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Annexe 22 : Glossaire

1.2. Perception émotionnelle

2.1.2. a Sémantique : inclusion de termes turcs

Terme français Équivalent en bosniaque Inclusion de termes turcs au lieu des

équivalents en bosniaque

ami prijatelj jaran

réunion d’amis provod teferič

rebelle odmetnik jalija

quartier četvrt mahala

soirée entre amis n/a50 akšamluk

Toute cette construction poético-littéraire ne met en valeur que l’attachement émotionnel à l’ambiance de šeher, notamment par les conventions symboliques, mais

50 L’équivalent en bosniaque est inexistant en tant que nom propre. Un ensemble de mots peut décrire le concept, notamment sastajanje u vrijeme zalaska sunca, signifiant soirée entre amis.

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également par l’identité individuelle et socioculturelle. Cela dit, l’identité individuelle provient des prénoms et/ou noms de famille, notamment Latif, Sulejman, Hadž’kadić, Tetarić et Dervišić. Par la présence des prénoms et/ou noms de famille spécifiques, un caractère davantage personnel est introduit. Cette introduction a un impact de grande envergure autant sur l’interprète que l’auditeur par la véracité du contenu poético-littéraire qui, à son tour, fait resurgir des affinités avec le passé turc, plus précisément l’attachement émotionnel à l’ambiance de šeher. L’identité socioculturelle, quant à elle, est projetée par l’inclusion de l’urbanité, de la fonction des citoyens ainsi que de l’appartenance religieuse. Par l’urbanité, j’isole le terme « tekije », structures architecturales construites dans les milieux urbains, les villes et non pas les villages, ainsi que le terme « mahala » définissant le quartier urbain. Le suffixe « aga », dans « Latif-aga », signifiant agha ou autrement dit l’officier du corps des janissaires, renforce l’urbanité par le fait que les personnes de cet ordre furent établies dans les villes et non pas les villages. L’appartenance religieuse demeure grandement exposée, notamment par l’introduction du terme « tekija ». Tel que mentionné antérieurement, il s’agit d’un établissement, nommé « Hadž’kadića », mis en place par les derviches, membres d’une confrérie religieuse musulmane, et qui servait de lieu de rassemblement et de prière. « Hadž’kadića » réfère à la famille Kadić qui exerça le cinquième pilier de l’Islam étant le pèlerinage à la Mecque, le hajj. Comme le veut l’usage culturel, par le fait d’exercer ce pilier, le préfixe hadž (hajj en bosniaque) est ajouté au nom de famille. Dernièrement, les noms mentionnés dans la chanson, notamment Atif et Sulejman sont des prénoms d’origine musulmane.

Une fois de plus, l’identité individuelle et socioculturelle demeure mise en valeur autant par la terminologie sélective en soi que par le contexte qu’elle expose. L’interprète et l’auditeur sont projetés dans cette période d’autrefois, une période d’épanouissement émotionnel, qui fait surgir le sentiment nostalgique51.

Une étude comparative de cinq versions de la chanson « Put putuje Latif-aga » examine la préservation de l’identité individuelle et socioculturelle élaborées

51 L’utilisation de la terminologie sélective dans les sevdalinke mettant l’accent sur l’attachement émotionnel à l’ambiance de šeher, comme dans la chanson « Put putuje Latif-aga » [Le voyage de l’agha Latif], est également observable dans les chansons suivantes : « Bosno moja, divna mila », « Sa Igmana poledat’ je l’jepo », « Sjajna zv’jezdo, gdje si sinoć sjala » et « Vratnik pjeva ».

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antérieurement. Tandis qu’il n’y a pas d’évolution des termes, des idées nouvelles peuvent être introduites. Ces idées soulignent l’identité individuelle et socioculturelle, mais également le sentiment nostalgique, et ce, à l’aide du discours politique indirect. Les versions prises en considération incluent autant des chanteuses que les chanteurs mentionnés dans cette thèse, ainsi que différentes périodes historiques, et donc politiques, notamment les périodes communiste et post-communiste. Il s’agit des interprétations de Nada Mamula (1952)52, Beba Selimović (1962)53, Safet Isović (1979 et 2003)54 et Ferid Avdić (2011)55. Le point de comparaison demeure la version incluse dans la thèse, tirée de

l’ouvrage de Žero et qualifiée, par Gunić, d’une des plus vieilles (Gunić 1997, 76).

Tel que visible dans le Tableau 2.1.2.b., toutes les versions de la chanson « Put putuje Latif-aga », à l’exception de celle d’Isović (2003), sont plus courtes que la version de Žero. Elles contiennent entre cinq à sept vers, tandis que la version de Žero contient dix vers56. Le contenu littéraire de chacune de ces versions n’introduit pas de nouvelles idées. Nous y retrouvons l’idée principale, étant le questionnement, plus spécifiquement le regret de l’ambiance de šeher. À l’idée principale s’ajoute la mention des réunions d’amis, « teferič », et des soirées entre amis, « akšamluk ». L’absence de toute autre spécificité, en référence à la version de Žero, a un effet direct sur la longueur des chansons. Ceci suggère un impact des médias sur les sevdalinke après la Deuxième Guerre Mondiale, limitant la durée de celles-ci à trois minutes dans le but de répondre aux attentes des programmes radiodiffusés (Fulanović-Šošić 1997, 65). Ce changement semble avoir persisté même dans la période post-communiste, notamment lors des concerts de grande envergure, étant le cas de la version d’Avdić. 52https://www.youtube.com/watch?v=d4sL5ISzxyA 53https://www.youtube.com/watch?v=g6pz3UvdDos 54https://www.youtube.com/watch?v=EtN5QNBH40s et https://www.youtube.com/watch?v=bBuwn8uvYGs 55https://www.youtube.com/watch?v=9n2OXwn4Y7I

56 La majorité des sevdalinke mentionnées dans cette thèse, tout comme celle-ci, sont octosyllabes. D’après Petrović, sevdalinke sont définies par une flexibilité au niveau de la versification des strophes ainsi que du mètre poétique. La forme la plus commune demeure le décasyllabe. (Petrović 2017, 711). Maglajlić confirme cette observation en mentionnant l’inclusion fréquente de vers en décasyllabe, moins fréquente de vers en octosyllabes symétriques et asymétriques ou de vers de treize syllabes, et une inclusion rare de vers dodécasyllabes symétriques et de vers de quatorze syllabes (Efendić 2015, 101).

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