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Sélections des trames scénaristiques d’intérêt

9.4 Diégétisation

9.4.3 Sélections des trames scénaristiques d’intérêt

L’enjeu de la prise de décision est ici de sélectionner la situation diégétisée qui conforte lameilleure

trame scénaristique. Trois types de critères permettent d’évaluer l’intérêt d’une trame scénaristique :

— des critères narratifs ;

— des critères morphologiques ;

— des critères pragmatiques.

La qualité des contenus scénaristiques est en général évaluée par l’effet qu’elle procure au

specta-teur (ou spect-acspecta-teur dans le cas particulier du récit interactif). Nous avons notamment évoqué en

introduction la question de la tension et plus généralement la question des propriétés narratives. Les

critères narratifsvisent à faire respecter au récit certaines propriétés narratives dont la sémantique

et l’évolution sont définies par les auteurs.

Cependant, outre l’effet produit par le récit, on peut choisir d’évaluer la qualité au regard de

cri-tères morphologiquesqui mesurent le respect de certains canons de formes par le récit. Ces canons

peuvent être définis de façon générale (ex :la situation initiale précède l’événement perturbateur) ou

pour un genre particulier (ex :entre deux amoureux, il y a toujours un obstacle). Ils peuvent également

se distinguer selon qu’ils sont d’ordre syntaxique (une structure particulière est valide) ou lexicale

(une structure particulière peut contenir certains éléments particuliers).

Dans le cas particulier de la scénarisation interactive, le scénario se construit au fur et à mesure

qu’il est présenté à un spect-acteur. Cette situation pose des contraintes particulières sur l’évaluation

d’une trame scénaristique. En effet, par exemple, une trame scénaristique particulière peut respecter

CHAPITRE 9. DIÉGÉTISATION 9.4. DIÉGÉTISATION

FIGURE9.8 – Visualisation de trames possibles après la vérification de la continuité diégétique

un ensemble de critères narratifs et morphologiques mais sa mise en œuvre peut poser un problème

significatif sur le plan pratique. C’est notamment le cas lorsqu’une trame scénaristiqueréduit

l’es-pace des scénarios possibles : favoriser cette trame maximiserait effectivement les critères narratifs

et morphologiques à court terme mais pourrait éventuellement fermer la porte à toute évolution du

scénario à long terme. La prise en compte de cet aspect permet d’assurer une meilleure qualité future,

ou espérée, des contenus proposés et permet également de garantir la maximisation des possibilités

de personnalisation pédagogique. Ces propriétés étant fortement liées aux contraintes particulières

de la mise en œuvre informatique des récits interactifs, on parlera decritères pragmatiques.

Dans un cadre général, nous proposons d’évaluer la qualité d’une trame scénaristique par une

fonc-tion d’utilité 9.1.

Evaluation d’une trame scénaristique

U(t)=U

C N

(t)+U

C M

(t)+U

C P

(t) (9.1)

U

C N

est la fonction d’évaluation des critères narratifs

U

C M

est la fonction d’évaluation des critères morphologiques

U

C P

est la fonction d’évaluation des critères pragmatiques

Nous présenterons ici quatre critères que nous avons utilisés pour la diégétisation dans

l’archi-tecture TAILOR. Il s’agit d’un critère narratif, la charge émotionnelle, d’un critère morphologique, la

grammaticalité et de deux critères pragmatiques que sont la quantité d’engagement pris et les

possi-bilités d’ouverture du scénario.

9.4. DIÉGÉTISATION CHAPITRE 9. DIÉGÉTISATION

Charge Emotionnelle

En plus des variations de l’histoire dûes aux différents motifs diégétiques appliqués à la

simu-lation, nous souhaitons apporter des variations sur l’effet que celles-ci produisent. Un même motif

peut produire des effets différents selon les instances qui remplissent les éléments qui le composent.

Notre objectif est de sélectionner les instanciations qui portent une charge émotionnelle particulière

à un moment donné. La valeur optimale de cette charge émotionnelle est déterminée par un profil

qui pourra, par exemple, être un arc aristotélicien au cours du temps.

Pour quantifier la charge émotionnelle à un moment donné, nous proposons de nous appuyer sur les

changements d’état subis par l’utilisateur et par les autres entités de la simulation entre le moment

précédent et le moment courant. Nous nous appuyons sur leprincipe de proximité[Polanyi, 1979]

pour déterminer ce qui est émotionnellement porteur :ce qui est proche de moi est pertinent pour

moi. Ce principe peut se décliner à un second degré :ce qui est pertinent pour quelque chose qui m’est

proche peut être pertinent pour moi.

La charge émotionnelle d’une trame narrative se mesure donc par l’évaluation de l’impact

émotion-nel induit par les changements d’état du spectateur ou des entités qui lui sont proches.

Pour mettre en œuvre le calcul de la charge émotionnelle, nous proposons dans un premier temps de

calculer l’importance relative de deux éléments de la diégèse.

Importance relative des éléments diégétiques

Nous définissons l’importance relative d’un objet par rapport à un sujet comme une valeur

com-prise entre 0 et 1. Plus l’importance relative d’un objet est haute, plus le gain ou la perte de cet objet

est susceptible d’affecter le sujet. La mesure de l’importance relative entre deux entités quelconques

de la diégèse décrite dans un modèle DIEGETICest donnée par la formule 9.2.

Importance relative

I(S,O)= max

CC hemi ns(S,O))

(Y

eC

I S(e))) (9.2)

C hemi ns(S,O) est l’ensemble des chemins, constitués d’un ensemble d’arce, entre S et O

dans le graphe constitué par la base de connaissance

I S(e) est la valeur d’importance intrinsèque de la fonction diégétique liée à l’arce

La mesure d’importance relative s’appuie sur la structure de graphe de notre modèle de

connais-sances et sur les valeurs d’importance intrinsèque (intrinsic-significance) des fonctions

diégé-tiques.

Dans l’exemple de la figure 9.9, l’importance relative de Tybalt pour Romeo est :

I(Romeo,T ybal t)=max(I S(ai me)I S(estalli e),I S(aennemi))=max(0.80.5,0.35)=0.4

Calcul de la charge émotionnelle

Evaluation des programmes narratifs

C E(S

1

,p

i

,p

f

)= 1

Card(ρ(p

i

,p

f

))

X

(Si,r,o)∈ρ(pi,pf)

I(S

1

,S

i

)(1+I(S

1

,o))E(e) (9.3)

I est l’importance relative entre deux éléments diégétiques

ρ(p

i

,p

f

) est l’ensemble des changements d’états survenus entre les points clésp

i

etp

f

Eest l’importance extrinsèque de la fonction en jeu dans le changement d’état

CHAPITRE 9. DIÉGÉTISATION 9.4. DIÉGÉTISATION

FIGURE9.9 – Exemple d’une de graphe diégétique pour le calcul des importances relatives. La

valua-tion des arcs reflète les valeurs d’importance intrinsèques des foncvalua-tions diégétiques en

jeu.

Le calcul de charge émotionnelle subie par un sujetS

1

au point clépest donné par la formule 9.3.

La valeurC E(Appr enant,p) permet d’évaluer la charge émotionnelle pour l’apprenant au point clé

p.

La valeur de l’utilité narrative du point cléppour la tramet est donnée par la formule 9.4.

U

C N

(p)= |1C E(Appr enant,p)+C E

expected

(p)| (9.4)

C E

expected

est la courbe de charge émotionnelle optimale au cours du temps

Grammaticalité

Lors de l’étape de l’exploration, dans les cas ou il n’existe pas de solution satisfaisante, le

relâche-ment des contraintes induit des compromis qui affectent le respect d’une situation par rapport au

motif qu’elle instancie. Nous souhaitons pouvoir quantifier ces compromis pour favoriser les motifs

qui respectent le plus les motifs en question.

Nous proposons pour cela de nous référer à la notion degrammaticalitéen linguistique [Beck, 1976].

Il s’agit de la propriété d’un énoncé à respecter une grammaire

2

.

Nous avons adapté les trois principes de grammaticalité à l’évaluation des trames scénaristiques

comme suit :

— R1. Une trame est mieux qu’une autre si elle respecte plus la grammaire qu’une autre ;

— R2. Une trame doit respecter l’ordre prévu par la grammaire ;

— R3. Les propositions d’une trame qui sont exigées par un haut niveau de la grammaire sont les

plus importantes.

L’application de ces principes à notre contexte permet de classer l’importance du respect des

con-traintes suivantes :

— le taux de remplissage des rôles des motifs qui constituent la trame ;

— le taux de respect des contraintes sur les rôles ;

— le taux respect des chemins (Path) et transitions (transitions) définis dans le modèle

diégé-tique.

Ce qui nous permet d’évaluer la grammaticalité par la fonction d’utilitéU

C M

(t) calculée par la

for-mule 9.5.

9.4. DIÉGÉTISATION CHAPITRE 9. DIÉGÉTISATION

U

C M

(t)=0.5R

f i lled

(t)

R

tot al

(t) +0.3

C

sati s f i ed

(t)

C

tot al

(t) +0.2

P

sati s f i ed

(t)

P

tot al

(t)1 (9.5)

R

f i lled

est le nombre de rôles effectivement instancié

R

tot al

est le nombre de rôles requis

C

sati s f i ed

est le nombre de contraintes satisfaites

C

tot al

est le nombre de contraintes total

P

tot al

est le nombre de chemins et de transitions total

P

sati s f i ed

est le nombre de chemins et de transitions valides

Besoins d’ouverture

Les différents motifs narratifs ne sont pas égaux quant aux possibilités qu’ils ont d’être suivis par

d’autres motifs. En effet, certains motifs ne peuvent être suivis que par un nombre limité de motifs,

voire ne pas être suivis du tout. Au contraire, d’autres motifs peuvent laisser la porte ouverte à un

large éventail de nouveaux scénarios. Ceci se répercute directement sur lespossibilités d’ouverture

du scénario qu’il convient de maximiser pour assurer la résilience du système.

Les besoins d’ouverture diffèrent selon le moment de la simulation. En début de session, alors que la

diégèse est peu construite, les besoins d’ouverture sont grands afin d’assurer la qualité du scénario

quelle que soit l’évolution de la simulation. Au contraire, lorsque la session touche à sa fin, les

be-soins d’ouverture sont plus réduits. Nous proposons de mesurer l’utilité liée à l’adéquation entre les

besoins en ouverture des scénarios et les possibilités d’ouverture d’une instance de motif diégétique

(U

1 C P

(p)) par la formule 9.6.

U

C P1

(s)=

(

1 si O(s)>=O

expected

,

O(s) Oexpected

si non. (9.6)

avecO

expected

N∗est l’ouverture attendue.

Quantité d’engagement pris

Le cadrage diégétique nécessite de prendre des engagements (late commitment) sur des relations

qui n’existent pas dans l’état du monde diégétisé. Chaque engagement, bien qu’il enrichit la diégèse,

est également une contrainte de plus pour les cadrages diégétiques futurs. Idéalement, les scénarios

s’appuyant sur la diégèse existante sont à privilégier.

La mesure d’utilitéU

C P2

liée à la quantité d’engagement est définie dans l’équation 9.7.

G

E

(T)=N

Commi tment

(T)

N

Tot al

(T) (9.7)

N

Commi tment

(T) est le nombre de late commitment nécessaire pour assurer la trame

scénaris-tiquesT,

N

Tot al

est le nombre total de fonctions diégétique en jeu dans la trameT.