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L’or du Bouré-Bambouk dans le système mondial : une mise en perspective

Carte 7 : l’empire du Mali et ses royaumes vassaux au XIV e siècle

I- Premières tentatives d’exploitation de type moderne

Plus qu’un symbole de richesse, le métal jaune est également un moyen pour un État ou un empire financier de sécuriser son économie et d’assoir sa suprématie par rapport à d’autres puissances. Il s’agit alors, comme pour le pétrole, d’une ressource stratégique de nature à susciter une compétition. En effet, à l’époque coloniale, l’or du Bouré-Bambouk a fait l’objet de plusieurs missions d’explorations et de tentatives d’exploitation moderne par certaines puissances européennes. Elles ont été généralement soldées par des résultats insignifiants. Cela n’a pas pourtant pas découragé les élites africaines, qui ont tenté, avec vigueur, ce que leurs prédécesseurs n’ont pas réussi, en vain.

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1) Importance stratégique du métal jaune dans l’économie mondiale

Depuis le XIXe siècle l’or joue un rôle crucial dans le système monétaire mondial. Dans les sociétés et les économies du Bouré-Bambouk, son but ornemental était significatif. Le métal était transformé en bijoux, en lingots ou sous forme de fils retors. Certains, comme Ben Hsain M R (1987 : 28), considèrent que dans ces sociétés africaines, l’or n’avait qu’une valeur décorative. Pourtant, derrière ces modes de transformation se cachent des stratégies de thésaurisation ; c’est d’ailleurs le cas dans différentes autres sociétés du monde. En outre, les pages précédentes ont montré le rôle central de l’or dans les échanges économiques du système transsaharien. La place qu’on lui attribuait dans ces négoces était, en effet, à considérer avec la facilité de son usage. Car, contrairement aux autres métaux tels que le fer, qui nécessitent un traitement plus complexe (fusion, fabrication de barres, etc.), l’or peut être directement utilisé sous sa forme minérale : poudre, paillettes ou pépites (Bathily A., 1989).

Pour autant, même s’il servait de mesure de valeur dans ces régions, sa dimension monétaire ne s’est jamais manifestée sous forme de pièces frappées, comme ce fut le cas en pays ashanti où, grâce au développement des échanges, un système monétaire bien élaboré a été mis en place entre le XVe et le XIXe siècle (Bathily A., 1989 : 179). Ce fut également le cas en Afrique du nord, où les Almoravides ont fabriqué, grâce à l’or de la région ouest-africain, une monnaie de bon aloi, qui a duré de 450 à 1058 et a marqué l’histoire monétaire médiévale. Elle a été produite par différents ateliers de frappe dont ceux des villes Aghmat (près de Marrakech), Beni Tawda (dans la région de Fas-el-Bali, près de Fes), Salé, Marrakech, Miknasa, Nul (au sud de l’oued Noun), El Walga etc. (Ben Hsain M R., 1987 : 43-44). Toujours selon cet auteur, les points de frappe allaient au-delà de l’Afrique du nord, et concernaient aussi l’Espagne du sud (Seville, Grenade, Mériya, Valencia, Malaga etc.). Ils ont permis la fabrication de dinars, permettant à cette dynastie de conquérir une partie du globe. Ailleurs dans le monde, Pernot F (2004 : 195) montre que, bien avant la naissance des institutions politiques nord-africaines, Crésus, roi de Lydie (actuelle Turquie de l’ouest), est considéré comme étant à l’initiative de la première pièce d’or du monde en 550 avant Jésus christ.

Malgré ces différents cas cités, l’étalon-argent dominait dans les systèmes commerciaux, que ce soit pour acheter une artillerie, mettre sur pied de puissantes armées, ou négocier des alliances (Pernot F., 2004 : 198). Il faudra attendre le XIXe siècle

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pour voir des mutations majeures s’opérer. Celles-ci sont surtout le fait de l’augmentation de la production et de la circulation de l’or en provenance du Brésil au XVIIIe siècle, puis de la Russie, de la Californie, de l’Australie et de l’Afrique du sud ; une situation qui s’est traduite par la démonétisation de l’argent et le choix de l’or comme premier étalon de valeur. Malgré quelques réticences, plusieurs pays européens et asiatiques s’alignent sur cette option entre 1717 et 1914. Parmi eux figurent la Grande Bretagne, l’Inde, les États-Unis, etc. Á partir de 1914, les économistes en appellent à son usage généralisé comme étant l’unique remède contre le malaise du système économique mondial. En permettant sa libre importation et exportation, l’étalon assurerait le règlement des déficits des balances de paiement (Green T., 1969).

Toutefois, les deux guerres mondiales ont changé la donne concernant cette position de l’étalon-or dans le système monétaire international. En effet, alors qu’au début de la Première Guerre, 59 pays y sont rattachés, à la fin ils l’ont tous quitté. Car les États-Unis ont arrêté leur exportation pendant cette période avant de la reprendre en 1919. La Deuxième Guerre mondiale fait à nouveau chuter les productions d’or en monopolisant toutes les ressources humaines et matérielles. Malgré cela, l’étalon avait occupé toujours une place importante aux côtés du dollar. Car celui-ci était convertible en or, entre banques centrales, à un prix fixe de 35 dollars l’once garanti sur le marché libre par les interventions du pool de l’or (pays les plus riches) 21

. Le FMI, qui était chargé de la stabilité monétaire internationale, imposa à chaque banque centrale d’avoir un certain pourcentage d’or et de devises étrangères en réserves (Chaize T., 2004).

Mais reconnaissant que la quantité d’or disponible n’était pas suffisante pour échanger celle de dollars dans le monde, le président Richard Nixon prend, le 15 août 1971, la décision de suspendre la convertibilité du dollar en or et demande au conseil du FMI une réforme de l’ensemble du système. Ce choix a été précipité par la situation de déficit des États-Unis qui les oblige à rembourser en or les dollars, provoquant en même temps une hémorragie de leurs réserves. Or, une telle dynamique aurait nécessité une plus grande rigueur budgétaire. La démonétisation de l’or a permis aux États-Unis de garder un déficit de façon régulière. Depuis, l’étalon ne joue plus qu’un rôle mineur dans le système monétaire international ; surtout depuis que le nouveau, mis en place le 1er avril

21Les pays qui constituent le pool sont les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, la France, l’Italie, la Belgique, les Pays Bas et la Suisse.

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1978, repose sur le principe de changes flottants. L’or n’est plus qu’une partie des réserves des banques centrales, aux côtés des devises (Chaize T., 2004).

En dépit de ces évolutions, le monde continue encore de s’intéresser à ce produit et son cours connaît par moment des hausses spectaculaires. Car d’abord, il s’agit d’une matière première comme une autre, dont le prix n’est que le résultat de l’offre et de la demande. Or, l’offre est restreinte car elle provient de quelques principaux producteurs dans le monde. De plus, dans l’esprit de beaucoup de gens et même des spécialistes des systèmes bancaires, l’or a une valeur refuge au même titre que les œuvres d’art ou la terre.

La crise financière de 2008 a rappelé de manière spectaculaire sa valeur refuge. En France par exemple, des centaines de familles, en situation de précarité, ont pu satisfaire des besoins élémentaires grâce à la vente de leurs bijoux auprès d’acheteurs particuliers. L’or sert également d’instrument de protection pendant les crises marquées par de fortes fluctuations des devises. Par exemple, lorsque le dollar et l’euro ne sont plus stables, l’or sert de valeur refuge afin d’éviter le risque de perte du pouvoir d’achat de la monnaie. Le même reflexe est suscité en cas de flambée des cours du pétrole ou de périodes incertaines comme en 2001, lorsque la situation géopolitique mondiale se dégrade avec les attentats du 11 septembre ; ou en 2008, lorsque la crise immobilière des États-Unis se transforme en crise financière et économique, faisant monter le cours de l’or à un niveau jamais observé (voir II suivant). C’est donc la restriction de l’offre associée à la valeur refuge de l’or qui expliquent les amples variations des prix pouvant chuter ou augmenter de moitié ou triple sur une période relativement courte.

On voit donc qu’autant le pétrole fait fonctionner les économies modernes, autant l’or sécurise celles-ci. Le métal jaune est synonyme de valeur en soi. Même s’il ne sert à rien, on appelle le pétrole « l’or noir », le coton l’« or blanc », et l’eau l’« or bleu ». C’est ce symbole de richesse et de sécurité qui justifie la convoitise historique dont il a fait l’objet (aussi bien dans les puissances que dans les pays considérés comme pauvres). D’où une certaine dynamique pour une exploitation industrielle.

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2) La course des puissances pour le contrôle des gisements africains

Comme partout ailleurs dans le monde où le métal jaune a été découvert, la course pour le contrôle des gisements a revêtu la forme d’une compétition entre puissances occidentales. Les mines africaines n’y ont pas échappé. D’ailleurs, si l’on analyse le cas de la province aurifère du Bambouk, tout semble justifier que la recherche de l’or fut la principale source de motivation de sa conquête coloniale par des Portugais, des Anglais, et des Français, obsédés par l’image de « pays de l’or » qu’ils attribuaient à cette partie de l’Afrique occidentale.

En effet, les Portugais sont les premiers occidentaux à s’aventurer dans l’exploration des mines d’or africaines. Avant même la fin du commerce transsaharien, dans la fin du XVe siècle, ils ont réussi à explorer la Falémé ainsi que le Sanou Kholé (rivière de l’or en Bambara) qu’ils ont dénommé « Ryo douro » (Saint-Martin Y-J., 1989 : 372). Il faudra attendre la fin du XVIIe et le XVIIIe siècle pour voir Français et Anglais se livrer à une concurrence acharnée. Dans cette course, ces derniers seront de loin les mieux positionnés. Car non seulement ils ont très tôt pris conscience de la dimension stratégique des ressources aurifères du continent africain, mais ils disposent des moyens nécessaires pour avoir déjà tiré des bénéfices importants de l’extraction du diamant en Afrique du sud (Labarthe G., 2007 : 109).

Certes, les Français ont identifié l’importance des gisements du Bambouk dès 1698 (Furon R., 1961 : 69). Dès les premières années d’occupation militaire, en 1887, la production française débute dans des pays comme la Côte d’Ivoire. En Guinée, les autorités coloniales commencent à distribuer des permis de recherche dès 1901 (Lenormand J., 1951 : 129). Toutefois, la France n’a pas su construire une réelle politique minière soutenue par des investissements de grande envergure. Pourtant, les tentatives de mise en valeur des gisements du Bambouk montrent que la passion et l’espoir étaient au rendez vous. Les études exploratoires le confirment. D’ailleurs, celles-ci, même si elles ne sont pas spécifiques à l’or, ont été à l’origine du qualificatif « pays de l’or » mentionné ci-dessus. Car des rapports étaient régulièrement envoyés par les explorateurs et administrateurs qui n’hésitaient pas à vanter les immenses richesses des territoires qu’ils explorent ou administrent, ainsi que la facilité de l’exploitation des mines.

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« Là, en prenant de la terre mêlée de roche qu’on ne fait que tremper et remuer un instant dans une gamelle, en jetant ensuite par inclinaison l’eau, la terre et les roches de la gamelle. Il reste au fond une quantité prodigieuse de paillettes et de grains d’or fort pur. J’en ramassais dans la gamelle plusieurs morceaux qui pouvaient peser 4 à 5 grains. Je ne crois qu’on puisse trouver rien de plus riche, ni de si aisé à travailler que cette mine » (David P., 1744 cité par Saint-Martin Y-J., 1989 : 373).

Toujours dans ce sens, Bathily A (1989 : 284) nous rapporte que pour convaincre la direction de la Compagnie du Sénégal basée à Paris, le Conseil supérieur du Sénégal envoie aux ministères plusieurs mémoires sur les mines d’or. Dans certains de ces documents, on peut lire :

« La connaissance parfaite des mines du pays de Bambouk et de Tambaoura […] et leurs exploitations seraient un Pérou pour la Monarchie française ».

Mettre la main sur cet or était ainsi synonyme de la résolution de tous les problèmes, notamment des budgets des ministres, mais aussi de récompense à tous les sacrifices en hommes et en argent réalisés jusque là (Saint-Martin Y J., 1989). L’or semblait même structurer les politiques d’annexion territoriale de la métropole, ou en tout cas celles des régions qui abritent les mines. Par exemple, en ce qui concerne le haut Sénégal, trois stratégies politiques furent discutées pour une mise en valeur maximale des mines d’or du Bambouk (Bathily A., 1989 : 285-287). La première consiste en une occupation militaire à l’image des colonies d’Amérique. La deuxième privilégie une occupation plutôt pacifique tandis que la troisième, totalement différente, interdit toute intervention dans le circuit de production mais propose le commerce de l’or au profit des Français.

Parmi les précurseurs de l’exploitation moderne des mines de cette région ouest-africaine figure André Brüe22. Dès 1723, avec la collaboration de Charpentier et Levens, deux agents de la Compagnie, il met en place un ambitieux programme d’occupation des

22 Il est né en 1654 et mort en 1738. Directeur général de la Compagnie du Sénégal (1697-1702 et 1714-1720), il créa le fort Saint-Joseph (1698) sur le Sénégal (près de Bakel) et conclut un traité de commerce (1717) avec l'émir de Brakna, qui l'autorisa à construire un fort à Portendick (Mauritanie).

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placers23 du Galam et du Bambouk (Saint-Martin Y-J., 1989 : 372 ; Bathily A., 1989 : 285). Mais son retour précipité obligea la compagnie française à renoncer à l’opération. Celle-ci sera poursuivie en 1731 grâce à un budget de 2 millions de livre, et d’un ingénieur (Pelays) pour effectuer une mission de reconnaissance. Le rapport favorable qu’il déposa à Paris un an après lui vaut de retourner au Sénégal accompagné de mineurs recrutés en France mais aussi de soldats devant assurer sa sécurité ainsi que d’ouvriers locaux. L’expédition réussit à occuper les placers de Farabana, correspondant alors à la partie du Bambouk la plus riche en or. Pourtant, le projet s’effondre en raison des problèmes de santé de Pelays puis de son assassinat en 1732 (Saint-Martin Y-J., 1989 : 372 ; Bathily A., 1989 : 284). L’échec de cette mission fait par ailleurs tomber le projet d’occupation militaire.

Pourtant, ces contraintes n’affectent pas la détermination de la France pour contrôler les mines du Bambouk, même si l’on constate désormais un changement de stratégie. Car le voyage de Pierre David24, effectué quelques années plus tard, revêt une dimension plutôt diplomatique, visant à obtenir l’accord des populations indigènes pour l’installation d’une équipe de mineurs français. Cet objectif fut atteint mais le projet fut suspendu en raison de la mutation de Pierre David dans les îles de France ainsi que de la crise provoquée par la guerre de Succession d’Autriche (1739-1748). C’est aussi pendant cette période que les doutes, émis quelques années plus tôt par certains administrateurs français, commencent à être pris en compte. En effet, Charpentier, directeur du fort de Saint-Louis en 1725, considérait l’occupation des mines comme une menace pour la sécurité et la paix « […] Il ne faut pas croire que l’on puisse s’emparer des mines et avoir la paix » dit-il (cité par Bathily A, 1898 : 285). Toujours selon lui, cette entreprise représente un investissement humain lourd et risqué, en ce sens que les populations indigènes, dont l’exploitation des gisements depuis des siècles constitue l’unique complément de subsistance, y seront opposées. Par ailleurs, d’autres, comme Jean Baptiste Durand, directeur de la Compagnie, exprimaient leur préférence pour le seul contrôle du commerce, moins coûteux et moins risqué que l’exploitation:

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En géologie, le placer est un gîte détritique de minéraux lourds ou précieux. On distingue les placers éluviaux, alluviaux et fossiles. En anthropologie, ce terme se réfère à une zone délimitée du placer organisée socialement et spatialement par des équipes d’orpailleurs (Panella C., 2007 : 1).

24 Pierre David fut lui aussi directeur de la Compagnie et fondateur du fort de Podor. Son voyage dans le Bambouk en 1744 a donné lieu à «Journal d’un voyage au Bambouk en 1744 ».

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« […] Etablissons modestement un comptoir à Galam ; rétablissons les forts Saint-Joseph sur le Sénégal, et Saint-Pierre sur la rivière Falémé : nous sommes désirés dans ces contrées, et nous y serons reçus à bras ouverts. Là, nous commercerons paisiblement avec les habitants du pays, et nous ferons sur eux des bénéfices immenses ; nous fonderons des colonies puissantes, et dont les forces réunies nous rendrons à jamais possesseurs de cette partie de l’Afrique […]. Dans cette position, nous profiterons des moindres circonstances et de toutes celles qui se présenteront pour pousser nos établissements plus loin, et perfectionner l’exploitation des mines d’or. Je ne tenterais pas de les enlever aux propriétaires ni de priver ceux-ci de l’exploitation. Je me bornerais à la diriger et cela par deux considérations bien puissantes : la première, je ne voudrais nulle part donner l’exemple de l’injustice et la seconde, nos bénéfices seraient plus considérables en recevant cet or par des échanges que si nous étions chargés des frais d’exploitation […] » (Durant J B., 1802 : 296).

Quoi qu’il en soit, les différentes tentatives se soldent par un échec. Des auteurs tels que Curtin P (1873) l’expliquent par la faible rentabilité des mines du Bambouk ; avis qui reste difficilement vérifiable en raison de la faible disponibilité des statistiques qui permettraient de quantifier les volumes commercialisés. En revanche, d’autres comme Bathily A (1989 : 288) attribuent cet échec à des circonstances climatiques et socio-politiques hostiles (maladies, manque de politique cohérente, résistance des populations, etc.).

Dans tous les cas, l’analyse de la Compagnie n’est pas sans fondement. Car des rapports montrent qu’ils se plaignaient des faibles quantités d’or traitées, ou en tout cas de celles qui arrivaient dans les caisses à Saint-Louis. Ils se plaignaient aussi de la lourdeur des charges en personnel et en infrastructures. Des administrateurs comme André Brüe soupçonnaient les employés de la compagnie de malversations. Il écrivait en 1718 :

« […] La Compagnie a aujourd’hui une juste raison de soupçonner de prévarication ses employés. Il lui donnera dans cette rencontre des marques de fidélité et de celle de son attachement pour lui en procurant des envois considérables et empêcher ceux qui auraient envie de prévariquer en se servant des moyens compris dans l’instruction du Sieur Collé » (André Brüe, cité par Bathily A., 1989 : 290).

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Ces échecs n’ont pas empêché à Faidherbe de méditer sur la question du Bambouk et d’envisager sa poursuite. En 1855, il confirme la richesse du haut Sénégal en or en ces termes:

« C’est […] d’après l’expérience que j’ai acquise dans l’expédition de Medine et d’après les connaissances que j’ai prise des affaires du haut pays que je vous déclare que l’occupation du Bambouk et l’exploitation directe des mines de ce pays par nous est chose non seulement possible mais facile quand vous jugerez à propos de nous l’ordonner. Après la campagne du printemps après le mois de mai ou juin si vous vouliez m’autoriser à aller passer quelques mois en France, la question du Bambouk pourrait alors être décidée » (Saint-Martin, Y-J., 1989 : 377).

Faidherbe réussit à obtenir une autorisation de principe exprimée par la dépêche ministérielle du 22 janvier 1856. L’initiative de recouvrir le Bambouk lui revient et il finit par y étendre le protectorat français. Mais les résultats furent décourageants (Saint-Martin, Y-J., 1989 : 378).

Beaucoup plus tard, la Première Guerre mondiale cause la ruine des compagnies minières françaises. Pour autant, les projets de mise en valeur des gisements reprennent en 1920. La métropole souhaite développer une prospection systématique de toutes ses colonies africaines. Il s’agit de « l’exploration géologique dans les pays neufs » (AFAS25

, cité par Labarthe G., 2007 : 111-112). Mais entre 1920 et 1930, les résultats sont encore décevants, tandis que la production des pays anglo-saxons (Afrique du sud, Canada, Australie, États-Unis) augmente rapidement. Par exemple, pour l’année 1932, le ministère des colonies enregistre les productions suivantes : 1368kg pour la Guinée française, 10 kg pour la Côte d’Ivoire, 669 kg pour l’actuel Mali, 478 kg pour l’Afrique équatoriale française, et 301 kg pour Madagascar. Pendant ce temps, la production des anglo-saxons avoisine les 26 tonnes (Labordère M., 1934 : 22). Du côté français, l’essentiel des compagnies ont périclité en raison de l’absence de vision stratégique de la part de