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L’or du Bouré-Bambouk dans le système mondial : une mise en perspective

Carte 4 potentiels miniers de la Guinée

Cette carte révèle, d’une part, que la quasi-totalité du sous-sol guinéen recèle des ressources minières et, d’autre part, que l’emplacement géographique de celles-ci dessine une spécialisation à caractère régional. Car si le nord-est du pays est caractérisé par son potentiel aurifère, le sud est essentiellement riche en fer et en diamant. Le centre-ouest est la région de la bauxite. Celle-ci est sans aucun doute le poumon du secteur minier guinéen. Une étude de la Banque mondiale (2007 : 23) montre que le pays dispose de près de 27 milliards de tonnes de réserves prouvées. La CBG (Compagnie des bauxites de Guinée) exporte à elle seule plus de 13 millions de tonnes de bauxite par an.

C'est également le secteur le plus attractif du champ minier. Les géants de l'aluminium s’y bousculent. BHP Billiton dispose de 7 permis de recherches dans la région de Boffa et Boké. CVRD, du Brésil, a acquis une vingtaine de permis dans la zone

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nord et centre de la Guinée. Mitsubishi du Japon dispose de 24 permis de recherche dans les régions de Boké, Gaoual, Lélouma, Pita et Dalaba. OSWAL Chemicals de l'Inde a des permis dans les régions de Boffa, Fria et Dubréka. Enfin Chalco occupe les régions de Kindia, Mamou, Dalaba et Pita (Samb S, 2007).

La diversité géologique guinéenne place également ce pays parmi les plus riches du monde en fer.

1-3 L’une des plus importantes réserves mondiales de fer

En dehors de la bauxite, le sous-sol guinéen renferme d’importants gisements de fer. Sur les 150 milliards de tonnes de réserves mondiales prouvées, la Guinée possède, à elle seule, près de 10 milliards de tonnes, soit environ 6,6%. Parmi les gisements les plus considérables et les plus connus du pays figurent ceux des Monts Nimba et de Simandou. Les réserves des Monts Nimba ont été estimées à plus de 1 milliard de tonnes, essentiellement constituées d’hématites. Leur exploitation a été envisagée en 1973 par la société Mifergui mais n’a pu avoir lieu. Elle est actuellement assurée par Euronimba, détenue par BHP Billiton, grâce à une convention signée en 2003. Celui-ci est l’un des premiers groupes miniers au monde. Quant aux gisements du Simandou, ils sont exploités par le groupe Rio Tinto. Il a signé, fin 2002, une convention avec le gouvernement guinéen, et se fixe comme objectif principal d’exploiter 40 millions de tonnes par an (Banque mondiale, 2007). En effet, ces deux grands projets d’exploitation de fer sont à l’origine du fameux projet de chemin de fer « trans-guinéen ». Long de 1000 km, il nécessite de lourds investissements (2 milliards de dollars) et devrait permettre l’acheminement du minerai de la Guinée forestière à l’océan atlantique. Le trans-guinéen devrait également permettre l’évacuation de la bauxite exploitée par la SBDT (Société des Bauxites de Dabola Tougué), localisée au centre du pays (Soumah I., 2007 : 237-238).

Si l’importance de la bauxite et du fer dans la géologie guinéenne n’a été mis en évidence qu’au XXe

siècle, celui de l’or remonte à plusieurs siècles et son exploitation s’inscrit dans une ancienne tradition professionnelle.

36 1-4 L’or du Bouré

Le métal jaune est très abondant dans le sous-sol guinéen. Le centre historique et géographique de son exploitation correspond depuis plusieurs siècles au nord-est du pays. Il s’agit précisément de l’ancienne province aurifère du Bouré, située au nord-ouest de la ville de Siguiri. Les travaux de recherches du géologue Goloubinow R (1936 : 112-115) montrent que les réserves prouvées au cours des années 1930 pouvaient déjà être considérées comme significatives, si l’on prend en considération le caractère rudimentaire des moyens déployés par les populations riveraines des ressources aurifères, la faible profondeur des puits (4 à 17 mètres), ainsi que les importantes quantités d’or perdues (10 à 30%) lors des opérations de lavage. À cette période, ces populations n’exploitaient que des alluvions de cours d’eau (petits ou moyens) ainsi que des éluvions, mais rarement des alluvions de grandes rivières et exceptionnellement des filons de quartz9. Pourtant, Siguiri seul, chef-lieu de cercle à cette époque, abritait entre 10 000 et 15 000 orpailleurs ; un chiffre qui ne prend pas en compte les quelques 40 000 migrants venant d’autres régions du pays et du Mali voisin. Leur objectif était de mobiliser l’argent de l’impôt ou de différents autres besoins. Selon les statistiques de l’administration française locale ainsi que des services douaniers (citées par Goloubinow), l’exportation concernant le seul cercle de Siguiri s’est chiffrée à près de 2 tonnes en 1934, tandis que la production du pays s’élève à un peu plus de 2 tonnes.

Tableau 1 : production d’or du cercle de Siguiri (1917-1934)

Années………Quantité (kg) 1917………530 1918………373 1919………241 1920………. 46 1921………260 1922………328 Années………Quantité (kg) 1923………625 1924………. ..216 1925………194 1926………164 1927………191 1928………..16 Années………Quantité (kg) 1929………..83 1930………..35 1931………956 1932……….1.287 1933 ………1.474 1934……….1.932

Source : enquêtes Goloubinow R, 1936.

9 Les alluvions sont des témoins d’un réseau hydrographique disparu ou modifié. Très souvent, elles subsistent sous forme de terrasses latérisées. On peut en observer d’anciennes qui sont complètement desséchées et d’autres qui ne se dessèchent jamais car régulièrement recouvertes par les eaux de la saison pluvieuse. Il s’agit des alluvions récentes, qui occupent les fonds des vallées étroites, larges de 50 à 500 mètres. Les éluvions sont la conséquence de l’altération de la roche-mère où l’or, dit primaire, est emprisonné. Mais contrairement aux alluvions, les éluvions restent en place. Ces types de gisements sont dominants à Siguiri (Goloubiniow, 1936 : 121-128).

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Tableau 2 : production d’or de la Guinée française (1932-1934)

Années………...Quantité (kg) 1932………1.387 1933………..1.678 1934………2.192

Source : enquêtes Goloubinow, 1936.

Ce potentiel aurifère important trouve son origine dans la géologie de la région. Goloubinow R (1936) montre que les gisements sont localisés dans des « roches sédimentaires métamorphiques » ou des régions de « roches volcaniques anciennes ». Or, ces différentes roches sont favorables à la minéralisation de l’or. La présence de tourmalinites constitue également un indice favorable. Le nord-est de Siguiri est considéré comme étant la partie la plus riche en or filonien localisé dans les roches de type quartzite. Par ailleurs, l’or des gîtes secondaires (alluvions, éluvions) est un produit de l’érosion d’un « système filonien aurifère » contenu dans les roches métamorphiques et basiques de la région (Béavogui F., 1999).

En effet, sur l’ensemble du territoire guinéen, on distingue quatre zones aurifères, essentiellement localisées dans le nord-est. La principale correspond au bassin du haut Niger (Siguiri-Mandiana, Dinguiraye, Niandan Banié). La quasi-totalité de la production du pays en est issue. La plupart des gisements qu’on y trouve ont des teneurs élevées allant de 5 à 10g/tonne. La deuxième zone est celle de Nzérékoré (Gama, Yomou et Karama), où les teneurs varient entre 1 et 4 g/tonne. La troisième zone correspond à Mamou-Faranah, située entre les cours d'eau Kaba et Mongo. Les teneurs varient de 0,42 à 3,8 g/tonne. Enfin la quatrième zone est celle de Kindia, le long du cours d'eau Méyenkené et de la Kibesso, près du village Boko. D’autres indices ont été identifiés à Labé, Koudara et Gaoual (Goloubinow R., 1936).

Par ailleurs, à côté des différentes ressources minières citées ci-dessus (bauxite, fer, or), le sous-sol guinéen recèle également d’autres types de minerais : matériaux de construction (granite), pierres ornementales, pierres gemmes, calcaire, terre rare, minéraux lourds, métaux de base (cuivre, plomb, zinc), mais aussi de diamants.

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Alors que le contexte géologique guinéen se distingue par la diversité des ressources minières, celui du Mali et de la partie orientale du Sénégal dessine plutôt une prédominance de l’or.

2) L’or du Bambouk : entre Sénégal et Mali 2-1 Structure géologique du Bambouk

L’emplacement des mines d’or de l’est du Sénégal et de l’ouest du Mali correspond à celui de l’antique province aurifère du Bambouk, qui est à cheval sur les deux pays. Sa richesse minière est liée sa structure géomorphologique. Celle-ci est essentiellement constituée de roches anciennes et fait partie de la région africaine nommée « l’Afrique des vieilles-plates-formes ». Cette région est caractérisée par des formations sédimentaires très anciennes, traversées de roches volcaniques, plissées, métamorphisées et injectées de roches granitiques (Michel P., 1973 : 61).

Le Bambouk appartient précisément à la boutonnière de Kédougou-Kéniéba (respectivement au Sénégal et au Mali). Celle-ci est située entre la falaise de Tambaoura (bordant le plateau manding) à l’est, le bassin sédimentaire à l’ouest et la terminaison des monts Fouta-Djalon au sud (Michel P., 1973 : 88). Elle est un ensemble granitisé présentant des affinités avec le système birrimien du Ghana et apparaissant sous forme de triangle traversé par le fleuve Gambie et la Falémé (Bassot J P., 1966 : 25). L’injection de venues granitiques constitue le principal facteur responsable de la minéralisation de l’or et d’autres types de minerais (Bassot J P., 1966 : 32 et Michel P, 1973 : 76). C’est dans ces formations de l’antécambrien moyen ou birrimien, constituées de « roches métamorphiques d’origine sédimentaire et volcanique » et des « massifs granitiques », que l’on identifie d’importants filons de quartz indiquant le grand potentiel aurifère de cette région birrimienne du socle précambrien (Michel P., 1973 : 62). Elle est essentiellement subdivisée en trois séries.

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