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Les inclusions vitreuses primaires sont synchrones de la croissance du cristal hôte. Différentes hypothèses ont été suggérées pour expliquer les mécanismes de formation de ce type d’inclusion dans des cristaux d’olivine, de plagioclase et pyroxène. Certaines de ces expériences ont également eu pour but de déterminer si le liquide piégé représente bien le liquide parental du minéral hôte. En effet lors de la croissance rapide d’un cristal, il se créé à l’interface liquide-minéral une zone « hors-équilibre », dont la composition chimique n’est pas à l’équilibre thermodynamique avec le cristal (e.g. Watson, 1996). Cette zone est appelée « couche limite » et est issue de la compétition entre le taux de croissance cristalline et la vitesse de diffusion des éléments dans la région proche de la surface du cristal (Watson, 1996). Ainsi, la couche limite est enrichie en éléments incompatibles (dans le minéral en formation), à faible vitesse de diffusion. Ce phénomène peut affecter la composition des inclusions magmatiques, comme l’a décrit Baker (2008) pour le plagioclase et le pyroxène : les inclusions piégées dans les cristaux à croissance rapide présentent des compositions en éléments incompatibles qui ne sont pas représentatives de la composition à l’équilibre avec le minéral hôte, si les vitesses de diffusion de ces éléments sont nettement plus lentes que le taux de croissance cristalline. Faure et Schiano (2005) ont également décrit ce type de phénomène dans le cas d’inclusions piégées dans l’olivine.

Les hypothèses les plus répandues sur les mécanismes de formation des inclusions magmatiques primaires impliquent des variations de cinétique de croissance des cristaux, des processus de dissolution/recristallisation et la présence de défauts cristallins (impureté ou minéral inclus) servant de germes à la formation des inclusions (Roedder, 1979; Sobolev et Kostyuk, 1975).

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Nakamura et Shimakita (1998) ont proposé que la dissolution partielle de cristaux de plagioclase entraîne la formation de chenaux de liquide, accompagnée de plagioclase recristallisé qui permet l’étranglement de ces chenaux, formant ainsi des inclusions magmatiques. Ces liquides piégés ne seraient pas à l’équilibre avec le plagioclase de départ, et ne représenteraient donc pas son liquide parental.

Kohut et Nielsen (2004) ont réalisé des expériences de refroidissement de liquides mafiques afin d’observer la formation des inclusions dans l’olivine (Fig.II.2.a-b) et le plagioclase (Fig.II.2.c-d). Ils distinguent deux étapes : la formation de cavités au niveau des excroissances des cristaux associés à une croissance rapide (par exemple les cristaux squelettiques, Fig. II.2.c), lors de la phase de refroidissement, et finalement la fermeture de ces cavités par croissance lente (les cristaux tabulaires, Fig. II.2.d), lors d’une phase suivante d’évolution isothermique. La croissance lente permettrait d’homogénéiser la « couche limite » formée lors de la phase précédente, avant le piégeage final de l’inclusion : la composition du liquide serait donc représentative du magma parental du minéral hôte.

Faure et Schiano (2005) ont également effectué des expériences de cristallisation en faisant varier le taux de refroidissement, pour étudier la formation des inclusions dans l’olivine. Leurs résultats indiquent que la formation d’inclusions est liée aux mécanismes de croissance cristalline, et se produit aussi bien dans les cristaux à croissance rapide (olivines squelettiques ou dendritiques, Fig.II.2.e-f) que dans ceux à croissance lente (olivines polyhédrales, Fig.II.2.g). Dans le cas d’un refroidissement rapide, les inclusions sont issues de la formation de cavités au sein des olivines squelettiques ou dendritiques (Fig. II.2.e-f), qui se remplissent de liquide silicaté. La vitesse de croissance de l’olivine est plus rapide que la vitesse de diffusion des éléments dans le liquide inclus, qui sera donc affecté par les effets de « couche limite » décrits ci-dessus (i.e. enrichi en certains éléments) : l’inclusion ne représente donc pas la composition du liquide parental de l’olivine. Dans le cas d’un refroidissement lent, la croissance cristalline est cette fois plus lente que la vitesse d’inter-diffusion des éléments dans le liquide, et l’inclusion piégée est donc à l’équilibre thermodynamique avec l’olivine hôte (pas d’effet de couche limite) : la composition chimique de l’inclusion représente alors celle du magma parental. Ces auteurs ont proposé que les inclusions dans les olivines automorphes se forment par un processus de croissance en spirale gouverné par des dislocations vis à l’interface minéral-liquide.

Dans le cas de l’olivine, il a également été proposé que les inclusions se forment lors de la coalescence de deux grains en croissance simultanée, si le refroidissement est suffisamment rapide (taux > 7°C/h, Goldstein et Luth, 2006). Toutefois, les inclusions piégées au contact des

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grains sont alignées. Ce mode de formation n’explique pas une distribution aléatoire des inclusions primaires dans les cristaux d’olivine.

D ’après les expériences de Kohut et Nielsen (2004) et Faure et Schiano (2005), les

inclusions piégées dans les cristaux automorphes, d’olivine ou de plagioclase, ne devraient théoriquement pas être affectées par les effets de « couche limite », et semblent donc mieux appropriées pour l’étude du magma parental de ces cristaux.

Figure II.2. (a-d) Images en électrons rétrodiffusés des produits expérimentaux de Kohut et Nielsen

(2004) montrant des inclusions magmatiques (indiquées par des flèches) formées au sein (a) d’une olivine granulaire, (b) de plusieurs cristaux d’olivine squelettiques, (c) de cristaux de plagioclase squelettiques et (d) de cristaux de plagioclase tabulaires. Ces figures illustrent la formation d’inclusions magmatiques par l’apparition de cavités dans les cristaux à croissance rapide, ensuite scellées lors d’une phase de croissance lente (voir texte). (e-g) Photographies et schémas associés illustrant le modèle de formation d’inclusions magmatiques en fonction des mécanismes de croissance des olivines hôtes,

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proposé par Faure et Schiano (2005) (voir texte). (e) Formation d’olivines squelettiques conduisant au piégeage d’inclusions distribuées symétriquement par rapport au centre du cristal. (f) Formation d’olivines dentritiques conduisant au piégeage d’inclusions orientées préférentiellement dans le cristal. (g) Formation d’olivine polyhédrale conduisant au piégeage d’inclusions distribuées aléatoirement dans le cristal. Figure modifiée d’après Kohut et Nielsen (2004) et Faure et Schiano (2005).