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3 : Les cônes adventifs du Piton de la Fournaise 3.1 : Définition et localisation 3.1 : Définition et localisation

Il faut distinguer le Piton de la Fournaise au sens large, correspondant au massif volcanique qui constitue la partie Sud-Est de l’île de La Réunion, et le Piton de la Fournaise au sens strict, cône terminal du massif, qui correspond au plus grand cône de la caldeira de l’Enclos Fouqué, avec le cratère Dolomieu comme cratère principal. Ce dernier représente la zone sommitale du volcan actif.

Depuis la migration vers l’Est de l’activité volcanique au cours du temps, la quasi-totalité des éruptions historiques (depuis le début du XXème siècle) sont localisées au sein de l’Enclos Fouqué (e.g. Villeneuve et Bachèlery, 2006). Le terme de cônes « adventifs » est attribué aux cônes volcaniques qui se situent hors de cette caldeira (Bachèlery et al., 2014). Il s’agit de volcans « satellites » au cône principal, c’est-à-dire au Piton de la Fournaise s.s., bien qu’ils soient considérés comme étant localisés sur les flancs du massif au sens large. Ils s’apparentent aux cônes basaltiques décrits dans de nombreux champs volcaniques monogéniques (e.g. Connor et Conway, 2000). À La Réunion, les cônes adventifs se concentrent essentiellement sur la Plaine des Sables, Plaine des Remparts, Plaine des Cafres et sur le flanc Sud du massif (cf. Fig. I.20). Plus particulièrement, ils se localisent au niveau des rift zones (Fig. I.23), de même que certaines éruptions « hors-enclos » (par exemple l’éruption de 1977, Villeneuve et Bachèlery, 2006).

Figure I.23. (a) Carte de densité des cônes de scories (en bleu) plus jeunes que 60 ka du massif du Piton

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de densité (a), montrant les rift zones NO-SE, SE et NE, la rift zone Sud (South Volcanique Zone, SVZ, cf. texte). PRVA, « Puy Ramond volcanic alignment » (Michon et al., 2015, 2016). Figure modifiée d’après Michon et al. (2016).

Figure I.24 : Système de « plomberie » du Piton de la Fournaise souligné par les zones sismiques

N30-40 et N120. (a) Représentation en carte du système d’alimentation profond de l’activité volcanique sur le massif. (b) Projection de la sismicité le long d’une coupe NO-SE, montrant le transfert de magma vertical puis sub-horizontal. Le système superficiel est visible au-dessus de 8 km b.s.l., à la vertical de la caldera de l’Enclos Fouqué. Une zone asismique est localisée juste au-dessus du Moho, entre 11 et 8 km b.s.l. Les croix blanches indiquent la profondeur minimum (19 - 15 km) du magma émis lors des éruptions du Piton de Caille et du Piton Chisny le long de la rift zone N120 (Bureau et al., 1998b). La flèche représente la remontée magmatique. N120, rift zone NO-SE, zone de sismicité profonde ;

N30-40, autre zone de sismicité profonde ; NE et SE, rift zones Nord-Est et Sud-Est, respectivement ; SVZ,

« South Volcanique Zone », PRVA, « Puy Ramond volcanic alignment » (Michon et al., 2015, 2016) ;

CO, croûte océanique. Figure modifiée d’après Michon et al. (2015).

Le « système de plomberie volcanique » sous le Piton de la Fournaise (s.l.), depuis 30 km de profondeur jusqu’à la surface (Fig. I.24), serait composé de différentes rift zones principales (Fig. I.23, Fig. I.24 et e.g. Michon et al., 2015, 2016) :

 La rift zone NO-SE située entre le Piton des Neiges et le Piton de la Fournaise, de direction N120, linéaire et large d’environ 15 km. Cette rift zone est représentée en surface par de nombreux cônes pyroclastiques de tailles variables (cônes adventifs), et des coulées de lave associées. L’activité aurait débuté il y a au moins 29 ka (au Piton Dugain, McDougall, 1971), pour se finir entre le 14ème et 17ème siècle, avec une périodicité d’environ 200 ans sur les deux derniers ka (Morandi et al., 2016). Une sismicité profonde est enregistrée le long de cette rift zone (jusqu’à 20 b.s.l., Fig. I.24),

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qui se traduirait par le transfert de magma depuis le manteau lithosphérique jusqu’à la base de la croûte océanique.

 Les rift zones NE et SE, depuis l’Enclos Fouqué, constituées de cônes de scories (cônes adventifs) et de fissures éruptives plus récentes (éruptions « hors-Enclos »). L’activité de ces rift zones correspond au minimum au 14ème siècle(Morandi et al., 2016).

 La rift zone Sud ou SVZ (pour « South Volcanic Zone »), de 20 km de long et parallèle à la rift zone NO-SE (direction N°120) sur les flancs Sud-Ouest et Sud-Est du volcan, est représentée par des cônes de scories (cônes adventifs) dont certains sont très proches de la côte. C’est probablement dans cette SVZ que se trouvent les cônes adventifs les plus anciens (par exemple : 57 ka pour le Piton Rouge, McDougall, 1971).

Des cônes adventifs, également appelés cônes « excentriques », ont été décrits sur les deux premiers types de rift zone (Bachèlery, 1981; Bonali et al., 2011; Villeneuve et Bachèlery, 2006), mais également sur le flanc Sud (e.g. Bachèlery et al., 2014). C’est notamment la densité de ces cônes adventifs qui permet de définir ces zones préférentielles d’injection de magma (cf. Fig. I.23). Il faut noter qu’une zone d’injection de direction N30-40 est également détectée par la sismicité, et représente le système d’alimentation profond du volcan (Fig. I.24). Ainsi, le magma remonte verticalement depuis des niveaux plus profonds au nord-ouest, avant de se propager latéralement vers le sud-est. Le système superficiel est localisé à la verticale de l’Enclos Fouqué. Il faut remarquer que le système profond est localisé sous des zones privilégiées des cônes adventifs (Plaine des Sables, Plaine des Cafres, Plaine des Remparts). Les cônes adventifs sont des volcans généralement monogéniques, à l’exception de certains cônes de la Plaine des Sables (cônes polygéniques du Piton Chisny, Demi-Piton et Piton Haüy, Michon et al., 2015; Morandi et al., 2016). Sous la forme de cônes de scories essentiellement (parfois hauts d’environ 100-200 m), ils correspondent à une activité hawaïenne et strombolienne. Environ 100 cônes stromboliens ont ainsi été identifiés sur le massif, relativement non-érodés, mais plus ou moins recouverts par la végétation. Des coulées de lave y sont associées, et les dépôts pyroclastiques y sont plus importants que sur les cônes actuels (Morandi et al., 2016). Les plus anciens cônes adventifs sont estimés à environ 60 ka (Piton Rouge, McDougall, 1971), et la plus récente éruption est datée à environ 300 ans (datation 14C) pour la phase terminale du Piton Chisny (Morandi et al., 2016). Villeneuve et Bachèlery (2006) ont classé les éruptions de la plupart des cônes adventifs dans les éruptions de « type Chisny »,

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qui sont caractérisées par une alimentation magmatique profonde, sans transiter par la zone sommitale (Bachèlery, 1981). Les auteurs soulèvent ainsi l’important risque volcanique sur le plan géographique de ces cônes (~250000 personnes seraient directement impactées). Les grandes fontaines de lave associées à ce type d’éruption atteignent une surface relativement petite autour de la source éruptive, mais leur localisation reste aléatoire et elles demeurent donc imprévisibles dans le temps (Morandi et al., 2016). Bien que leur fréquence d’éruption soit largement inférieure à celles de la zone sommitale actuelle (Villeneuve et Bachèlery, 2006), le risque volcanique serait considérable si de telles éruptions venaient à se produire dans des zones habitées, le dynamisme associé étant nettement plus explosif. De plus, Villeneuve et Bachèlery (2006) ont précisé que les coulées de Chisny et des Trous Blancs (cf. Fig. I.25) ont atteint la mer, où se situent actuellement des villes habitées. Le Petit Cratère est l’éruption de « type Chisny » la plus récente (~475 ans), située hors des systèmes caldeiriques de l’Enclos Fouqué et de la Plaine des Sables, au Nord-Ouest du Piton de la Fournaise, ce qui rappelle que le risque d’éruption dans la région dites « des plaines » est non-négligeable (Villeneuve et Bachèlery, 2006).

Parmi les cônes adventifs classés dans le « type Chisny » figurent notamment le Piton Haüy, le Demi-Piton et le Piton Chisny (Plaine des Sables) ; les nombreux cônes de la Plaine des Cafres ; ceux proches de la côte et sur le flanc Sud du Piton de la Fournaise, comme le Piton Montvert (flanc Sud-Ouest), le Piton Langevin et le Piton Vincendo (flanc Sud-Est) ; ainsi que ceux situés au Nord, comme le Piton Armand (flanc Nord-Ouest, Fig. I.25).

Peu de travaux se sont intéressés aux cônes adventifs. Les plus étudiés sont ceux de la Plaines des Sables, et notamment le Piton Chisny et le Piton Haüy, polygéniques et plus complexes (e.g. Morandi et al., 2016; Principe et al., 2016). Leur dynamisme éruptif peut varier de violentes fontaines de lave à une activité plus effusive, et les lapillis qu’ils ont émis recouvrent aujourd’hui toute la plaine, encore préservés de la végétation (Principe et al., 2016). Le Piton Chisny a été étudié notamment pour ses cumulats dunitiques (Peters et al., 2016; Upton

et al., 2000). L’éruption s’est déroulée en plusieurs phases. Les dépôts les plus anciens attribués

au Chisny sont datés à 1105 ± 60 ans BP (Bachèlery, 1981; Tanguy et al., 2011) alors que la phase terminale à un âge de 381 ± 26 ans BP (Morandi et al., 2016). Le Piton de Caille, également situé sur la rift zone NO-SE (Plaine des Cafres), a été étudié pour ces cristaux automorphes d’olivine remarquablement conservés (e.g. Bureau et al., 1998a, 1998b; Laubier, 2006; Welsch, 2010; Welsch et al., 2013). Il présente une coulée de lave très vésiculée et des niveaux scoriacés riches en olivine. Il est estimé à moins de 5000 ans (Bureau et al., 1998b).

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Le Piton Vincendo (~3000 ans) et le Piton Manapany (~50 ka) sont les seuls cônes adventifs de la SVZ qui ont également été étudiés pour leurs cristaux d’olivine préservés (Bureau et al., 1998b). Ils témoigneraient d’éruptions excentriques, orientées suivant la rift zone Sud-Est en N°120 (Bachèlery, 1981).

Figure I.25 : Exemples de « pitons » du massif du Piton de la Fournaise hérités d’évènements de « type

Chisny ». D’après Villeneuve et Bachèlery (2006).