I I ) la création de marchés pour les produits dérivés, qui étaient pratiquement
5.4 P ROMOUVOIR L ’ ÉMERGENCE DE PRIX ET DE MARCHÉS CONCURRENTIELS ( CRÉATION DE MARCHÉS ) DANS TOUS LES
SECTEURS DE L
’
ÉCONOMIE,
Y COMPRIS LES SECTEURS DES BIENS ET DES SERVICES PUBLICS ET SOCIAUXDans nos démocraties, de nombreuses organisations travaillent dans le but de protéger les mécanismes concurrentiels en s’assurant que les marchés fonctionnent efficacement. Le principal travail de ces organisations consiste à concevoir une structure adéquate qui inclut des mesures correctives lorsque la détermination des prix des organisations participantes conduit en réalité à détruire ou à réduire l’efficacité de la concurrence. La politique générique #2 permettra un contrôle strict de ces comportements nuisibles. Cette tâche difficile s’avère être encore plus complexe lorsque le gouvernement souhaite manipuler les prix, non pas dans un souci d’efficacité, mais dans le but de protéger ou de favoriser certains groupes considérés comme méritants, particulièrement vulnérables ou présentant un intérêt particulier quant à certains aspects ou objectifs sociaux. Pour les sociaux‐démocrates concurrentiels, une telle politique de manipulation des prix n’est jamais une solution adéquate au problème en question et ils s’opposeront fermement à cette politique en faveur de politiques plus adaptées. Les prix concurrentiels sont des signaux de la rareté relative des biens et des services, en particulier des biens et des services publics et sociaux, grâce auxquels les individus et les organisations peuvent planifier non seulement leur consommation et leurs achats mais aussi leur production et leurs investissements. À moins que cette information soit disponible et transparente, il est difficile pour le grand public d’établir la valeur des investissements et des efforts pour fournir plus de valeur aux citoyens. L’innovation et la créativité reposent en bonne partie sur l’apport d’information, aux différentes parties intéressées, sur les raretés relatives dans la production et la distribution des biens et des services publics et sociaux.
En général, les politiques de contrôle et de manipulation des prix, directes ou indirectes (par le recours à des quotas par exemple), au‐dessus ou au‐dessous de leurs niveaux concurrentiels, résultent toujours de décisions imposées au grand public faiblement organisé, prises par des coalitions de législateurs mal informés et de leaders d’entreprises ou de syndicats exerçant un contrôle démesuré sur les ressources de la société.
Dans le cas des prix de l’énergie, par exemple, ceci débouche toujours sur des politiques de développement des ressources mal orientées qui, en fin de compte, non seulement ne profitent qu’aux groupes directement concernés, mais aussi dilapident les bénéfices potentiels que pourrait générer une exploitation socialement optimale des ressources. Ces politiques mèneront nécessairement et inexorablement à l’appauvrissement collectif. La politique de bas prix se solde toujours par des niveaux plus élevés de taxation et d’endettement conduisant à une détérioration des services sociaux et des infrastructures, ce qui nuit au développement économique futur. Il s’agit non seulement d’une subvention non efficace aux consommateurs à forte consommation d’énergie, y compris les individus comme les entreprises, mais également d’un transfert régressif des plus pauvres vers les plus riches. Certains commentateurs saluent souvent le bas niveau (manipulé) des prix de l’énergie comme favorisant un haut niveau de développement économique. Ce que cela cache, cependant, c’est le coût social réel de ces politiques. Le prix réel de l’énergie reste son coût de renonciation, ou coût d’opportunité, qui pourrait être significativement plus élevé puisqu’il est égal au prix concurrentiel maximum auquel l’énergie peut être vendue. La réponse traditionnelle des groupes d’intérêts bénéficiant de ces prix bas est que tout le monde bénéficie des prix bas. Rien n’est plus faux. La distorsion des signaux de prix détruit la richesse potentielle et, ce faisant, affecte négativement la majorité des citoyens et en particulier, les plus démunis. Le cas du secteur agricole est encore plus troublant. Dans la plupart des social‐ démocraties contemporaines, l’agriculture et l’élevage sont des secteurs lourdement subventionnés au détriment d’une meilleure nourriture à un prix plus faible pour tous les citoyens. La situation est due à des groupes de pression anormalement puissants politiquement. Les canaux par lesquels les aides politiques sont fournies diffèrent d’une région ou d’un pays à l’autre : aides financières directes, gestion de l’offre ou de quotas de production, prix plancher, restriction des importations (tarifs et quotas), etc. Dans tous les cas, l’effet est similaire : des produits de qualité inférieure, moins de diversité et des prix plus élevés. Si les agriculteurs et les éleveurs ont besoin d’être subventionnés, pour des raisons qui ne sont pas présentes dans d’autres secteurs, car confrontés à des difficultés économiques et à un besoin pressant de s’adapter à un environnement social et économique changeant, mieux vaut le faire par des transferts directs, offerts par l’intermédiaire de mécanismes concurrentiels incitatifs, sans manipuler les prix. Ainsi, le coût social de ce soutien sera minimisé, tout en assurant les bénéfices sociaux s’ils existent.
Des analyses similaires pourraient être conduites pour l’éducation et la santé, qui sont des secteurs où la manipulation des prix crée des distorsions socialement coûteuses dans l’allocation des ressources, au bénéfice des groupes d’intérêts et au détriment du bien‐être collectif. Ces distorsions bénéficient aux riches et aux fortunés bien plus qu’elles ne bénéficient aux pauvres et aux nécessiteux. Sur cette base seulement, elles devront être combattues par les sociaux‐démocrates concurrentiels, en faveur d’aides directes plus efficaces et plus justes pour les pauvres et les nécessiteux, possiblement grâce à l’anonymat d’un retour d’impôt sur le revenu.
5.5
F
AVORISER LA MODULARITÉ,
LA FLEXIBILITÉ,
L’
EXPÉRIMENTATION ET LE CHANGEMENT À L’
AIDE DE L’
APPROVISIONNEMENT MULTISOURCELa concurrence, la modularité et l’expérimentation sont des concepts clés de la social‐ démocratie concurrentielle. Elles représentent une garantie d’efficacité et d’efficience. Dans ces conditions, le secteur gouvernemental doit prendre garde à ne pas allouer la totalité d’un contrat ou d’un ensemble de contrats à un seul et unique fournisseur, celui proposant de réaliser la production et la distribution des biens et des services au coût le plus bas. Cette politique, relativement contre‐intuitive, est inspirée du modèle de gestion des fournisseurs, entre autres, du constructeur automobile Toyota, connu sous le nom d’approvisionnement multisource. Il constitua un processus fondamental grâce auquel Toyota gagna et maintint sa supériorité en matière de compétitivité. L’idée sous‐jacente est la suivante : bénéficier des avantages des incitations du marché, même lorsqu’il est nécessaire pour un fournisseur donné de réaliser des investissements spécifiques (un investissement spécifique est un investissement dont la valeur diminue grandement, voire s’annule, en dehors de la relation particulière entre le fournisseur et son client) pour atteindre un niveau de production et de planification efficace. Le problème de l’investissement spécifique est particulièrement important dans la production et la fourniture des biens et des services publics et sociaux (investissements donnés physiques, mais également humains).
L’approvisionnement multisource appliqué à la production des biens et des services publics et sociaux peut être compris et mis en place de la manière suivante : au cours de la première étape, le secteur gouvernemental a recours à un appel d’offres pour attribuer un contrat (d’éducation dans un collège par exemple). Il est probable que, en dépit de la politique explicite d’encouragement à l’émergence d’entreprises dans le secteur, relativement peu de fournisseurs seront capables d’émettre une offre (disons
une dizaine). Une erreur à ne pas commettre consisterait à allouer l’ensemble du marché à l’entreprise émettant la meilleure offre pour fournir le service au coût le plus faible ou au rapport qualité/prix le plus haut. Cela créerait une situation proche de celle que nous connaissons actuellement avec les monopoles publics : concurrence, modularité et expérimentation ne seraient, dans ce cas, rien d’autre qu’un rêve lointain. Ainsi, durant la deuxième étape, le secteur gouvernemental doit allouer et distribuer les contrats à un nombre relativement important d’offreurs (le meilleur offreur obtenant cependant la plus large part de l’ensemble des contrats). L’analyse et l’inspection, lorsque c’est possible, des méthodes de production et de fourniture utilisées par les meilleurs offreurs permettront, lorsqu’elles sont observables par les autres offreurs, d’accroître leur compétitivité. Le secteur gouvernemental donnera ainsi un soutien à ses fournisseurs, même s’il n’a pas un intérêt direct à le faire, au moins à court terme. Des mécanismes incitatifs pourraient cependant être utilisés afin que les meilleurs offreurs transfèrent aux concurrents ces innovations sans crainte et avec un bon niveau de compensation.
Le système d’approvisionnement multisource troquera, dans certains cas, des économies d’échelle contre l’implantation d’évaluations comparatives des résultats des offreurs et le maintien d’un bon niveau de concurrence sur le long terme, ce qui garantit en moyenne des prix bas et une qualité élevée. En bref, ce système garantira que la production et la distribution des biens et des services publics et sociaux restent en mouvement, dans un perpétuel état de changement et qu’elles ne tombent pas dans les mains d’un monopole privé.
Les implications des politiques pro‐concurrentielles ci‐dessus (politiques #3, #4 et #5) sont le développement de réels processus concurrentiels ouverts pour l’amélioration de l’ensemble de la société. Pour atteindre cet objectif de favoriser l’avènement d’une société plus innovante, basée sur la concurrence, la modularité, la flexibilité, l’expérimentation et le changement, il est impératif que de bons signaux soient envoyés aux parties intéressées dans le but de guider leurs recherches de méthodes plus efficaces de production et de distribution des biens et des services publics et sociaux, non seulement dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, de la santé et de l’éducation, mais aussi dans tous les autres secteurs. À cette fin, des prix et des mécanismes concurrentiels doivent être encouragés à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Le contrôle des prix doit être abandonné en faveur de prix concurrentiels déterminés par les marchés.