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spatiales liées à l’extraction de l’or

Carte 22 évolution de la pauvreté par préfecture (2003)

Parallèlement à l’effet de protection et de concentration de l’enclavement, les différentiels frontaliers participent à la stimulation des dynamiques liées aux mines.

3) La situation frontalière contribue à la stimulation des dynamiques économiques liées aux mines

L’existence de frontières étatiques constitue un facteur de consolidation des dynamiques économiques induites par l’augmentation du pouvoir d’achat et de la consommation dans les zones minières. Car les espaces frontaliers sont par essence des lieux d’échanges, en raison notamment des différentiels de change. Ceux-ci constituent l’un des éléments de base des économies frontalières. Par exemple, le FG est plus faible que le FCFA. En janvier 2009, 1 FCFA équivalait à 10 FG. Les commerçants maliens peuvent davantage recycler le capital de leurs produits vendus dans d’autres qui n’existent pas chez eux ou même dans de l’or exploité de manière artisanale. À cela s’ajoute le fait que la Guinée ne taxe pas l’importation de certains produits. C’est le cas pour le sucre et le savon, qui y coûtent moins cher qu’au Mali. Le rôle de ces différentiels est encore plus important lorsqu’il existe, de l’un ou l’autre côté des frontières, des transformations économiques susceptibles de stimuler la demande et en conséquence les échanges

175 nécessaires à leur satisfaction. Dans le cadre des régions étudiées, la présence minière constitue un stimulant considérable pour les échanges frontaliers.

En plus des différentiels de change, les frontières impliquent également d’autres types de distorsions comme par exemple ceux liés aux distances. Lorsque l’un des pays concernés est doté d’un grand port, ses produits importés peuvent coûter moins cher ; par conséquent moins cher sur un côté de la frontière que sur l’autre. C’est le cas entre Kédougou (Sénégal) et Kayes ou Kéniéba (Mali). Bien que les deux pays partagent la même monnaie (le FCFA), l’enclavement de la partie malienne justifie des différentiels de prix. Ceux-ci se traduisent par des échanges concentrés dans les endroits où le réseau routier est le moins dégradé, comme entre Kédougou et Kéniéba.

Toutefois, il convient de relativiser le potentiel stimulant des facteurs géographiques (enclavement et frontières) sur les transformations économiques induites par les mines. En vérité, il ne trouve pas toujours les moyens de s’exprimer. Or, cette limite constitue un handicap dans les possibilités de généralisation des dynamiques économiques et commerciales entre les trois mines ; et en conséquence celles d’émergence d’une région économique transfrontalière.

4) Limites des opportunités de polarisation régionale autour des trois mines Comme on a pu l’observer dans le cas de Siguiri, les facteurs géographiques ont, certes, eu une influence cruciale sur les effets miniers. Pour autant, ils ne suffisent pas à créer une polarisation unique autour des trois frontières nationales. Le principal handicap à cette perspective est la médiocrité du réseau routier à certains endroits. En effet, ayant une forte influence sur le prix des transports et sur la maîtrise des distances, les infrastructures routières constituent un facteur déterminant dans le rythme des flux commerciaux et dans la connexion entre les lieux. Par exemple, en 2008, après la fin des travaux de la route goudronnée Bamako-Kita (182 km), une baisse considérable a été constatée sur le tarif des billets de transports en commun. Celui-ci est passé de 12 500 à 10 000 F CFA. C’est ainsi que la dégradation d’une bonne partie des routes des zones étudiées constitue un frein à la généralisation des échanges entre les trois principales circonscriptions administratives qui abritent les mines ; à savoir la préfecture de Siguiri, le département de Kédougou et le cercle de Kayes.

176 Par exemple, le département de Kédougou et le cercle de Kayes sont tous deux marqués par l’enclavement, l’existence de frontières et de transformations liées aux mines. Pour autant, les flux commerciaux directs entre ces villes sont absents, malgré la proximité relative qui les caractérise. L’absence d’infrastructures routières efficaces fait que même les produits destinés aux entreprises qui transitent par le Sénégal et qui sont destinés à la mine de l’Ouest malien la plus méridionale, Tabakoto, ne sont pas acheminés via Kédougou. Pourtant, cette voie aurait été moins longue79. L’absence d’échanges s’observe de même entre Kédougou et Siguiri, tandis qu’entre Siguiri et Bamako, les relations commerciales sont considérables en raison de la qualité de la route qui les relie.

Toutefois, les perspectives concernant la stimulation et la généralisation des dynamiques d’échanges entre les trois zones minières semblent plutôt prometteuses, si l’on prend en considération les recompositions qui s’observent à l’échelle sous-régionale (Afrique de l’Ouest). Elles s’inscrivent dans un contexte plus global d’intégration économique des États ouest-africains. Les initiatives qui en sont issues contribuent par ailleurs à la mutation des espaces miniers et frontaliers étudiés.

5) Des perspectives prometteuses : les projets de routes inter-étatiques et le conflit ivoirien favorisent la dynamique des espaces frontaliers

Parallèlement aux transformations qui sont liées aux mines, se déroulent d’autres à l’échelle ouest-africaine. Celles-ci sont, d’une part, susceptibles d’instaurer des d’échanges entre certaines zones minières (Siguiri-Kédougou ; Siguiri-Kayes ; Kayes-Kédougou). D’autre part, elles peuvent avoir des effets amplificateurs sur ceux déjà existants (entre Siguiri et Bamako par exemple). Elles permettent ainsi de les consolider, les amplifier et les conserver même après la fin de l’exploitation.

En effet, l’espace ouest-africain est depuis quelques années l’objet de mutations accélérées. Celles-ci tiennent, d’une part, à des initiatives gouvernementales et à celles

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Rappelons que le hasard géologique a placé plus de la moitié des mines du Mali dans la région de Kayes, le long de la falaise de Tambaoura tout près de la frontière du Sénégal. Cette proximité géographique fait que toutes les sociétés minières implantées dans cette zone (Yatéla, Sadiola, Tabakoto, Loulo) s’approvisionnent et font transiter leurs marchandises à partir de Dakar ; qu’il s’agisse des produits alimentaires (à l’exception de la viande), d’hydrocarbures (gasoil), de produits chimiques qui entrent dans le processus d’extraction de l’or (cyanure, carbone, Métabisulfite, HCL, Sulfate de cuivre), du ciment ainsi que les boules de fer qui servent à écraser le cyanure. Par exemple, pour le traitement du minerai de Yatéla, 100 tonnes de ciment sont importées tous les jours du Sénégal (SEMOS, département environnement, février 2008). Cette demande a contribué à la création d’une troisième cimenterie au Sénégal.

177 d’organisations inter-étatiques (NEPAD80

et UEMOA81). Ces mutations sont liées à la construction de routes transnationales financées par la Banque Mondiale, l’Union européenne, la Banque africaine de développement, le Fonds saoudien, etc. L’objectif est d’améliorer un système routier classé non seulement parmi les plus déséquilibrés mais aussi les plus faibles au monde. Car l’héritage de la colonisation était caractérisé par la concentration des infrastructures vers les axes côtiers. Ainsi, pendant longtemps, la façade occidentale de l’Afrique de l’Ouest a été mal rattachée au reste de la région.