C HAPITRE 6 : I LLUSTRATIONS
6.5 L E SYSTÈME DE SANTÉ
Les systèmes de santé représentent non seulement les plus grands secteurs de services dans de nombreux pays, mais ils constituent aussi un facteur crucial de développement de la cohésion sociale et de l’inclusion. Leur efficacité, leur impact sur les finances publiques, et leur capacité à relever les défis de la recherche médicale, du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie dépendent de politiques créatives, à la fois pour contrôler l’augmentation des coûts et pour obtenir un rendement maximum sur les ressources investies. Le modèle SDC propose des politiques visant ces résultats.
De nombreux observateurs ou commentateurs, y compris en première ligne les politiciens, affirment que les problèmes dans le secteur ou le système de santé pourraient être résolus par l’injection de fonds et de ressources additionnels. Dans de nombreux pays, les élus sont sous pression pour augmenter le niveau des ressources consacrées au secteur de la santé. Les sociaux‐démocrates concurrentiels ne partagent pas a priori ces revendications. Il y a des signes montrant que le niveau global des ressources dans le système de santé ne peut augmenter de manière importante puisqu’elles représentent déjà un élément majeur du budget public, sans mentionner les fonds privés. Ainsi, il est difficile d’imaginer et d’affirmer de manière crédible que le
niveau des ressources peut augmenter, au moins en pourcentage des ressources totales disponibles (PIB).
C’est plutôt l’organisation globale du système de santé qui doit être réexaminée. Comme pour l’éducation, une importante majorité de citoyens serait certainement en accord avec le fait qu’il faut réformer le système de soins de santé. La fourniture de soins de santé est le plus souvent basée sur un modèle de cogestion dans lequel les intérêts des politiciens, des fonctionnaires et des travailleurs de la santé, aussi bien les professionnels que ceux d’autres groupes, tous hautement et fortement protégés par leurs puissants syndicats professionnels, passent avant ceux des patients.
Les difficultés des systèmes de santé dans nos sociétés ne sont en général pas dues à un manque de ressources investies dans les services de santé, mais plutôt à un système inefficace de production, de distribution et de fourniture de biens et de services de santé. Une meilleure utilisation des ressources dédiées actuellement à la fourniture de services de santé aux citoyens permettrait de résoudre une bonne part des problèmes endémiques des systèmes de santé. Dans le secteur de la santé, comme dans d’autres secteurs des biens et des services publics et sociaux, une meilleure utilisation des ressources signifie et requiert une division plus efficace des responsabilités entre le secteur gouvernemental et le secteur concurrentiel (politique #1) et un recours systématique aux prix et aux processus concurrentiels (politiques nos 2, 3 et 4) afin de guider les choix individuels et les investissements sociaux dans le système de santé. Il est nécessaire de reconstruire le système différemment. Dans un monde SDC, la structure complète serait organisée d’une manière complètement différente. Les mots clés d’un programme important, difficile, mais faisable sont concurrence, modularité, expérimentation, obligation de résultats et de rendement, à la fois en termes d’efficacité (mesurant la proximité entre résultats et objectifs) et efficience (mesurant combien de ressources ont été utilisées pour atteindre cet objectif).
Les hommes politiques dans les pays de l’OCDE font face à une pression croissante pour améliorer les différentes facettes des systèmes de santé. Les patients demandent des soins de santé qui répondent mieux à leurs besoins et à leurs préférences. La problématique importante, dans la plupart des pays de l’OCDE, des listes d’attente pour les opérations illustre ce phénomène. La qualité insuffisante des soins de santé, comme les files d’attente pour les salles d’opération, les échecs à fournir les services nécessaires, et les erreurs de soins, se traduit par des morts et des invalidités inutiles, une santé médiocre et un accroissement substantiel des coûts sociaux. Les disparités de
santé et d’accès aux soins entre les catégories de revenus ou d’autres dimensions persistent dans de nombreux pays, en dépit d’un ensemble de politiques publiques visant à réduire ces disparités d’accès.
Répondre aux demandes pour un meilleur système de santé peut accroître la pression en termes de coût à un moment où les dépenses de santé grimpent déjà à un rythme rapide, accroissant de manière constante la part des ressources dédiées aux soins de santé. Pourtant, dépenser plus n’est pas nécessairement un problème, particulièrement si les bénéfices additionnels dépassent les coûts. Puisque les trois quarts des dépenses de santé dans les pays de l’OCDE sont financés publiquement, l’augmentation des coûts accroît la pression exercée sur les gouvernements à contenir ces coûts et les force à détourner des ressources dédiées à d’autres priorités. De modestes cofinancements peuvent soulager le système de financement public, mais ils ne sont pas magiques, en partie parce que les populations modestes doivent être protégées afin d’éviter les restrictions et l’accroissement des disparités dans l’accès aux soins qui pourraient être coûteux à long terme. Une assurance santé concurrentielle peut accroître les possibilités de choix des consommateurs et la capacité de réaction des systèmes de santé, mais elle n’apporte pas d’aide en termes de réduction des dépenses à cause des interactions extraordinairement complexes entre les traditionnels secteur public et secteur privé. Des interventions gouvernementales bien conçues, en partie grâce à des subventions et à la régulation, sont cruciales si l’équité dans l’accès et le financement doit être assurée. En définitive, accroître l’efficacité et l’efficience des systèmes de santé constitue la réponse la plus prometteuse aux pressions pour contenir les coûts tout en augmentant le rendement. Le modèle SDC est la solution organisationnelle, grâce à l’introduction de la concurrence, de la modularité et de l’expérimentation, qui permettra une utilisation plus efficace et plus efficiente des ressources allouées aux soins de santé.
Débutons par l’identification des principaux facteurs expliquant l’augmentation des dépenses de santé. La première semble être le vieillissement de la population. La raison pour laquelle vieillissement de la population et dépenses sont liés n’est pas difficile à comprendre. Les personnes âgées nécessitent plus de soins que les jeunes, particulièrement en fin de vie; différentes études ont montré que les coûts de santé de la dernière année de vie d’un individu pouvaient être six à sept fois plus élevés que dans les deux ou les trois années précédentes. Les coûts supérieurs associés au vieillissement (et au décès) sont particulièrement apparents en matière de médicaments : les coûts moyens des hommes âgés de soixante‐cinq à soixante‐quatorze ans sont dix‐huit fois
plus importants que ceux des hommes âgés de quinze à vingt‐quatre ans. Les coûts d’hospitalisation suivent le même profil.
Toutefois, dans l’ensemble, le vieillissement de la population est seulement un facteur qui explique environ cinquante pour cent de l’augmentation anticipée des coûts de santé. D’autres facteurs jouent aussi un rôle. Premièrement, les soins de santé sont un bien supérieur et, par conséquent, un accroissement du revenu ou du PIB favorise une augmentation des dépenses de santé à tous les âges et dans tous les groupes sociaux. Deuxièmement, l’augmentation des coûts des nouveaux médicaments et traitements, en grande partie due à l’accroissement des connaissances et des nouvelles technologies, étend les possibilités de traitement offertes à la population plutôt que de représenter simplement des (meilleurs) substituts aux anciens médicaments et traitements. Cette expansion des traitements permet de traiter plus de patients, plus de problèmes, pour des périodes plus longues et d’obtenir ainsi une population en meilleure santé, mais à un coût significativement supérieur. Par conséquent, la consommation de nouvelles technologies dans le secteur de la santé, à la différence d’autres secteurs de l’économie, est en partie responsable de l’augmentation des coûts plutôt que de leur décroissance. Le troisième facteur est d’un type différent. Il est en relation avec l’organisation du système de santé, qui a été conçue à une période où les structures démographiques et les prix relatifs des biens et des services étaient différents et où la population nécessitant une protection sociale et de santé était relativement plus importante (moins éduquée, moins informée). Mais les temps ont changé.
Comme nous l’avons vu plus tôt, la plupart des gouvernements font face à un manque de ressources nécessaires pour satisfaire la demande de la société en soins de santé, forçant les secteurs public et non gouvernemental à revoir leurs rôles et leurs responsabilités. La solution du modèle SDC nécessite une réorganisation des responsabilités des différentes parties prenantes du secteur de la santé, ce qui conduira nécessairement à une redéfinition de l’équilibre entre le secteur gouvernemental et les entreprises du secteur concurrentiel, y compris le traditionnel secteur non gouvernemental tel que les ONG, les organisations à but non lucratif, aussi bien que les organisations de l’économie sociale et communautaire.
La participation d’organisations non gouvernementales ou du secteur concurrentiel comme fournisseurs de services de santé est très controversée. Cette controverse vient souvent du fait que le terme « privatisation », qui soulève des craintes dans certains cercles, est parfois utilisé de manière incorrecte pour ne décrire rien d’autre que la
gestion déléguée et l’approvisionnement multisource. En effet, la privatisation peut avoir des significations très différentes et elle correspond parfois à la mise aux enchères des responsabilités gouvernementales. Dans d’autres cas, elle signifie la sous‐traitance de certains services ou de certaines fonctions vers le secteur concurrentiel dans le but d’accroître la productivité et la flexibilité. Dans ce dernier cas, le secteur gouvernemental conserve la propriété et la responsabilité de la qualité et de la quantité des biens et des services offerts, même si ces services sont réalisés sous contrat par des organisations, à but lucratif ou non, du secteur concurrentiel. Dans d’autres cas, le terme privatisation est interprété comme équivalant à une augmentation de la charge financière qui pèse sur les individus.
Toutes ces interprétations ont amené le débat dans la mauvaise direction. Premièrement, il est important de souligner le fait qu’il n’existe pas de système de santé qui soit entièrement public ou entièrement concurrentiel dans le monde. Ces expressions sont de simples raccourcis. Par exemple, dans le seul système de l’OCDE, celui qui est défini comme privé, à savoir le système américain, est financé à quarante‐ six pour cent par des fonds publics comparativement aux soixante‐quatorze pour cent des pays de l’OCDE dans leur ensemble. Si les dépenses directes personnelles, en devises et en nature, étaient ajoutées à cette comparaison, le pourcentage des dépenses publiques serait (très) inférieur. Tous les systèmes de santé affichent des degrés divers de partenariat entre le secteur gouvernemental et le secteur concurrentiel. Il est également important de garder à l’esprit que les ressources publiques sont elles‐mêmes concurrentielles : elles viennent de la poche concurrentielle des citoyens! Ainsi, il est préférable d’abandonner le débat sclérosé menant à une confrontation sans intérêt entre propriété privée ou publique des installations de soins de santé et le débat tout aussi inutile entre fourniture privée ou publique des biens et des services de santé. Ce qui importe c’est la compréhension adéquate des rôles des organisations publiques ou gouvernementales et concurrentielles ou non gouvernementales et de la façon dont elles peuvent être adaptées par différents moyens ou modalités pour poursuivre de manière harmonieuse l’objectif ultime d’accroissement du bien‐être de tous les citoyens de la société.
Quelles sont les politiques à mettre en œuvre afin d’améliorer l’accessibilité et la qualité des services de santé? La première caractéristique désirable d’un système de santé est sans doute sa capacité à répondre, de manière adéquate et au moment opportun, aux besoins des individus. Pour atteindre ces objectifs d’accessibilité et de qualité, les
première ligne intégrée de services de santé accessibles en tout temps; I I) d’assurer au
réseau une main‐d’œuvre suffisante, bien qualifiée et bien répartie géographiquement;
I I I) de réviser régulièrement et d’élargir le rôle de certains professionnels de la santé;