphyrique », c’est-à-dire sans phénocristaux apparent (Fig. I.16a-b). D’après Welsch et al. (2009), les océanites présentent des macrocristaux d’olivine (Fig. I.16c-d), et des microcristaux d’olivine, clinopyroxène, plagioclase, spinelle et de magnétite-titanifère. De l’olivine ou des assemblages de clinopyroxène et plagioclase apparaissent également sous la forme de mésocristaux. Les quantités de plagioclase dans ces basaltes sont généralement très faibles, à l’exception de

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l’éruption de 1998 (Boivin et Bachèlery, 2009; Salaün et al., 2010) et de certains produits récents (éruption de 2008, Di Muro et al., 2015).

Figure I.16. Photographies

d’échantillons de laves his-toriques du Piton de la Fournaise. (a) Echantillon de SSB dépourvu de phéno-cristal d’olivine, (b) échan-tillon de SSB avec < 5 vol.% d’olivine, (c) échantillon d’océanite contenant de nombreux cristaux d’olivine et (d) échantillon d’océanite avec ~53 vol.% d’olivine. (b) et (d) sont des photo-graphies réalisées au micro-scope optique, en lumière transmise polarisée ana-lysée.

Figure modifiée d’après Welsch et al. (2013). Au Piton de la Fournaise, les teneurs en forstérite des macrocristaux d’olivine excèdent très rarement Fo84 et sont souvent comprises entre 81 et 84 % en ce qui concerne l’activité historique (Boivin et Bachèlery, 2009; Villemant et al., 2009; Welsch et al., 2009). Des olivines à Fo90,6 ont toutefois échantillonnées dans des laves sous-marines du flanc Nord-Est (Fretzdorff et Haase, 2002) ainsi qu’au Piton des Neiges (Sobolev et Nikogosian, 1994). De plus, certaines laves du Piton de la Fournaise, généralement plus anciennes, renferment des olivines avec une teneur en forstérite ≥ 85 % (partie I-3). Généralement, les olivines de La Réunion présentent des zonations normales noyau-bordure (Pichavant et al., 2016).

Albarède et al. (1997) ont proposé que les compositions très constantes des SSB résultent de la percolation du magma ascendant dans des conduits formés de « mush » cristallin, c’est-à-dire d’une « bouillie » de cristaux d’olivine et de clinopyroxène. Les compositions des laves, notamment en éléments compatibles, seraient donc ainsi homogénéisées. Des textures complexes ont été observées dans les océanites, avec notamment des évidences de déformation plastique de certains cristaux et des déséquilibres Fe/Mg entre cristal et liquide (Albarède et Tamagnan, 1988; Albarède et al., 1997). La déformation de ces olivines proviendrait de la désagrégation de cumulats précocement formés (Albarède et al., 1997). Ces olivines sont qualifiées de « xénocristaux », et seraient emportées par le magma ascendant lors d’éruptions plus violentes, formant ainsi les océanites, ou « picrites » (Albarède et Tamagnan, 1988;

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Albarède et al., 1997). Toutefois, Sigmarsson et al. (2005) ont proposé une évolution en système quasi-fermé dans un ou plusieurs réservoirs magmatiques sur des échelles de temps de l’ordre de 1000 ans, suivie par des réinjections de magmas.

Une autre hypothèse est d’envisager une chambre magmatique stratifiée, au toit de laquelle se trouvent les SSB, aphyriques, tandis que les océanites se forment par la sédimentation des olivines en base de chambre (Kieffer et al., 1977; Lacroix, 1936).

Cependant, Welsch (2010) et Welsch et al. (2009) ont proposé que les océanites ne sont pas issues de l’accumulation mécanique des cristaux d’olivine, ni de l’arrachement de « mush » cristallin (e.g. Albarède et al., 1997), ni de l’accumulation par « sédimentation » de ces cristaux (e.g. Lacroix, 1936). Des éruptions puissantes permettraient de remobiliser les cristaux croissants en paroi de chambre (Peltier et al., 2009; Vlastélic et al., 2005).

Récemment, Welsch et al. (2013) ont proposé que, puisqu’un faible nombre de macrocristaux d’olivine montrent des évidences de déformation intra-cristalline, ils ne peuvent être considérés comme des xénocristaux, mais sont plutôt issus d’une croissance dendritique en domaine de fort gradient thermique et d’une « maturation » en suspension dans le liquide magmatique.

Les basaltes du Groupe “Anormal” (AbG) ont des caractéristiques chimiques qui les différencient considérablement des basaltes ou océanites décrits ci-dessus. Ce cas particulier de laves s’échantillonne essentiellement sur les cônes dits « adventifs » du Piton de la Fournaise, et constitue le principal objet d’étude de cette thèse. Il sera donc présenté dans la partie de ce chapitre consacrée aux cônes « adventifs » (section I-3.2.3).

I-2.1.2 : Les « Séries Différenciées » : laves différenciées et cas particulier des Basaltes