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Le Piton des Neiges forme les deux tiers de l’île, dans sa partie Nord-Ouest. Il culmine à 3071 mètres, ce qui en fait le sommet de l’île, malgré l’importance des processus d’érosion. - Evolution magmatique et structurale du Piton des Neiges :

Son activité a débuté il y a au moins 5 Ma (e.g. Gillot et al., 1994) et sa partie subaérienne a débuté sa construction il y a plus de 2 Ma (Quidelleur et al., 2010). Bien que son extinction ait été estimée à 12 ka (Deniel, 1988), Salvany et al. (2012)ont plus récemment retenu un âge plus ancien (~ 29 ka) pour la fin d’activité de ce volcan.

Ces mêmes auteurs considèrent que le volcan aurait été construit sur un massif volcanique antérieur, plus au Nord-Ouest, identifié comme le Massif de la Montagne (Gillot et Nativel, 1982; Gillot et al., 1994; Salvany, 2009). L’activité de ce massif étant supposée entre 2,2 et 1,8

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Ma, celle du Piton des Neiges aurait débuté après (~1,4 ka, après un gap de 400 000 ans environ). En effet, de nombreux échantillons regroupés dans cette partie du massif ont été datés autour de 2205 et 2002 ka (McDougall et Watkins, 1973; McDougall, 1971; Quidelleur et al., 2010) suggérant ainsi qu’une activité volcanique à part entière ait pu évoluer préférentiellement dans cette zone, avant de migrer progressivement vers l’Est au cours du temps.

Toutes les séries magmatiques illustrées sur la figure I.15 ont été émises au Piton des Neiges, à l’exception du Groupe Anormal, à notre connaissance. La partie sub-aérienne du volcan est constituée : des Séries Océanitiques et des Séries Différenciées, correspondant en fait aux deux stades majeurs de l’édification volcanique (Upton et Wadsworth, 1965). Les premières correspondraient au stade bouclier de ce volcan de point chaud, et les deuxièmes au stade post-bouclier, c’est-à-dire au stade de déclin magmatique (section I-1.1.3). Selon Billard et Vincent (1974), l’activité du volcan peut aussi être découpée dans le temps en différentes « phases », comme représenté sur la figure I.22 (figure synthétique de la géologie de La Réunion). Ainsi, la construction du volcan bouclier, visible actuellement par des coulées de laves basiques et des produits volcano-sédimentaires transportés, eut lieu entre 2 Ma et 430 ka (Gillot et Nativel, 1982; McDougall, 1971; Upton et Wadsworth, 1972a). Ces laves correspondent aux Séries Océanitiques (section I-2.1.1) et leur composition est essentiellement contrôlée par la cristallisation et/ou l’accumulation d’olivine (Upton et Wadsworth, 1972a). Ces laves correspondent également aux « Phases I et II » de Billard et Vincent (1974) : la « Phase I » correspond à la construction sous-marine du volcan (> 2,1 Ma, Upton et Wadsworth, 1969), et la « Phase II » à la construction émergée du bouclier (2,0 - 0,4 Ma, Chamalaun et McDougall, 1966). Après une courte période de repos volcanique de moins de 100 ka, ce stade basique a été suivi par une séquence de coulées et de roches pyroclastiques correspondant aux Séries Différenciées et qui représenterait le stade post-bouclier du volcan, de 340 ka environ (McDougall, 1971; Salvany et al., 2012; Upton et Wadsworth, 1972a) jusqu’à la fin de l’activité du volcan. Les Séries Différenciées sont constituées de laves alcalines (coulées et pyroclastites), des basaltes aux trachytes (e.g. Kluska, 1997; Upton et Wadsworth, 1972a, section I-2.1.2). D’après Upton et Wadsworth (1972a), le changement de composition des laves Océanitiques vers les laves Différenciées est dû à un changement de l’activité magmatique, correspondant à une évolution (par cristallisation fractionnée) en système fermé du réservoir magmatique lors du déplacement latéral du principal conduit volcanique vers l’Est. Cette période correspondrait aux « Phases III et IV » de Billard et Vincent (1974): la « Phase III », continue entre 340 et 230 ka, consiste en l’éruption d’hawaïtes et mugéarites, la « Phase IV » (∼230-12 ka) en plusieurs épisodes explosifs associés à l’éruption des laves les plus différenciées de l’île, comprenant

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mugéarites, benmoréites (e.g. Deniel et al., 1992; Kieffer, 1990) et trachytes (Kluska, 1997; Nativel et al., 1979; Upton et Wadsworth, 1972a). La phase la plus explosive du volcan correspond à une séquence ignimbritique (Rocher et Westercamp, 1989) datée à 180 ka et elle fut suivie par une période de repos volcanique d’environ 40 ka (Kieffer, 1990; Kluska, 1997; Salvany et al., 2012).

La géomorphologie actuelle du volcan, bien que toujours caractérisée par une forme aplatie typique des volcans bouliers, est fortement affectée par l’érosion. Il faut aussi ajouter à cela les grands évènements qui ont perturbé la construction du volcan à certaines périodes (par exemple les glissements de flanc, ou processus d’étalement, Famin et Michon, 2010; Le Friant

et al., 2011; Oehler et al., 2008). Les structures érosives les plus caractéristiques du volcan

aujourd’hui sont les trois « cirques », qui sont de grandes dépressions radiales au sommet de l’édifice (cf. Fig. I.13 et I.22), avec chronologiquement : le cirque de Mafate au Nord-Ouest (> 1 Ma), le cirque de Cilaos au Sud (1-0,45 Ma) et le cirque de Salazie au Nord-Est (0,6-0,43 Ma), d’après Kluska (1997) et Oehler (2005). C’est grâce à la formation de ces cirques qu’affleurent aujourd’hui des complexes intrusifs gabbroïques (cirque de Cilaos et cirque de Salazie, e.g. Famin et Michon, 2010; Rançon et al., 1988; Rocher, 1988; Upton et Wadsworth, 1972b), qui ont été identifiés comme des poches ou chambres magmatiques du volcan.

- Les Basaltes Porphyriques à Plagioclases du Piton des Neiges :

Durant la mise en place des Séries Différenciées, deux périodes d’éruption de BPP ont été identifiées. La première apparaît au début de ces séries (en transition après les Séries Océanitiques antérieures, Upton et Wadsworth, 1965, 1972a), datée de 340 à 250 ka environ (Kluska, 1997, « Phase III » de Billard et Vincent, 1974). La deuxième est estimée par Kluska (1997) entre 140 et 100 ka (« Phase IV » de Billard et Vincent, 1974), c’est-à-dire après la phase de repos volcanique qui a suivi l’éruption de l’ignimbrite datée de 180 ka (Gillot et Nativel, 1982; Kieffer, 1990) et avant la dernière phase éruptive du volcan (70-29 ka, Kluska, 1997). - Le système magmatique du volcan :

Le système magmatique du Piton des Neiges a été bien moins étudié que celui du Piton de la Fournaise. Il a d’abord été suggéré que la différenciation magmatique ait eu lieu dans une ou plusieurs chambres, entre 3 et 4 km de profondeur (Upton et Wadsworth, 1972a). Fisk et al. (1988) a ensuite proposé une cristallisation entre 5 et 15 km de profondeur d’olivine et d’augite. D’après Kluska (1997), les laves des Séries Différenciées ont évolué dans deux réservoirs

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magmatiques superposés, évoluant indépendamment l’un de l’autre, à 3 kbar et 5 kbar, respectivement, ce dernier ayant permis la formation des BPP du volcan.

Ainsi présentée, la succession constructive des séquences magmatiques du Piton des Neiges paraît cohérente avec le modèle d’édification classique des volcans de point chaud, de type hawaïen (section I-1.1.3), puisqu’un stade plus alcalin et différencié de post-bouclier succède à un stade bouclier de basaltes transitionnels et, avec les phases successives de repos volcanique, semble s’accompagner d’un déclin de l’activité magmatique, jusqu’à son extinction complète.