C HAPITRE 5 : L ES DIX POLITIQUES ET
5.1 P ROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT ET LE MAINTIEN DE COMPÉTENCES CLÉS BIEN DÉFINIES DANS LE SECTEUR
GOUVERNEMENTAL ET LE SECTEUR CONCURRENTIEL
Le modèle SDC n’utilise pas la vieille dichotomie entre secteur privé et secteur public. Cette dichotomie est aujourd’hui au centre de toutes les discussions sur la réforme du système socio‐économique traditionnel, qu’il se réfère à l’État providence ou à l’État social‐démocrate. Mais cette dichotomie crée des conflits non nécessaires parce qu’elle correspond à une erreur d’interprétation fondamentale conduisant à la confusion entre la distribution des rôles et des responsabilités et les processus par lesquels les objectifs en termes de biens et de services publics et sociaux seront atteints. En d’autres termes, il y a une confusion omniprésente entre les objectifs, d’une part, et les moyens et les modalités, d’autre part. Ainsi, dans la présentation et la discussion du modèle SDC, le secteur public et le secteur privé ne sont pas les acteurs principaux, ils sont remplacés par le secteur G O U V E R N E M E N T A L et le secteur C O N C U R R E N T I E L.
En fait, la responsabilité fondamentale du secteur gouvernemental est de définir les paniers de biens et de services publics et sociaux et de les proposer à la communauté des citoyens, mais il n’en découle pas que le secteur gouvernemental doit produire, distribuer et fournir ces biens et ces services. Le modèle SDC propose une révolution organisationnelle importante puisqu’il propose une dichotomie différente, une dichotomie entre secteur G O U V E R N E M E N T A L et secteur C O N C U R R E N T I E L, tous deux ayant des responsabilités claires afin de s’assurer que le bien‐être des citoyens est optimisé.
Le secteur G O U V E R N E M E N T A L est, comme son nom l’indique, le secteur sous la responsabilité du gouvernement élu. Le rôle de ce secteur est d’abord et avant tout d’identifier les besoins des citoyens en biens et en services publics et sociaux, tant en qualité qu’en quantité, de définir les spécificités et les caractéristiques des biens et des services publics et sociaux, de faire les arbitrages nombreux et nécessaires entre les différents éléments des paniers de biens et de services publics et sociaux en fonction des ressources disponibles et de gérer les contrats et les partenariats de production, de distribution et de fourniture des biens et des services publics et sociaux retenus. Les fonctions d’identification, de conception, d’arbitrage et de choix reliées aux paniers de
biens et de services publics et sociaux sont étroitement liées et seront réalisées au moyen d’un processus électoral démocratique.
Ce secteur G O U V E R N E M E N T A L redéfini a peu de ressemblance avec le secteur public, tel que nous le connaissons dans la plupart des pays. En effet, le secteur
G O U V E R N E M E N T A L redéfini sera composé du parti politique au pouvoir et d’un groupe de hauts fonctionnaires qui, pour la plupart, seront responsables de la gestion globale des contrats réalisés avec les différentes organisations du secteur C O N C U R R E N T I E L pour la production, la distribution et la fourniture des biens et de services publics et sociaux. La première responsabilité du secteur G O U V E R N E M E N T A L n’est ni d’être un employeur ni d’être un producteur ou un distributeur de biens et de services publics et sociaux. Le rôle du secteur C O N C U R R E N T I E L est de produire, de distribuer et de fournir les biens et les services publics et sociaux de la manière la plus efficace possible, en utilisant les meilleures technologies, ressources humaines et structures organisationnelles possibles, dans le cadre de contrats incitatifs bien définis avec le secteur gouvernemental. Dans le modèle SDC, le secteur concurrentiel est défini au sens large pour inclure le secteur des entreprises, le secteur des coopératives, le secteur des organisations non gouvernementales (ONG), les entreprises à but non lucratif, aussi bien que les autres organisations comme les organisations de la société civile et de l’économie sociale. Ces organisations du secteur concurrentiel seront appelées ou invitées par le secteur gouvernemental à entrer dans un processus d’appel d’offres ouvert pour obtenir le droit de produire, de distribuer et de fournir, pour une durée de temps bien définie, des biens et des services publics et sociaux précis, le tout en utilisant des contrats spécifiant les droits, les responsabilités, les engagements et les rémunérations des parties.
Concevoir les activités consiste à créer un système composé de différents éléments qui doivent fonctionner ensemble de façon relativement précise, prévisible et inflexible. Dans le domaine des biens et des services publics et sociaux, la conception des activités tient une place prépondérante à cause de la complexité du réseau des biens et des services publics et sociaux. Cette conception des activités doit être gérée de manière centrale, de façon à ce que la synchronisation et les complémentarités soient maximisées lorsque nécessaires et avantageuses. Ainsi, la conception des biens et des services publics et sociaux est fondamentalement un domaine qui correspond bien au secteur G O U V E R N E M E N T A L. Par le truchement d’un processus électoral, les différents
sociaux à la population, à qui l’on demande alors de choisir parmi ces paniers en votant pour le parti qui propose le panier préféré.
Cependant, la production, la distribution et la fourniture de biens et de services publics et sociaux appartenant aux paniers choisis sont assujetties à un processus d’appel d’offres ouvert, par lequel on demande aux différentes organisations du secteur
C O N C U R R E N T I E L d’émettre des offres pour obtenir le droit de produire, de distribuer et
de fournir des éléments précis du panier de biens et de services publics et sociaux choisi. Les contrats liant les autorités du secteur G O U V E R N E M E N T A L et les organisations du secteur C O N C U R R E N T I E L doivent être conçus de telle manière que l’organisation du secteur C O N C U R R E N T I E L choisie soit amenée à atteindre les objectifs et à respecter les engagements pris grâce à un système de garanties ou de primes importantes. De plus, des politiques concurrentielles appropriées doivent garantir que des règles du jeu équitables seront strictement respectées.
5.2
P
ROMOUVOIR DES PROCESSUS CONCURRENTIELS OUVERTS ET TRANSPARENTS POUR L’
ATTRIBUTION DES CONTRATS DE PRODUCTION,
DE DISTRIBUTION ET DE FOURNITURE DES BIENS ET DES SERVICES PUBLICS ET SOCIAUXUn objectif du modèle SDC est de transformer le secteur G O U V E R N E M E N T A L, aussi bien que les marchés publics, en véritables instruments du développement économique. Pour qu’il en soit ainsi, l’utilisation de mécanismes concurrentiels ouverts et transparents est impérative.
Effectivement, la transparence doit jouer un rôle clé dans toutes les étapes de la production, de la distribution et de la fourniture des biens et des services publics et sociaux. De l’appel d’offres initial jusqu’à l’information fournie aux offreurs qui n’ont pas été retenus, et même dans le processus d’adjudication lui‐même, toutes ces étapes doivent être conduites de manière transparente pour assurer l’efficacité.
Généralement, la conformité aux règles de la concurrence est un moyen sûr d’assurer la transparence des marchés, favorisant l’accès aux contrats gouvernementaux et le traitement identique de tous les candidats. De plus, il est essentiel que toutes les décisions soient fondées sur des critères d’évaluation spécifiés à l’avance dans la documentation de l’appel d’offres et dans l’information fournie concernant ces critères. De plus, afin que tous aient l’assurance que le processus d’adjudication respecte ce principe, il est nécessaire que les critères soient formulés de telle manière qu’ils
puissent être appliqués objectivement. Il est aussi nécessaire d’inclure un mécanisme de révision interne visant à assurer le respect des obligations contractuelles et à s’assurer que les acteurs internationaux intervenant sur le marché se conforment aux lois et aux règlements nationaux. Une autre voie pour assurer l’efficacité serait de transmettre les invitations d’appel d’offres dans des langues reconnues internationalement afin d’accroître les pressions concurrentielles et de contourner les intermédiaires inutiles. Il est de la plus haute importance que l’organisation retenue au terme du processus d’enchère soit celle offrant le meilleur rapport qualité/prix (efficience), avec la plus haute probabilité d’atteindre avec succès les objectifs poursuivis (efficacité). Un usage approprié des fonds publics est garanti par le choix de la meilleure offre, qui traduit l’offre la plus avantageuse économiquement. Dans le but d’atteindre cet objectif, l’utilisation de mécanismes concurrentiels est encore une fois de première importance. Les processus concurrentiels sont dérangeants et inquiétants. Il est donc normal et naturel que les individus et les organisations de tous types tentent de réduire les pressions concurrentielles en tentant de s’approprier d’une manière ou d’une autre certains pouvoirs de marché. De telles stratégies doivent être contrôlées par un bureau de la concurrence efficace qui s’assure que les processus concurrentiels sont protégés des abus de la part des individus et des organisations, qu’il s’agisse d’entreprises publiques ou privées, de coopératives, d’ONG, d’organisations à but non lucratif, d’organisations de la société civile ou d’organisations de l’économie sociale ou syndicale.
Dans le secteur concurrentiel, les abus peuvent prendre différentes formes qu’il faut contrôler voire interdire, par exemple :39 I) la compression, par un fournisseur du
secteur concurrentiel intégré verticalement, de la marge bénéficiaire accessible à un fournisseur du secteur concurrentiel non intégré qui est en concurrence avec ce fournisseur, dans les cas où cette compression a pour but d’empêcher l’entrée ou la participation accrue du client sur le marché des biens et des services publics et sociaux;
I I) l’acquisition, par un fournisseur du secteur concurrentiel, d’un client du secteur
concurrentiel qui serait, par ailleurs, accessible à un concurrent du secteur concurrentiel du fournisseur, ou l’acquisition, par un client du secteur concurrentiel, d’un fournisseur du secteur concurrentiel qui serait, par ailleurs, accessible à un concurrent du secteur concurrentiel du client, dans le but d’empêcher ce concurrent d’entrer dans un marché de biens et de services publics et sociaux ou dans le but de l’éliminer de ce marché; I I I)
39
la péréquation du fret en utilisant comme base l’établissement d’un concurrent du secteur concurrentiel dans le but d’empêcher son entrée ou d’y faire obstacle ou encore de l’éliminer d’un marché de biens et de services publics et sociaux; I V) l’utilisation
sélective et temporaire de marques de combat destinées à mettre au pas ou à éliminer un concurrent du secteur concurrentiel ; V) la préemption d’installations ou de
ressources rares nécessaires à un concurrent du secteur concurrentiel pour l’exploitation d’une entreprise, dans le but de maintenir ces installations ou ces ressources hors d’un marché de biens et de services publics et sociaux; V I) l’achat de
produits dans le but d’empêcher l’érosion des structures de prix existantes; V I I)
l’adoption, pour des produits, de normes incompatibles avec les produits fabriqués par une autre personne et destinées à empêcher l’entrée de cette dernière dans un marché ou à l’éliminer d’un marché de biens et de services publics et sociaux; V I I I) le fait
d’inciter un fournisseur du secteur concurrentiel à ne vendre uniquement ou principalement qu’à certains clients du secteur concurrentiel ou à ne pas vendre à un concurrent du secteur concurrentiel afin d’empêcher l’entrée ou la participation accrue d’un concurrent dans un marché de biens et de services concurrentiels; I X) le fait de
vendre des articles à un prix inférieur au coût d’acquisition de ces articles dans le but de discipliner ou d’éliminer un concurrent du secteur concurrentiel (pratique de prix de prédation sur les marchés des biens et des services publics et sociaux); X) la
détermination de prix et de conditions d’accès aux infrastructures du secteur concurrentiel dans le but d’empêcher l’entrée de concurrents du secteur concurrentiel sur le marché des biens et des services publics et sociaux. Cette liste pourrait être étendue et peaufinée.
Dans le secteur gouvernemental, l’obligation d’implanter des processus ouverts et transparents, comme des appels d’offres pour les contrats de production, de distribution et de fourniture de biens et de services publics et sociaux sera parfois combattue de l’intérieur parce que cette obligation impose des contraintes aux autorités politiques. Les opposants seront, la plupart du temps, motivés politiquement et, à certains moments, tenteront de justifier le contournement d’appels d’offres concurrentiels par des gains à court terme. Ce contournement, bien enrobé dans une « langue de bois » faisant état de création d’emplois, de développement régional, d’existence de compétences et de savoir‐faire locaux, et de la capacité de la bureaucratie gouvernementale à émuler et être ainsi aussi efficace que les processus concurrentiels, en arrivera inévitablement à profiter aux groupes bien organisés
(entreprises, politiciens et groupes syndicaux), aux dépens des groupes de contribuables non organisés, respectueux des lois et soumis à la concurrence.
Bien entendu, tout projet industriel, commercial ou politique réalisé dans le cadre d’un contrat de « gré à gré », évitant ainsi la rigueur qu’impose un appel d’offres, peut créer et parfois crée des emplois, contribue au développement régional, utilise les compétences et le savoir‐faire local, et réduit les délais de fourniture. Ce qui est mis de côté dans cette équation c’est l’impact négatif que ce projet et cette procédure auront inévitablement sur les créations d’emplois futurs dans toute l’économie, sur le développement régional et sur le maintien des compétences, effets négatifs attribuables aux pressions concurrentielles réduites, aux signaux biaisés et à l’accroissement des activités d’influence dans le jeu politique. De plus, l’affirmation répétée par certains fonctionnaires et politiciens à l’effet que les contrats de gré à gré réduisent le délai de livraison de plusieurs mois, voire de plusieurs années, et, par conséquent, ajoutent de la valeur dans une situation d’urgence, est la plupart du temps un aveu d’incompétence de ces mêmes personnes à planifier à l’avance pour éviter ces situations d’urgence qui sont toujours synonyme de coûts plus élevés et exagérés. Quand les alliés politiques d’une entreprise ou d’une organisation deviennent plus importants et retiennent plus l’attention que ses fournisseurs, ses consommateurs et ses clients, les prochaines étapes que l’entreprise devrait planifier seront : d’abord, se préparer à demander encore plus de faveurs politiques, ensuite, se préparer à demander la protection contre ses créditeurs et, finalement, se préparer à déposer son bilan!
La raison pour laquelle le contournement du processus concurrentiel par les fonctionnaires ou politiciens, agissant en collaboration avec certaines entreprises privées, syndicats, coopératives ou organisations de l’économie sociale, se termine toujours par la génération de plus de coûts que de bénéfices est que l’économie est un animal complexe, caractérisé par des connaissances et intérêts privés qui ne sont généralement pas explicites, connus ou publics. Seuls la concurrence et les processus concurrentiels ouverts et transparents peuvent dévoiler ces connaissances et intérêts et maîtriser de manière raisonnable un tel animal, la plupart du temps et dans la plupart des situations. Même si, en théorie, les marchés concurrentiels et la planification bureaucratique ou les contrôles centraux peuvent ou pourraient atteindre les mêmes résultats, la première de ces structures organisationnelles a largement dépassé la seconde en termes de rendement: la raison en est que le monde réel est truffé
d’information incomplète et imparfaite, un contexte dans lequel la structure institutionnelle de marché concurrentiel est de façon décisive plus efficace.
En effet, l’un des rôles modernes les plus importants du secteur gouvernemental est de rechercher et d’implanter des formes innovantes d’institutions qui ressemblent à des marchés quand et où ces marchés standards n’émergent pas ou n’existent pas pour des raisons qui sont aujourd’hui bien connues. En dépit de l’existence de solutions fondées sur la concurrence, ces solutions ne sont pas toujours claires, rendant leur implantation souvent difficile. Parmi d’autres exemples de ces développements, sans tenter de dresser une liste exhaustive, on peut mentionner : I) la création des marchés de droits
de pollution à échanger selon des règles d’échange nouvellement et clairement définies;