The Bad Beginning, Lemony Snicket
Sommaire
2.1 La nature des objectifs scénaristiques . . . 34
2.1.1 Des objectifs scénaristiques explicites . . . 34
2.1.2 Des objectifs scénaristiques implicites . . . 35
2.2 La spécification des objectifs scénaristiques . . . 36
2.2.1 Les approches scriptées . . . 36
2.2.2 Les approches génératives . . . 37
2.2.3 Les approches hybrides . . . 37
2.3 L’autonomie dans l’environnement virtuel . . . 39
2.4 Les niveaux d’agrégation . . . 39
2.4.1 Niveau microscénaristique . . . 40
2.4.2 Niveau mésoscénaristique . . . 40
2.4.3 Niveau macroscénaristique . . . 41
2.5 Le type des objectifs scénaristiques . . . 41
2.5.1 Les objectifs scénaristiques pédagogiques . . . 41
2.5.2 Les objectifs scénaristiques narratifs . . . 42
2.6 Le niveau diégétique . . . 42
2.6.1 Intra-diégétique . . . 42
2.6.2 Extra-diégétique . . . 43
2.7 Les mécanismes de résilience . . . 43
2.8 Bilan et positionnement . . . 44
La scénarisation des environnements virtuels est une problématique complexe qui a été traitée par
des communautés de recherche différentes.
La communauté du récit interactif (interactive storytelling) s’intéresse à la scénarisation depuis de
nombreuses années, indépendamment des environnements virtuels [Meehan, 1977]. Les travaux de
cette communauté s’attachent principalement à concevoir des systèmes pour lesquels la qualité de
l’histoire produite est primordiale.
2.1. LA NATURE DES OBJECTIFS SCÉNARISTIQUES CHAPITRE 2. SCÉNARISATION
précisément, les environnements à visée éducative, s’intéresse depuis longtemps à l’orchestration
des situations d’apprentissages et plus récemment à la manière de mettre en œuvre ces situations
pour les rendre engageantes. Les travaux de recherche sur les Jeux Sérieux (JS) s’inscrivent dans une
démarche synergique entre la proposition de contenu engageant et les apports pédagogiques. Nous
nous démarquons quelque peu de cette communauté en ce que nous ne faisons pas appel aux
res-sorts de laludification[Deterding et al., 2011] qui visent à introduire des mécaniques de jeu dans
une application non ludique pour encourager l’utilisateur. Bien que la ludification puisse être un
le-vier important pour la motivation des apprenants, celle-ci ne peut se faire qu’à partir du moment où
les scénarios sont en place, et c’est la question qui nous a intéressée. Par ailleurs, l’ajout d’aspects
ludiques doit se faire en prenant en considération les spécificités de chaque domaine pour éviter de
nuire à la validité écologique du contenu proposé.
Les acteurs de la communauté de la réalité virtuelle s’intéressent également à la question de la
scé-narisation maintenant que les dispositifs rendent possible la mise en place d’expériences hautement
interactives et immersives. La scénarisation dans ce contexte peut être liée à une finalité
d’apprentis-sage, on rejoint alors les mêmes enjeux que la communauté EIAH [Gerbaud et al., 2008]. Celle-ci peut
être liée à une finalité expérientielle, l’accent pouvant être mis sur le déroulement d’une expérience
interactive inédite auquel cas on rejoint la communauté du récit interactif. La scénarisation peut
éga-lement être parfaitement contrôlée pour offrir une expérience particulière, il s’agit alors des mêmes
problématiques de scénarisation que le jeu vidéo.
L’état de l’art proposé ici tente d’analyser les travaux de ces communautés au travers de différentes
propriétés. Chaque sous-section de cet état de l’art définit la propriété observée ainsi que sa mise en
œuvre dans la littérature.
Nous examinerons notamment l’état de l’art à la lumière desobjectifs scénaristiques.
Objectif scénaristique
Unobjectif scénaristiqueest une unité de composition d’un scénario prescrit, il décrit un
ensemble de contraintes que le scénario effectif doit respecter.
L’étape de spécification d’un moteur de scénarisation produit des objectifs scénaristiques pour
prescrire un scénario, tandis que l’étape de contrôle vise à assurer que ces objectifs sont atteints au
sein d’un scénario effectif.
2.1 La nature des objectifs scénaristiques
Nous distinguons en premier lieu les objectifs scénaristiques selon qu’ils répondent à une
des-criptionexpliciteouimplicitede ce qui est attendu dans le scénario.
2.1.1 Des objectifs scénaristiques explicites
Ces contraintes sontexpliciteslorsqu’elles imposent un déroulement particulier, elles décrivent
alors ce qui doit arriver. Bien qu’explicite, le niveau d’abstraction de l’objectif peut-être plus ou
moins grand. Ainsi, un objectif explicite peut êtreconcretet reposer sur des instances de la
simu-lation en cours. Par exemple, [Riedl and Young, 2010] définissent une situation initiale et une situation
finale pour chaque personnage du scénario (voir figure 2.1) sous la forme d’assertions sur le monde
exprimées par des prédicats.
Les objectifs concrets permettent d’assurer un contrôle très fin du scénario en supervisant
préci-sément toutes les étapes du scénario. Cependant, le besoin d’avoir une situation spécifique n’est pas
toujours nécessaire.
CHAPITRE 2. SCÉNARISATION 2.1. LA NATURE DES OBJECTIFS SCÉNARISTIQUES
FIGURE2.1 – Situation initiale et situation finale explicites [Riedl and Young, 2010]
Au contraire, des descriptionsabstraitessur les objectifs scénaristiques permettent de ne prescrire
que ce qui est essentiel pour les besoins du scénario et ainsi de conserver une marge de manœuvre
pour la réalisation de ces objectifs. En effet, la description se faisant alors en terme de concepts ou
de contraintes, il existe plusieurs solutions permettant de satisfaire l’objectif. La mise en place de tels
objectifs présuppose l’utilisation d’un modèle de connaissances permettant d’exprimer des concepts
plutôt que des instances.
Dans SIMADVF [Amokrane et al., 2014], un jeu sérieux pour la formation des assistantes de vie, un
objectif scripté est spécifié : la simulation doit mener à une situation d’étouffement d’un enfant. Il y a
cependant différentes manières pour qu’un tel accident se déclenche : l’enfant peut avaler des billes
en jouant dans la maison, il peut manger des baies dans le jardin, etc.
Les objectifs abstraits permettent de définir des déroulements souhaitables à très haut niveau,
ce-pendant, un niveau d’abstraction supplémentaire peut être nécessaire lorsque les événements en
eux-mêmes ne sont pas signifiants. Ce niveau d’abstraction peut être atteint grâce à des objectifs
im-plicites.
2.1.2 Des objectifs scénaristiques implicites
Les contraintes sur le scénario peuvent également êtreimpliciteslorsqu’elles décriventcomment
le scénario doit se dérouler. Liés au contexte de la simulation, ces objectifs visent à borner le contenu
de celle-ci sans pour autant expliciter les déroulements attendus. [Weyrauch, 1997] initie les travaux
en ce sens dans le domaine du récit interactif avec l’architecture Moe. L’objectif scénaristique est la
maximisation, sur tout le scénario, d’une fonction d’évaluation reposant sur un ensemble de
proprié-tés liées à l’utilisateur (voir figure 2.2). Ainsi, les branches du scénario maximisant cette fonction sont
préférées aux autres.
2.2. LA SPÉCIFICATION DES OBJECTIFS SCÉNARISTIQUES CHAPITRE 2. SCÉNARISATION
Le système IDTENSION[Szilas, 2003] utilise une approche similaire et cherche à maximiser une
fonction d’évaluation reposant sur descritères narratifssemblables aux propriétés de Moe. [Delmas,
2009] propose de superviser le déroulement du scénario en faisant en sorte que la succession des
situations réponde à un critère de tension suivant un arc aristotélicien. Étant issue des théories sur
la narration et sur le récit, l’utilisation d’objectifs implicites est moins courante dans la scénarisation
des environnements virtuels pour la formation. Toutefois, dans le projet SIMADVF, un tuteur
intel-ligent fixe des objectifs scénaristiques sous la forme d’une valeur decomplexitéet d’une valeur de
gravité, toutes deux calculées à partir du profil de l’apprenant. Ces valeurs influencent le processus
décisionnel des personnages virtuels peuplant l’environnement : plus la valeur degravitéest élevée,
plus les enfants auront tendance à se mettre dans des situations risquées (étouffement, chute, etc.).
2.2 La spécification des objectifs scénaristiques
La spécification d’un objectif consiste à déterminer son contenu quels que soient sa nature et son
niveau d’abstraction. Nous distinguons trois approches :
— les approches scriptées, dans lesquelles les contenus sont explicitement décritshors-ligne;
— les approches génératives, dans lesquelles les contenus sont issus d’un processus
automa-tique ;
— les approches hybrides qui utilisent des processus automatisés avec du contenu définis
ma-nuellement.
2.2.1 Les approches scriptées
La spécification des objectifs scénaristiques peut se faire directement par des auteurs en amont
de l’exécution de l’environnement dans lequel ils prendront place. Cela peut se faire de manière très
linéaire, comme c’est le cas pour GVT [Gerbaud, 2008] [Gerbaud et al., 2008], CS-WAVE[Da Dalto,
2004],VTT[Crison et al., 2005] et EMSAVE[Buttussi et al., 2013] [Vidani and Chittaro, 2009] qui
per-mettent l’apprentissage de procédures dans des situations clairement définies.
Le projet européen 80Days
1[Kickmeier-Rust et al., 2011] a permis le développement d’un outil de
formation dont lastructure narrativeest scriptée et poursuit une trame définie, celle duPériple du
Héros[Campbell, 2008].
L’écriture de scénariosà embranchementà la manière des"livres dont vous êtes le héros"telle qu’elle
est faite dans les projets ICTLEADERS[Gordon et al., 2004] et MRE [Swartout et al., 2001] permet
d’of-frir une certaine variabilité dans les scénarios en prévoyant des alternatives à des moments clés.
Cette méthode est largement privilégiée dans les jeux sérieux commerciaux, certains outils de
concep-tion tels que LAMS[Dalziel, 2008] permettent l’écriture de ce type de scénario. Elle permet d’avoir un
contrôle très précis sur le contenu présenté à l’utilisateur, mais requiert un effort d’écriture
considé-rable. Afin d’assurer que les objectifs soient atteints, les environnements reposant sur ces approches
se montrent très peu résilients et limitent la liberté d’action de l’utilisateur. Ainsi, il est impossible
pour un apprenant d’avoir une grande capacité d’intervention sur l’évolution du système (on parle
d’agentivité,user agency). Cette limitation dans l’interaction de l’utilisateur entrave le sentiment de
présence et est dommageable dans le cadre d’un contexte d’apprentissage par essai-erreur. De plus,
la linéarité d’un scénario scripté inhibe complètement l’occurrence de situations non prévues
pou-vant s’avérer pertinentes d’un point de vue pédagogique.
CHAPITRE 2. SCÉNARISATION 2.2. LA SPÉCIFICATION DES OBJECTIFS SCÉNARISTIQUES
2.2.2 Les approches génératives
Une approche complètement opposée consiste àgénérer, de manière automatique et dynamique,
les objectifs scénaristiques à partir d’un ensemble de connaissances sur le domaine et sur
l’appre-nant. Bien que les aspects narratifs aient été décrits manuellement dans 80DAYS, les aspects
péda-gogiques reposent tout comme dans le projet ELEKTRAsur la modélisation des connaissances sur
l’apprenant au travers d’un réseau bayésien pour permettre au système d’inférer automatiquement
les types de situations qui seront instanciées sur des problèmes concrets. D’un point de vue
pédago-gique, ce mode de définition du contenu scénaristique est plus efficace puisqu’il permet d’adapter le
contenu scénaristique à l’apprenant sans avoir à prévoir tous les cas possibles.
Cependant, la plupart des travaux que nous avons rencontrés concernent l’apprentissage scolaire
ou des domaines clairement définis dans lesquels les actions disponibles, et donc les déviations
pos-sibles, sont relativement limitées. Ceci s’adapte donc difficilement aux contextes de situations
com-plexes que nous souhaitons adresser.
2.2.3 Les approches hybrides
Enfin, les approcheshybridesvisent à un compromis entre la détermination hors-ligne des
ob-jectifs par les auteurs et leur détermination dynamique et automatique par des systèmes intelligents.
Dans les travaux sur AEINS [Rodhod, 2010], Rania Rodhod propose un mode hybride dans lequel
des objectifs scénaristiques de haut niveau, lesteaching moments, sont sélectionnés parmi un corpus
en regard du profil de l’apprenant. A l’intérieur desteaching momentson retrouve une structure de
graphe complètement scriptée (voir figure 2.3)
2.2. LA SPÉCIFICATION DES OBJECTIFS SCÉNARISTIQUES CHAPITRE 2. SCÉNARISATION
Pour l’apprenant, l’interactivité se fait également sur deux modes : entre lesteaching momentsil
bénéficie d’une grande liberté d’action, alors que celle-ci est considérablement réduite dès lors qu’il
entre dans un teaching moment (voir figure 2.4).
FIGURE2.4 – Gestion de l’agentivité dans AEINS
DansIN-TALE[Riedl et al., 2008], desislands(qu’on peut également appelerplot points[Magerko
et al., 2005] oulandmarks) ont été spécifiés manuellement : il s’agit d’états du monde par lesquels le
scénario doit nécessairement passer. Un moteur de planification s’assure de maintenir des chemins
vers ces états du monde quelles que soient les actions de l’utilisateur. La méthode du Automated
Scenario Adaptation [Niehaus and Riedl, 2009] [Niehaus et al., 2011] utilise des techniques de
raffi-nement de plan pour modifier un scénario écrit par un auteur en utilisant des connaissances
ren-seignées dans un modèle de domaine incorporant aussi bien des informations sur la structure du
monde que sur les stratégies d’apprentissage (voir figure 2.5).
FIGURE2.5 – Raffinement de plan dans à partir d’un modèle du domaine [Niehaus et al., 2011]
Les travaux de [Zook et al., 2012] [Magerko et al., 2005] [Magerko et al., 2006] sont également
des représentants de cette approche. L’approche hybride est poussée à son extrême dans CRYSTAL
ISLAND[Mott and Lester, 2006b] [Mott and Lester, 2006a]. Dans cet outil invitant des étudiants à
par-faire leurs connaissances en microbiologie en menant une enquête, un seul objectifscénaristique
est prédéfini et sert de situation finale dans le scénario : il s’agit de la résolution de l’enquête. Un
algorithme de génération de plan associé à un modèle du domaine permet de générer des objectifs
scénaristiques intermédiaires qui peuvent mener l’apprenant à la situation finale. A l’opposé, dans
VRAPTOR[Shawver, 1997], le formateur spécifie la situation initiale et la simulation évolue par
elle-même. En combinant des objectifs issus d’auteurs humains et des objectifs générés, ce type de
sys-tème bénéficie de l’expertise pédagogique humaine tout en offrant une certaine rejouabilité.
CHAPITRE 2. SCÉNARISATION 2.3. L’AUTONOMIE DANS L’ENVIRONNEMENT VIRTUEL
2.3 L’autonomie dans l’environnement virtuel
La littérature évoque la distinction entre lesapproches centrées scénarioset lesapproches
cen-trées personnages.
Les approches centrées scénarios, qui sont desapproches fortement contrôlées, reposent sur une
supervision globale du scénario par undrama managertant dans sa spécification que dans sa mise
en œuvre. Cela permet notamment d’assurer la rencontre avec des situations particulières impliquant
des considérations pédagogiques ou narratives. Cependant, un tel contrôle nécessite de donner des
ordres aux entités de la simulation. Si celles-ci ne sont dotées d’aucune autonomie, elles sont
inac-tives lorsqu’elles ne sont pas impliquées dans le scénario. Les entités peuvent êtresemi-autonomes
comme dans [Riedl et al., 2008], elles obéissent alors aux ordres issus de la supervision globale au
risque de perdre toute cohérence avec leurs comportements passés. Dans les deux cas,
l’environne-ment virtuel souffre d’une perte de cohérence dans la simulation.
Les approches centrées-personnages, que l’on qualifiera également d’approches fortement
auto-nomes, sont représentées dans des travaux tels que I-STORYTELLING [Cavazza et al., 2002], FEAR
-NOT! [Aylett et al., 2006] ouMRE[Hill et al., 2001], le scénario émerge des interactions entre
l’utilisa-teur et le système qui a ses propres règles d’évolution. Il existe en fait une forme decontrôle distribué
entre les différentes entités autonomes dont les mécanismes de prises de décision sont conçus pour
maximiser l’intérêt du scénario. Le manque de coordination entre les entités autonomes ne permet
cependant pas de garantir la rencontre avec des situations d’intérêt.
Nous considérons toutefois que le terme d’approchecentrée-personnagesne recouvre pas l’étendue
des approches qu’il considère. En effet, l’autonomie dans un environnement virtuel ne repose pas
uniquement sur les personnages virtuels mais également sur ce que nous appellerons plus
généra-lement des entités autonomes. Celles-ci incluent notamment en plus des personnages virtuels : la
simulation physique, la simulation du système technique, de même que la simulation des
événe-ments aléatoires. [Aylett, 1999] propose le termed’approche émergentecar le scénarioémergedes
comportements autonomes des entités de la simulation.
Les approches hybrides mêlant autonomie et contrôle étant de plus en plus courantes, il ne s’agit
plus d’une dichotomie entre les approches contrôlées et les approches non-contrôlées
(autonome/é-mergente), mais plutôt d’un continuum sur lequel se positionnent différents travaux en fonction de
l’importance du contrôle ou de l’autonomie (voir figure 2.6). Par exemple, dans FACADE[Mateas and
Stern, 2003], les personnages ont des comportements autonomes mais leurs motivations sont
moni-torées au niveau global pour servir l’intérêt dramatique.
FIGURE2.6 – Autonomie et contrôle dans différents travaux sur la scénarisation
Dans le document
Scénarisation personnalisée dynamique dans les environnements virtuels pour la formation
(Page 34-40)