• Aucun résultat trouvé

spatiales liées à l’extraction de l’or

Carte 23 routes transnationales et intégration sous-régionale

Les tronçons ferroviaires qui existaient n’étaient le plus souvent que de simples axes de pénétration sans relation entre eux. C’est ce qui expliquait l’existence d’une série d’axes solitaires, à finalités commerciale et stratégique. Les témoins sont les lignes Dakar-Saint Louis (créée en 1882), Dakar-Niger (achevée en 1905), Abidjan-Bouaké (en

80 Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

81

178 1912), Conakry-Kankan (en 1914). Il existe quelques autres tronçons au Togo : Lomé-Anécho (43 km), Lomé-Palimé (119 km) et Lomé-Atakpamé (167 km) ; ou au Dahomey : Cotonou-Savé-Segboroué (293 km), Porto-Novo-Pobé-Satéké (80 km) (Ndjambou L E., 2004 : 233-258). En effet, la construction des infrastructures de communication obéissait à une double mission de contrôle territorial et de drainage des produits à exporter vers les ports ; ce qui s’est traduit par une fragmentation des réseaux de communication à l’échelle de l’ensemble du continent (Pourtier R., 2006 : 126-129).

Or, quarante cinq années après les indépendances on assiste, entre le réseau des villes sahéliennes et le réseau côtier, à la densification des villes secondaires sahelo-soudaniennes dynamiques dont certaines ont vu leur population doubler. Elles ont comme vocation d’animer l’économie et de structurer le réseau urbain. Cela nécessite un réseau routier susceptible de permettre la fluidification du trafic (Atlas régional de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, 2009).

C’est dans ce sens que l’UEMOA planifie un vaste programme économique régional (PER) qui réserve une place importante à la réhabilitation et à la construction de 15 routes transnationales. Il se subdivise ainsi : un programme d’entretien périodique qui concerne 2640 km de routes revêtues inter-Etats ; un programme d’aménagement et de butimage de 4811 Km de routes ; un programme de réhabilitation de 4843 Km de routes revêtues ; un programme spécial pour la Guinée Bissau, et la construction de 13 postes juxtaposés aux frontières. Des efforts sont également prévus pour le transport ferroviaire. Ils seront consacrés au projet d’interconnexion des réseaux ferroviaires de l’Afrique de l’ouest, ainsi qu’à la réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako (PER., 2006 : 76-77).

En effet, aujourd’hui, les axes Tambacounda-Kayes et Kayes-Bamako sont goudronnés ; Tambacounda-Kaolack est réhabilité. D’autres tronçons, dont ceux de Kédougou-Bamako, en passant par Saraya (Sénégal), Kéniéba et Kita (Mali), sont également en cours de réalisation. Les axes Kayes-Sadiola-Kéniéba ; Kédougou-Labé et Labé-Siguiri en passant par Dinguiraye restent à l’état de projet. Quant au tronçon Bamako-Kankan via Siguiri, il est fini depuis 200482. Il joue un rôle structurant dans le développement socio-économique et le désenclavement de la ville de Siguiri, devenue un important pôle économique régional. Or, avant la construction de cette route, elle était

82 La construction de ce tronçon relève des initiatives des gouvernements guinéen et malien, qui ont bénéficié d’un financement de la BAD, de l’UE et de la BID.

179 mal reliée au reste du territoire guinéen et donc difficilement accessible. Car il fallait emprunter deux bacs afin de traverser le Niger et son affluent, le Tinkisso. Cela retardait considérablement la circulation des personnes et des biens, laissant ainsi à la ville de Kankan la position de principal centre commercial de la haute Guinée ainsi que celle de relais dans le cadre des échanges régionaux et sous-régionaux. Aujourd’hui, cette infrastructure de très bonne qualité ainsi que les deux ponts sur les cours d’eau cités ci-dessus assurent un trafic fluide et un temps de trajet réduit au maximum.

En partie grâce à cette route, Siguiri devient un point stratégique dans le transit des marchandises entre la Guinée et le Mali. Car les produits maliens importés d’Europe ou en provenance de la Guinée doivent pour la plupart y être déchargés temporairement avant d’emprunter les circuits clandestins. En d’autres termes, Siguiri reste une charnière des échanges, d’une part entre certaines capitales régionales guinéennes et Bamako, et, d’autre part, entre l’Europe et Bamako ; une position de pôle de transit que l’existence de plusieurs dizaines d’entrepôts renforce.

Photo 15 : route Kankan-Bamako.

Cliché de F B Mbodj, avril 2008.

Cette route qui relie Bamako à Conakry est de bonne qualité, comparée à ce que l’on peut observer à l’échelle de la Guinée ou du Mali. Finie en 2004, elle est également un des principaux facteurs d’intégration de la ville de Siguiri.

180 Cliché F B Mbodj, avril 2008

Camions en provenance de Conakry, en train de décharger de la marchandise en direction de Bamako. Les marchandises sont stockées pendant quelques temps dans ces entrepôts appartenant à des prestataires de services. La suite de leur transport sera assurée par des camionnettes qui peuvent emprunter les voies clandestines pour échapper aux contrôles douaniers à la frontière guinéo-malienne, en ce qui concerne les taxes à payer.

D’autre part, en dehors de la construction de routes transnationales et de leur rôle sur les économies frontalières, l’autre facteur de recomposition de l’espace sous régional ouest-africain reste le conflit ivoirien (2002). Il a particulièrement contribué à restructurer les flux de marchandises et de personnes en faveur des ports de Conakry et surtout de celui de Dakar. 70% des produits maliens en provenance de l’Europe y transitent. Or, depuis la dislocation de la confédération du Mali en 1960, c’est le port d’Abidjan qui occupait cette position stratégique, précipitant ainsi Kayes dans un déclin rapide83.

Une des principales conséquences de ce nouveau contexte de construction d’infrastructures de transport et de modification des flux de transit de marchandises à l’échelle sous-régionale est la redynamisation des espaces frontaliers concernés par notre

83

Entretien avec Mme Coulibaly, directrice de l’entrepôt du Sénégal au Mali, avril 2008. En vérité, la Côte d’Ivoire partageait les échanges du Mali avec l’extérieur avec d’autres pays de la sous-région. La route côtière s’étendant sur près de 2000 km entre Abidjan et Harcourt (sud du Nigéria), supporte à elle seule près de deux tiers des échanges régionaux entre les pays de la CEDEAO (Atlas de l’intégration en Afrique de l’ouest, http://www.atlas-ouestafrique.org/spip.php?article17 , consulté en octobre 2009). Situé à mi-chemin de Dakar et de Matadi, le port d’Abidjan peut ainsi tenir à la fois, grâce à des équipements performants, le rôle d’un port de transit et d’un centre de transbordement, ce qui en fait une plaque tournante pour les échanges régionaux. En conditions normales, le port d’Abidjan aurait dû traiter 18 millions de tonnes en 2002. Mais en raison des tensions politiques locales, le trafic a péniblement atteint 16,4 millions de tonnes contre 17,2 millions de tonnes en 2001, soit un manque à gagner de plus de 600 millions de FCFA et une baisse significative des activités connexes (transit, manutention, consignation...) (Ndjambou L E., 2004 : 223-258).

181 étude. Ceux-ci deviennent des zones de transit. Cette position est favorable à l’expansion de leur économie. Car les prestations de services des propriétaires d’entrepôts et des camionnettes chargés respectivement de stocker puis de transporter la marchandise vers Bamako, les offres d’emplois pour les dockers nécessaires au chargement et déchargement des marchandises, les besoins de consommation et de logement des chauffeurs et de leurs apprentis, sont autant de facteurs d’accroissement du pouvoir d’achat de la population et de stimulation de l’économie de Siguiri. Ils contribuent à attirer puis à fixer les populations ; à développer les services et à agrandir le marché de consommation de la préfecture.

Par ailleurs, les dynamiques commerciales et démographiques évoquées dans les pages précédentes ne sont pas les seules mutations induites par l’exploitation minière. Celle-ci contribue également à bouleverser l’économie des zones d’accueil à travers son interférence avec les économies rurales (agricultures et orpaillage). Elle représente pour elles à la fois une menace et une opportunité.

IV-Quelles interactions des mines avec les économies rurales

(agriculture et orpaillage) ?

Les mines se superposent à des systèmes territoriaux et économiques préexistants (souvent agricoles). La nature de leurs effets sur ces systèmes est fonction de la solidité ou de la fragilité de ceux-ci. Ainsi, elles peuvent être sources de consolidation, de perturbation ou de recomposition. Dans le cas de cette étude, les économies rurales reposaient sur l’agriculture (vivrière et commerciale) et l’orpaillage qui, au-delà de leurs dimensions économiques, véhiculaient une identité historique originale.

Aujourd’hui, l’exploitation de type industriel a des impacts ambivalents sur elles. D’une part, elle contribue à accentuer la fragilisation de l’agriculture, à travers la diminution des superficies cultivées, la pollution du capital foncier et l’augmentation des cas d’abandon du travail de la terre. D’autre part, à l’inverse, elle favorise l’expansion du vivrier marchand, nécessaire à la satisfaction d’un marché de consommation de plus en plus étendu. Quant à l’orpaillage, il est concurrencé par l’exploitation industrielle (d’un point de vue territorial), mais il est aussi porté par un contexte favorable (flux migratoires liés aux mines qui contribuent à intensifier son exploitation, évolution à la hausse des cours de l’or, diminution des revenus agricoles, etc.).

182 1) Concurrence entre activités minières et agriculture

Dans l’histoire économique des périphéries nationales étudiées, il n’y avait pas vraiment de concurrence entre les activités principales, à savoir l’orpaillage et l’agriculture. Les deux ont toujours fonctionné de manière complémentaire. L’extraction de l’or n’était pratiquée qu’en saison sèche et assurait le complément de revenus monétaires nécessaires aux échanges économiques. L’hivernage était réservé à l’agriculture, gage de sécurité alimentaire. Cet équilibre a été préservé durant des siècles. Seulement, il semble être menacé par le dynamisme minier.

Dans la communauté rurale de Khossanto, une étude réalisée en 2006 (Dia N., 2006) montre que la période 2004-2006 a été peu favorable pour l’agriculture. Car l’installation des sociétés minières, dans un contexte de crise du système coton, provoque un bouleversement des calendriers qui structuraient jusque là l’économie. Elle installe un cercle vicieux, à travers l’euphorie et l’espoir d’un avenir meilleur qu’elle a causé chez des paysans en difficulté. Le bouleversement en question s’est observé autant à travers la question des emplois que celle du foncier.

En effet, un coton culteur qui obtient un contrat de 6 mois à la mine est sûr de gagner plus qu’avec une campagne de coton. Car avec un salaire journalier de 2500 FCFA (un peu moins de 4 euros), un mois de travail représente 70 000FCFA (un peu plus de 100 euros). Il gagne ainsi 420 000 FCFA, ce qui fait presque le triple des revenus d’une production d’un hectare de coton de première qualité. Il a également la certitude d’obtenir son salaire à la fin du mois, alors que ses activités agricoles sont soumises à plusieurs aléas (climat, caution solidaire, attaques des parasites, etc.). Ainsi, l’opportunité que représente l’activité minière s’exprime par un fort taux d’abandon de la culture cotonnière. Cette situation a été particulièrement observée dans les villages de Sabodala, Mamakhono et Bambaraya, où le taux de renoncement dépasse les 50% (voir carte et diagramme). Un autre village comme Faloumbou a, quant à lui, décidé d’abandonner totalement le coton.

183