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Le refroidissement du magma peut provoquer le rééquilibrage par diffusion de l’inclusion avec le minéral hôte, voire avec la lave hôte, en fonction de la taille de l’inclusion et celle du cristal, des coefficients de diffusion des éléments considérés dans le minéral et des coefficients de partage de ces éléments entre le liquide et le solide (Qin et al., 1992). De façon générale, plus les éléments sont incompatibles avec le minéral hôte, plus ils sont susceptibles d’être préservés au sein de l’inclusion. Cottrell et al. (2002) ont précisé que si les terres rares et les autres éléments en traces très incompatibles ne sont pas affectés par ces mécanismes dans le cas d’une olivine hôte, ils le sont particulièrement avec un plagioclase.

De nombreuses études ont été menées sur le système inclusion/olivine et les échanges Fe-Mg par diffusion, lorsque le système est ouvert (Danyushevsky et al., 2000, 2002; Gaetani et Watson, 2000, 2002). Il peut s’agir d’un rééquilibrage entre l’inclusion et l’olivine hôte (e.g. Danyushevsky et al., 2000, 2002) mais également avec la lave hôte (Gaetani et Watson, 2000, 2002). Danyushevsky et al. (2000) ont ainsi attribué le phénomène de « perte en fer » des inclusions (par rapport aux teneurs en fer des laves hôtes) à ce type d’échanges après piégeage, dont le modèle est illustré en figure II.6 : lors d’un refroidissement lent, le fer va diffuser à l’extérieur de l’inclusion, de façon à rééquilibrer le système olivine-liquide, après la cristallisation d’olivine plus riche en fer aux parois de l’inclusion décrite précédemment en section II-2.1.2. Dans le cas d’inclusions homogénéisées expérimentalement, ce phénomène se traduit par des coefficients de répartition Fe-Mg entre le liquide inclus et l’olivine hôte anormalement élevés (KD >> 0,30), traduisant un déséquilibre chimique.

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Figure II.6. Illustration des processus de rééquilibration Fe-Mg des inclusions magmatiques dans les

cristaux d’olivine, d’après Danyushevsky et al. (2000). (a) Diagrammes montrant les différentes évolutions de la composition en fer et magnésium du magma parental A, correspondant à la composition d’une inclusion piégée dans une olivine Fo93,1. Le champ grisé représente l’évolution de la composition des roches totales et des verres. Les droites en pointillé fins (Mg#) correspondent à l’équilibre compositionnel (FeO*/MgO) entre le liquide résiduel de l’inclusion et la bordure de l’olivine plus riche en fer, lors de l’éruption. (b) Schéma montrant la composition de l’inclusion et de l’olivine hôte selon les différentes évolutions présentées en (a), pour les cas A, B et B2. Les valeurs présentées sont celles correspondant aux données de Danyushevsky et al. (2000). L’évolution de A à B correspond à la cristallisation d’olivine plus riche en fer aux parois de l’inclusion, lors du refroidissement avant l’éruption. Celle de B à C résulte de la croissance rapide d’olivine de trempe lors de l’éruption. L’évolution A-B-C peut être renversée par une expérience d’homogénéisation de l’inclusion, de façon à retrouver la composition initiale A du liquide. L’évolution A-B1-C1 est obtenue si l’inclusion est rééquilibrée partiellement (50 %) avec l’olivine hôte, au cours du refroidissement avant l’éruption. Dans ce cas, une expérience d’homogénéisation peut renverser l’évolution B1-C1, mais la composition finale obtenue sera plus faible en fer que A, avec un Mg# plus fort, correspondant à A1. De façon similaire, si l’inclusion est totalement rééquilibréé (100 %) avec l’olivine hôte, il en résulte l’évolution A-B2-C2 (la différence entre les Mg# des inclusions dans les cas A et B2 résulte de la dépendance température/composition du KD selon le modèle de Ford et al., 1983). La composition de l’inclusion homogénéisée sera alors A2. Ainsi, les compositions d’inclusions homogénéisées précédemment affectées par des processus de rééquilibration Fe-Mg avec l’olivine hôte héritent de teneurs en fer plus faibles que le liquide piégé initial. Elles présentent alors un déséquilibre chimique avec l’hôte, se traduisant par un KD plus élevé que la valeur d’équilibre. R1 et R2 correspondent aux compositions des inclusions qui auraient le temps de se rééquilibrer avec l’olivine hôte à la température d’homogénéisation complète. Figure modifiée de Danyushevsky et al. (2000), d’après Laubier (2006).

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Du fait de son coefficient de diffusion élevé, l’hydrogène est également un élément qui tend à se rééquilibrer rapidement avec l’olivine hôte. Ainsi, Qin et al. (1992) ont montré que les concentrations en H2O mesurées dans les inclusions magmatiques sont vraisemblablement différentes des compositions initiales de piégeage. Les inclusions peuvent perdre de l’hydrogène, et donc perdre de l’eau, si elles évoluent suffisamment longtemps à haute température : si le temps de résidence de l’olivine hôte dans la chambre magmatique est relativement long, ou bien lors d’une expérience à haute température prolongée (Massare et al., 2002; Severs et al., 2007). Plus récemment, Chen et al. (2011, 2013) ont également montré et quantifié ce phénomène de perte en eau des inclusions par diffusion lors du chauffage expérimental, leur permettant d’estimer la teneur initiale en eau des liquides piégés et le taux d’ascension du magma hôte. Une perte en eau est généralement détectée par un fort rapport D/H de l’inclusion, caractéristique de la diffusion d’hydrogène vers l’extérieur (Hauri, 2002a).

II-3 : Les inclusions magmatiques des OIB et le cas de La Réunion

Les inclusions magmatiques présentent de plus grandes variabilités de composition que les laves, puisqu’elles enregistrent des instantanés des étapes intermédiaires de l’évolution des magmas, inaccessibles par l’analyse des roches totales (Schiano, 2003). De plus, certaines variabilités de composition des inclusions les plus primitives semblent directement liées à des hétérogénéités de source (e.g. Schiano, 2003; Sobolev et al., 2000). Nous avons vu dans le chapitre I que les cibles privilégiées pour l’identification des hétérogénéités mantelliques sont les basaltes d’îles océaniques (OIB). Toutefois, les résultats des études d’OIB sur roches totales sont encore très controversés quant à l’échelle des hétérogénéités mantelliques et leur signification. Par ailleurs, il est fréquent d’échantillonner dans certaines laves de point chaud des xénocristaux antérieurs à la lave hôte (par exemple à Hawaï et La Réunion, Garcia, 1996; Pichavant et al., 2016; Villemant et al., 2009), dont les magmas parentaux sont généralement plus primitifs, et quasiment jamais échantillonnés en surface en termes de laves. Les inclusions préservées au sein des minéraux des OIB permettent d’accéder aux magmas primitifs des îles océaniques, et aussi d’échantillonner de plus larges gammes de compositions (section II-1.3). Certains auteurs ont donc étudié des inclusions d’OIB pour traiter de problématiques propres aux points chauds : identifier la/les source(s) des panaches mantelliques et les différents réservoirs du manteau, caractériser les variations de taux de fusion partielle dans la formation des magmas et comprendre les systèmes de stockage des volcans boucliers et leur évolution dans le temps.

80 II-3.1 : Inclusions magmatiques des OIB

Généralement, les études se portent sur les inclusions piégées dans les cristaux primitifs, souvent l’olivine puisque c’est classiquement l’un des premiers minéraux dans la séquence de cristallisation des liquides basaltiques. Ainsi, les inclusions piégées dans les olivines des laves hawaïennes montrent une plus grande variabilité en éléments majeurs, volatils et traces que les laves. Les compositions en éléments majeurs des inclusions sont en accord avec celles des OIB hôtes, (tholéiitiques et transitionnelles, e.g. Kent et al., 1999), mais certaines sont picritiques avec jusqu’à 18 pds.% de MgO (Norman et al., 2002; Sobolev et al., 2000; Sobolev et Nikogosian, 1994).

Les éléments volatils peuvent être utilisés pour caractériser la nature des magmas d’île océanique, leurs systèmes de stockage et leurs modalités de transfert et de dégazage. Dans le cas d’Hawaï, sur la base des compositions d’inclusions piégées dans des olivines (notamment H2O, Cl et B), Hauri (2002a) et Kent et al. (1999) ont suggéré que les magmas issus du panache ont assimilé par circulation hydrothermale des composés dérivés de l’eau de mer. D’autre part, les teneurs en CO2 et H2O des inclusions vitreuses peuvent renseigner sur la pression de piégeage des inclusions, et donc sur la profondeur des zones de stockage du magma (e.g. Bureau

et al., 1999, dans le cas de La Réunion).

Les éléments en traces des inclusions permettent de caractériser la nature de la source du panache ainsi que les modalités des processus de fusion. Norman et al. (2002) ont ainsi montré que les magmas hawaïens proviennent de la fusion d’une lithologie de type « lherzolite à grenat » et ont pu estimer l’évolution du taux de fusion partielle de cette source au cours du temps. De plus, la participation de certains composants dans la source du panache peut être détectée par les inclusions magmatiques, comme l’ont montré Sobolev et al. (2000) grâce aux anomalies positives en Sr de certaines inclusions hawaïennes qui n’étaient pas observées dans les laves. Ces anomalies témoigneraient de la présence de matériel gabbroïque océanique dans la source des magmas. Les éléments en traces peuvent également être couplés aux éléments volatils dans les inclusions pour investiguer les sources des magmas (e.g. Koleszar et al., 2009).

Plusieurs processus peuvent donc engendrer la grande variabilité de compositions (éléments majeurs, traces et volatils) des inclusions des points chauds : hétérogénéité de source, fusion partielle, différenciation magmatique et tous les processus d’assimilation. Bien que nettement plus difficile à mettre en œuvre techniquement, l’analyse des compositions isotopiques des inclusions peut permettre de détecter des hétérogénéités à très petites échelles comparées à celles des laves.

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Quelques études isotopiques ont été réalisées sur des inclusions (essentiellement piégées dans l’olivine) de laves représentatives des compositions extrêmes d’OIB dans les diagrammes de corrélation isotopiques, c’est-à-dire caractéristiques des pôles mantelliques enrichis (HIMU, EM1 et EM2, Jackson et Hart, 2006; Kobayashi et al., 2004; Saal et al., 1998, 2005, Fig.II.7). Là encore, les inclusions présentent de plus grandes variabilités compositionnelles que les laves, avec notamment 50% de la gamme des variations en isotopes du Pb des laves terrestres enregistrées dans des inclusions de laves de l’île de Mangaia, par Saal et al., 1998 (Polynésie). Toutefois, le degré de ces hétérogénéités isotopiques a été questionné par Paul et al. (2011). Les études ont montré que l’ensemble des compositions isotopiques des inclusions semblent issues du mélange entre différents composants mantelliques (Jackson et Hart, 2006; Kobayashi

et al., 2004; Saal et al., 1998, 2005; Yurimoto et al., 2004), traduisant bien la présence

d’hétérogénéités à très petites échelles dans la source du panache. Alors que les laves étudiées par Saal et al. (1998) sont homogènes en isotopes du Pb, les variations des compositions des inclusions de ces laves traduisent un mélange entre les pôles HIMU, EM2, et un composant proche de la lithosphère océanique. Des hétérogénéités de source ont également été démontrées par l’utilisation des isotopes du Li, B et Pb mesurés dans des inclusions d’Hawaï (Kobayashi et

al., 2004), ainsi que par les isotopes du Sr dans des inclusions de Samoa (Jackson et Hart,

2006).

Figure II.7. Rapport 208Pb/206Pb versus 207Pb/206Pb des inclusions magmatiques piégées dans des olivines et clinopyroxènes de deux échantillons de basalte de Mangaia (MAG-B25 en carrés noirs et MAG-B47 en cercles vides). Pour MAG-B25: losanges gris, globules de sulfure ; carrés gris, globules de carbonates. Pour MAG-B47: cercles gris, globules de carbonate. Les champs en grisés correspondent aux compositions isotopiques de différents OIB (roches totales, voir citations dans Saal et al., 2005).

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Les différents pôles (composants) mantelliques sont montrés (HIMU, EM1 et EM2), ainsi que les compositions des MORB. Les barres d’erreur représentent la précision analytique en 2σ. Figure modifiée d’après Saal et al. (2005).