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La séparation des fossiles organiques du règne minéral : la forme se sépare de la matière

1.1 La définition du fossile – le destin d’un mot

1.2.1 Les classifications minéralogiques comme corpus de référence .1 Définir c’est classer et réciproquement

1.2.1.7 La séparation des fossiles organiques du règne minéral : la forme se sépare de la matière

Au milieu du 18e siècle, il existe au sein de la classe taxonomique majeure que désigne le terme fossile ou règne minéral, un ensemble d’objets naturels correspondant à des objets minéraux à part. Ceux-ci sont issus d’un passé génétique et d’un passé topologique différent du reste des objets du règne minéral. Plus rien ne peut épistémologiquement rattacher le fossile organique au règne minéral. Il est différent par nature du reste des éléments du règne et il est accidentellement dans la terre. Dès lors, peut-on raisonnablement étudier ces objets particuliers de la même façon que les autres ? De toute évidence, non ! La minéralogie de la seconde moitié du 18e siècle ne pourra supporter la cohabitation épistémologique de ces deux ensembles d’objets. Cette opposition franche et ce refus de continuer à avoir affaire avec les fossiles organiques tiennent, selon moi, à quelques points irréductiblement liés à la nature du fossile organique. Le premier point est plutôt évident, mais les autres sont sans doute moins triviaux. Tout d’abord, par leur nature même, ces corps organiques doivent être étudiés par les botanistes et les zoologues. Cronstedt le rappellera : « La collection de ces sortes de matières [les pétrifications] ne peut servir qu'à faire connaître certains corps du règne animal et végétal, […]. Conséquemment ce sera une occupation intéressante pour ceux qui ne s'appliquent qu'à la zoologie et à la botanique. »237 La science de la fin du 18e siècle est déjà une science de spécialistes ; loin de l’encyclopédisme du siècle précédent, les frontières disciplinaires sont déjà bien tracées : à chacun son objet naturel, pourrait-on dire. Ensuite, et c’est me semble-t-il le plus important, par nature, il existe une différence structurelle fondamentale entre un corps minéral non organisé et un autre organisé, différence que j’illustrerai par la tension que Werner identifie entre la conformation des corps et leur composition. Cette dichotomie occasionne une

236 Buc’hoz, Vallerius Lotharingiae,… p. 31.

92 limite épistémologue quasi étanche entre les fossiles organiques et les autres fossiles. Trois conséquences importantes découleront de cette incommensurabilité structurelle. La première est ontologique, les autres concernent plutôt les pratiques scientifiques :

(1) La rupture de la continuité entre le règne minéral et celui du vivant

(2) La nouvelle taxonomie minéralogique chimique rend inutilisable le fossile organique

(3) Dans le règne minéral, décrire n’est pas classer, contrairement au vivant

La minéralogie de la fin du 18e siècle va prendre acte de l’incommensurabilité du règne minéral et du règne du vivant. Sans doute parmi d’autres, les trois conséquences que je viens de formuler, qui seront ici envisagées comme des candidates à l’explication de « l’éviction » des fossiles organiques, sont épistémologiques. Les deux dernières mettent en jeu la relation du scientifique avec l’objet, tandis que la première met en jeu la relation des objets avec les autres objets de la nature. Ces trois points relèvent, en définitive, d’une même « révolution », celle de la rupture entre la matière et la forme.

Avant de m’engager sur le terrain de l’explication, je propose d’explorer un moment important de l’histoire de la discipline minéralogique, celui de la naissance de son nom.

La minéralogie

Malgré la tentative de l’anglais Georges Edwards (1694-1773) qui utilisera le terme Fossilology, c’est désormais le terme de Minéralogie qui sera utilisé quand il s’agira de systématique sur le règne minéral. Edwards est un ornithologue de grande réputation en Angleterre mais, comme il arrive souvent chez les naturalistes, il s’adonne en profondeur à d’autres champs de l’Histoire naturelle. C’est ainsi que fut publié, après sa mort en 1776, un ouvrage de systématique minéralogique, Elements of fossilogy238. Pour l’anecdote, il justifiera l’utilisation de l’expression fossilology par une règle de grammaire qui veut que « that no compound word is to be formed of other word, which are of different languages : the terms Fossilogy and Minerology, are a violation of this rule ; but we beg leave to make use of one of these terms rather than invent a new one, and we prefer the former to the latter. »239 Selon cette règle, seul le mot d’origine grecque Oryctologie est possible. Peut-être avons-nous affaire, avec

238 Edwards, George, Elements of fossilogy, B. White, 1776. 239 Ibid., p. advertisment.

93 Edwards, aux derniers soubresauts sémantiques du mot fossile. En tout état de cause, l’ouvrage d’Edwards est consacré exclusivement à la minéralogie sensu stricto : « Fossilology is a science, teaching, […] the knowledge of the different bodies, which are found in the earth, and which have neither animal nor vegetable origin. »240 On trouvera une grande similitude avec le travail d’un autre anglais, John Walker241, mais aussi avec celui de Werner lui-même, qui continuera à utiliser le terme fossile comme synonyme de minéral tout en rejetant des classifications les objets d’origine organique. Si ces exemples, excepté celui de Werner, sont plutôt anecdotiques dans l’histoire de la minéralogie, ceux de Johann Friedrich Henckel (1678-1744), Axel Fredrik Cronstedt (1722-1765), Torbern Olof Bergman (1735-1784), William Babbigton (1756-1833), Johann Gottfried Schmeisser (1767-1837), ou encore Richard Kirwan (1733-1812), ne le sont pas. Tous sont d’importants minéralogistes de la fin du 18e siècle et tous utiliseront le terme minéralogie dans leur titre d’ouvrage. Le mot, je l’ai dit plus haut, est ancien et inauguré par Bernardo Cesi à la fin du 16e siècle, puis réemployé, sans qu’il y ait de lien historique évident, par Bromell en 1730. Sans doute se crée-t-il autour de ce nouveau mot, et au détriment de celui de Fossile, un champ disciplinaire particulier. L’apparition du mot Minéralogie est synchrone de la disparition des fossiles organiques des classifications du règne minéralogique. Entre 1650 et 1750 nous dit Rachel Laudan « The mineralogist had to decide whether the imperfect geometric shapes found in naturally occuring crystals and the imperfect ressemblances to living being found in fossils were also natural kinds and, if so how they were formed. »242 Si les explications en termes chimiques ne suffisaient pas, la place était laissée aux théories endogéniques comme la vis plastica. A partir du moment où la nature organique des fossiles est admise par tous, si toutefois cela n’était pas le cas auparavant, la recherche des causes de tel fossile n’est plus du ressort de la chimie, mais de la zoologie ou de la botanique. A partir de la moitié du 18e siècle, la minéralogie n’a plus rien à tirer ni à apporter aux fossiles organiques.

On pourra lire, en 1747, dans un ouvrage posthume de Johann Friedrich Henckel : « On comprend sous le nom de Minéraux, tous les corps qui se trouvent dans le sein de la terre, ne sont d'une nature ni végétale ni animale, et n'en ont point les propriétés ; tels que les terres, les pierres, les sels, les mines, les métaux, et les pétrifications des deux autres règnes. A parler strictement, la dénomination de fossiles ne s'étend pas aux mines et aux métaux, quoiqu'on les

240 Ibid., p. 1.

241 Walker, John, Classes fossilium, 1787. 242 Laudan, From mineralogy to geology, p. 27.

94 tire du sein de la terre ; elle ne s'applique qu'aux terres, etc. et surtout aux pierres figurées et aux autres substances pétrifiées. »243

La méthode d’Henckel est analytique. Il pense qu’on ne peut connaître les objets du règne minéral que par l’analyse des parties : « Il y a trois points de vue sous lesquels on peut considérer les choses naturelles ou plutôt les corps. 1o. Selon leur forme extérieure ou proportion. 2o. Selon leur pesanteur. 3o. Selon leur mixtion. […] C’est de cette troisième partie de la physique que nous avons à traiter. » Il ajoute plus loin : « L'essai que nous publions aura particulièrement pour objet la Minéralogie […]. La Chimie est la clef de cette science ; mais comme cet Art ne s'occupe ni de la figure, ni de la différence extérieure, ni des dénominations des minéraux, j'ai cru devoir donner une idée de ces objets, d'après ce que l'expérience m'en a appris. »244 Henckel évoque la présence d'éléments minéraux dans les autres règnes de la nature245. Si les pierres trouvées dans la vessie, les reins, etc… ne lui posent pas de problèmes de classification, il refuse d'admettre dans la classe des pierres les restes pétrifiés d'animaux : « Il se trouve encore dans les animaux d'autres substances, auxquelles on donne abusivement le nom de pierres […]. On peut encore placer ici les coquilles, pétrifications ou coquilles fossiles, les os pétrifiés, etc. », et les restes pétrifiés de végétaux : « Il ne se forme proprement point de pierre dans le règne végétal ; et c'est abusivement, et sur la ressemblance, qu'on appelle pierres, certaines substances de ce règne. Ces pierres prétendues sont, ou du bois, ou d'autres substances végétales, qui se sont pétrifiées par la suite. »246 De la même façon, Cronstedt, Bergman ou Antoine Grimoald Monnet n’utiliseront plus le terme fossile et repousseront en annexe de leurs classifications les fossiles organiques.

Un peu plus tard, en France, de nouveaux ingénieurs des mines comme André-Jean-François-Marie Brochant de Villiers (1772-1840) prennent vite part au débat. Brochant, étudie dès 1794 à la toute nouvelle Ecole polytechnique de Paris et rejoint la même année la non moins nouvelle Ecole des mines de Paris. Il sera élève de Werner à Freyburg de 1797 jusqu’en 1802, puis il deviendra professeur de minéralogie et de géologie à l’Ecole des Mines en 1804 où il aura entre autres pour mission de réorganiser les collections minéralogiques247. En France, en ce tout début de 19e siècle, le problème de la dénomination des objets du règne minéral est tranché : « La Minéralogie comprenait autrefois tout ce qui est relatif directement ou indirectement aux

243 Henckel, Johann Friedrich, Introduction à la minéralogie ; ou Connaissance des eaux, des sucs terrestres, des sels, des terres, des pierres, des minéraux, et des métaux., Paris, G. Cavelier [1756], 1747, p. 68.

244 Ibid., p. ij. 245 Ibid., p. 45 sq. 246 Ibid., p. 46.

247 Schutt, Hans-Werner, « L’interdépendance de la minéralogie en France et en Allemagne au début du XIXe siècle », Revue de synthèse, vol. 109, n°. 2, 1988, p. 206.

95 minéraux, ainsi elle renfermait l'art d'exploiter les mines, la métallurgie, etc. ; mais depuis on a restreint cette science à la connaissance pure et simple des minéraux. »248 Comme l’a fait avant lui Werner, il laissera les animaux et les végétaux pétrifiés aux zoologues et aux botanistes et finira par conclure dans une note : « On a préféré les mots minéraux et substances minérales à celui de fossiles dont Werner se sert le plus ordinairement. Cet usage est assez reçu depuis quelques années parmi les minéralogistes français. Le mot fossiles est réservé pour désigner les végétaux et animaux minéralisés. »249 Avec Henri Struve quelques années auparavant, il a été le principal promoteur de la minéralogie wernerienne.

Les trois minéralogies

Depuis Agricola, une méthodologie s’est constituée consistant en une description formelle ou sensuelle du minéral (odeur, couleur, texture…) dans l’objectif de le classer. Plus tard, au 18e siècle, en contre-point de cette méthode, se sont développées des méthodes basées sur la composition des minéraux. Ce rapprochement des sciences minéralogiques avec la chimie et le travail des mines est, selon Theodore Porter250, essentiellement dû à la faible efficacité de la méthode descriptive pour l’identification des objets minéraux. En effet, les tests chimiques peuvent avantageusement remplacer la méthode descriptive. L’utilisation, en l’occurrence, des réactions chimiques des minéraux lors de traitement au feu et à l’eau donne des résultats analytiques bien meilleurs que les seules observations descriptives. Cette méthode analytique est directement héritière de la chimie stahlienne251. Celle-ci prône une approche corpusculaire de la matière et de l’affinité chimique entre ces corpuscules ou des agrégats qu’ils peuvent constituer. Ainsi, malgré l’opposition à ses découvertes par ses successeurs, le chimiste et médecin allemand, Georg Ernst Stahl (1659-1734), père de la théorie du Phlogistique, inaugura les premiers travaux en matière de chimie analytique.

La science minéralogique est, à ce moment-là, divisée en trois grands courants252 : les minéralogistes de tradition naturaliste, qui décrivent et classent par les caractères externes, utilisant généralement les concepts linnéens de classification ; les minéralogistes de tradition

248 Brochant de Villiers, André-Jean-François-Marie, Traité élémentaire de minéralogie, suivant les principes du professeur Werner, vol. 1 / 2, Paris, Villier, 1800, p. 25.

249 Ibid.

250 Porter, « The promotion of mining and the advancement of science », p. 548. 251 Laudan, From mineralogy to geology.

252 Ospovat, Alexander M, Abraham Gottlob Werner and his influence on mineralogy and geology, 1962 ; Eyles, V. A., « Essay Review : Abraham Gottlob Werner (1749–1817) and His Position in the History of the Mineralogical and Geological Sciences »:, History of Science, vol. 3, n°. 1, 1964, pp. 102‑115 ; Schutt, « L’interdépendance de la minéralogie en France et en Allemagne au début du XIXe siècle ».

96 chimique et de laboratoire, qui analysent et classent selon les caractères de composition ; un troisième courant, médian, mêle la première et la seconde traditions : Werner en fut le représentant le plus reconnu. Mais, à ce moment-là, aucun de ces courants ne prévaut sur les autres, et la minéralogie cherche sa méthode. En effet, comme je l’ai suggéré plus haut, la principale activité des minéralogistes durant le 18e siècle est la taxonomie au même titre que celle de la botanique et de la zoologie. Mais les minéralogistes sont confrontés à des problèmes ardus, dont trois présentent des difficultés majeures253. En premier lieu, la chimie est encore insuffisamment performante pour apporter des analyses pertinentes pour une taxonomie par la composition. Werner soulignera fermement : « On ne peut les reconnaître ni les déterminer [les caractères intérieurs] aussi exactement que les premiers [les caractères externes] ; car ils supposent une connaissance parfaite de la Chimie, et cette Science elle-même n’est pas encore à sa perfection. »254 Autre problème, l’instrumentation pour la mesure des qualités physiques fait également défaut. Ainsi, par exemple, la dureté est classée selon des catégories très lâches : molle, moyenne, dure, très dure, etc. L’échelle de dureté de Mohs ne verra le jour qu’en 1812. Enfin, les minéralogistes sont confrontés parfois à l’inadéquation entre les caractères externes et internes. Certains minéraux de même composition ont des caractères de formes différentes et réciproquement. Pour ainsi dire, une définition de l’espèce minérale devient impossible à produire. Ce flottement méthodologique maintiendra jusqu’au début du 19e siècle la compétition entre ces trois courants. Ainsi, en attendant des jours meilleurs pour la chimie et l’instrumentation physique, c’est à ce moment-là la méthode mixte de Werner qui se diffuse tout particulièrement.

L’épistémologie de Werner - Les caractères externes

Abraham Gottlob Werner va publier en 1774 un ouvrage uniquement consacré aux caractères externes des fossiles sensu lato, tout en insistant sur le fait que ceux-ci ne peuvent servir à la division taxonomique des minéraux et que seule une analyse par la composition peut le faire : « […] l’on ne doit point faire servir ces caractères à établir une division systématique des minéraux, […] mais seulement à déterminer l’idée de leur apparence extérieure, et à fixer la méthode de les décrire. »255

253 Schutt, « L’interdépendance de la minéralogie en France et en Allemagne au début du XIXe siècle », p. 207. 254 Werner, Abraham Gottlob, Traité des caractères extérieurs des fossiles, Dijon [1790], L.N. Frantin, 1774, p. 29. 255 Ibid., p. xxvi.

97 Werner est un professionnel des mines et enseigne très tôt à l’université de Freyburg, ville du land très minier de Saxe-Anhalt, en Allemagne. A ce titre, comme Agricola, son travail de taxonomiste minéralogiste en est inévitablement influencé. D’ailleurs son ouvrage devient très vite un outil efficace à la fois pour les étudiants en minéralogie, pour les mineurs et pour les futurs minéralogistes dont il constitue une source d’inspiration256. Il sera traduit en français et en anglais, diffusé partout en Europe et sur le continent américain (Etats-Unis, Mexique et Colombie)257. Comme le suédois Tobern Bergman, quelques années plus tard, il dressera une liste des différents minéralogistes qui s’inscrivent dans sa méthode. Bergman, plus chimiste, y opposera celle des minéralogistes qui « considèrent les principes constituants comme des caractères de classification. »258 Dans cette atmosphère de débat scientifique fort intense, ces inventaires de minéralogistes ne sont pas anodins. Ils prennent une place importante dans les introductions : Bergman y consacrera plus de soixante pages. Outre le caractère historique de l’exercice, il s’agit probablement pour eux de s’assurer d’une assisse scientifique dans un climat de controverse, en assumant ou en refusant telle ou telle méthode. Les avis sont parfois « sanglants ».

Werner fait d’Agricola le premier classificateur par les caractères externes. Les principes de systématiques sont dans l’ordre de présentation : l’aspect, la saveur, l’odeur, le toucher, pour les caractères sensuels, et la forme et la grosseur, pour les caractères morphologiques. Il en sera de même pour Gellert, Wallerius etc. Henri Struve (1751-1826) est le premier titulaire de la chaire de chimie et minéralogie de Lausanne. Wernerien convaincu et continuateur de son œuvre, il œuvra toute sa vie à défendre l’idée d’une minéralogie analytique basée sur l’observation : « J’ai essayé, […] d'ouvrir à l'étude de cette science une nouvelle route […]. Elle repose principalement sur les caractères extérieurs des Fossiles, de la manière dont ils ont été déterminés par le célèbre Werner de Freyberg. »259 A la manière de Werner, dira-t-il, « On les interroge dans l'ordre suivant : La Vue, Le Tact, l'Odorat, le Goût et L'Ouïe. ». D’Agricola à Struve, les outils fondamentaux restent les mêmes : ceux, empiriques, des sens.

256 Il serait intéressant pour l’avenir de chercher à comprendre la part que peut jouer, chez Werner (et Agricola), une forte connaissance pratique dans l’élaboration théorique des taxonomies. La minéralogie se prête particulièrement bien à cette double compétence. Théodore Porter a tenté cette approche dans son article « The promotion of mining and the advancement of science » cité précedemment.

257 Eyles, « Essay Review », p. 106.

258 Bergman, Torbern, Manuel du minéralogiste, ou Sciagraphie du règne minéral distribué d’après l’analyse chimique, Paris, Cuchet [1784], 1783, p. xij.

259 Struve, Henri, Méthode analytique des fossiles, fondée sur leurs caractères extérieurs, Paris, Henry Tardieu, l’an VII, 1798, p. iij.

98 C’est précisément l’approche « externaliste » qui intéressera particulièrement mon propos. En effet, cette approche, même si elle tient son origine des travaux d’Agricola, prendra avec Werner une tournure problématique qu’il questionnera et commentera abondamment, en opposition notamment avec l’approche par analyse de composition. Ce qui m’intéresse dans cette méthode de description wernérienne appliquée au minéral, est, d’une part que cette méthode est celle que les naturalistes utilisent pour le vivant, où le fait de décrire est l’équivalent du fait de classer, et, d’autre part que le problème que pose Werner est ontologique, à savoir : comment penser une description et une classification du règne minéral à travers les objets naturels eux-mêmes ? Il s’intéresse au minéral, mais avec la préoccupation de le confronter au vivant. On retrouve de toute évidence les questions de la distinction entre les mixtes et le vivant260 qui ont animé, avec Georg Ernst Stahl, le tout début du 18e siècle.En effet, le chimiste allemand Stahl qui, outre son apport décisif concernant l’oxydo-réduction, a créé le concept de Phlogistique dont on connaît le destin, pense la chimie des corps dans le cadre continu des trois règnes naturels. Pour lui, les corps naturels dans leur ensemble sont constitués de la même matière et créent par conséquent une continuité entre les règnes. C’est ainsi que, pour faire la différence entre l’inanimé et l’animé, entre les mixtes et le vivant, il créera la notion de vitalisme comme principe organisateur de la matière, principe qui alimentera la biologie et la médecine