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Les rituels de pénitence de l’Antiquité tardive au Haut Moyen-Âge : la

La maison de mon âme est bien étroite et bien petite pour un aussi grand hôte que vous, ô mon Seigneur et mon Dieu; mais je vous prie de l’accroître afin qu’elle soit capable de vous recevoir. Elle tombe en ruine : mais je vous prie de la réparer. Il y a des choses qui peuvent offenser vos yeux; je le sais et le le confesse : mais qui peut la rendre nette que vous seul, et à qui puis-je recourir qu’à vous? Purifiez-moi, s’il vous plaît, Seigneur, de mes offenses secrètes et cachées, et ne m’imputez point celle d’autrui. Je crois, et c’est pour cela que je parle avec confiance. Vous savez Seigneur, quelle est ma foi en votre miséricorde; et c’est elle qui me fait croire qu’après que je me suis accusé de mes crimes en votre présence, vous avez remis la malice de mon cœur. Mais je ne veux point contester avec vous, qui êtes et mon juge et la vérité : et je ne veux pas me tromper moi-même, ni m’exposer au péril de me voir convaincu de péché et de mensonge. Je ne conteste donc point avec vous, mon Dieu; car, si vous vouliez examiner avec rigueur les péchés des hommes, qui pourraient subsister devant le tribunal de votre justice 525 Saint Augustin, Livre 1er, Chapitre V.

Les Écritures, en particulier le Nouveau Testatment, constituent les sources textuelles en vertu desquelles le pouvoir religieux et les théologiens considèrent que l’homme doit rechercher son salut sur terre et obtenir la rémission de ses péchés526. C’est également dans ces textes que l’Église chrétienne considère qu’elle a reçu le pouvoir de lier et de délier les péchés527. Le IIième siècle marque le début d’une période dynamique pour l’Église chrétienne malgré les persécutions qui frappent le monde chrétien528. C’est au cours de ce IIième siècle que l’aveu investit le domaine religieux et offre à l’Église un outil de contrôle social. L’Église chrétienne et ses institutions réalisent, dès cette époque, qu’elles disposent, avec l’aveu, d’un outil extraordinaire non seulement pour asseoir son autorité mais aussi, pour diffuser et imposer sa doctrine. L’aveu (ou la confession) remplit une fonction de véridiction, c’est-à-dire de faire dire par l’avouant une vérité sur lui-même. Il assume aussi un rôle réparateur et curatif de l’individu. En effet, il restaure l’âme de celui qui avoue et lui permet de se réconcilier avec

525 Saint Augustin, Confessions, traduction d’Arnauld d’Andilly, Paris, Gallimard, 1993 à la p 31. 526 Rouillard, supra note 509 à la p 11.

527 Ibid aux pp 20-21, voir aussi Nouveau testament, supra note 519, Évangiles selon Jean et Mathieu. 528 Daniel Rops, L'Église des apôtres et des martyrs, Paris, Fayard, 1957 aux pp 121-176.

la communauté des vivants. L’aveu permet à l’individu de modifier ses comportements. Il peut donc conduire à un changement du sujet dans son mode d’« être ». Les autorités religieuses prennent alors conscience du pouvoir qu’elles peuvent exercer sur les fidèles.

Nous voyons dans ce Titre II comment le christianisme modélise, progressivement, plusieurs formes d’aveu, que nous appelons à l’occasion des pratiques de vérité. Ces transformations de l’aveu religieux se réalisent dans le cadre d’un processus que Michel Foucault désigne par le terme « juridification ». Par « juridification », rappelons que l’on entend un encadrement réglementaire de l’aveu et de son contenu. La forme que doit revêtir l’aveu, qui peut se manifester par la parole ou même par des actes de pénitence sans verbalisation, fait l’objet, avec le temps, de prescriptions de plus en plus détaillées et qui précisent le contenu de l’aveu moral. L’étendue de ce contenu reste variable selon les modèles et les époques. Ces aveux s’inscrivent dans une procédure qui comportent généralement des sanctions. Ce processus de « juridification » contribue à faire de l’aveu une pièce centrale de l’édifice normatif religieux chrétien.

L’histoire religieuse de l’aveu occupe nécessairement une large part de ce Titre II. Cette analyse est indispensable pour comprendre l’économie et la place de l’aveu, non seulement dans la culture occidentale, mais aussi et surtout dans les traditions juridiques qui s’y développent.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, certains faits socio-historiques entourant l’aveu en tant qu’instrument privilégié « du dire vrai » dans un contexte religieux méritent d’être rappelés. Ces repères contextuels ont trait au développement des idées de Justice et de Vérité, des notions essentielles à la compréhension de l’aveu. Il convient de les commenter pour trouver leur sens dans les écritures bibliques et dans la culture religieuse, mais aussi dans la pensée occidentale.

Introduction : Les apports du christianisme primitif aux concepts de Vérité et de Justice

Cette période de l’histoire du monde occidental est marquée par deux événements religieux majeurs529. Le premier s’incarne dans une révolution de la pensée biblique à partir des IVième et Vième siècles, dont le message pénètre progressivement, mais solidement, le monde de la chrétienté. Émergent de cette révolution, le développement d’une éthique biblique et l’apparition d’une doctrine du jugement dernier, l’eschatologie.

Vers le XIième siècle, un second événement religieux, tout aussi révolutionnaire, contribue à la formation et à la rationalisation de l’esprit occidental. Il s’agit, selon Harold J. Berman, de la « Révolution papale »530. Contentons-nous de dire pour le moment que cette révolution papale favorise le développement d’un puissant pouvoir religieux, à travers des réformes structurelles de l’Église et des changements institutionnels et politiques relevant du pouvoir temporel. Ces nouveautés déclenchent une réorganisation des connaissances qui se révèle avec plus d’éclat au XIième siècle531. Nous y reviendrons de manière plus détaillée dans la deuxième partie de notre thèse.

La révolution biblique donne d’abord lieu à l’édification d’une éthique centrée sur une morale de la compassion. Ce premier bouleversement de la pensée permet de modéliser différemment les concepts de Vérité et de Justice. La révolution biblique provoque aussi une rupture avec l’idée du « temps cyclique d’éternel retour » conçue par les Grecs532 au profit du concept de « temps linéaire ». Se développe ainsi un nouveau domaine de la pensée religieuse, celui de l’eschatologie, à savoir une doctrine du Jugement dernier. Selon cette doctrine, le temps commence avec la Création et s’étend jusqu’à la fin du monde533. L’histoire a donc une fin, et cette fin concerne tant l’histoire du monde que l’histoire de chaque être humain. L’eschatologie biblique, véhiculée notamment par les Évangiles, constitue la « suite

529 Ils ont contribué, chacun à leur manière, à la définition du concept d’Occident. Voir Nemo, supra note 274;

Alain Brunet, La civilisation occidentale, Paris, Hachette, 1990; Hakim Karki et Edgar Radelet, Et Dieu créa

l’Occident, La place de la religion dans la conceptualisation de la notion d’occident, Paris, L’Harmattan, 2001;

Roger Osbourne, Civilization: A New History of the Western World, New York, Pegasus Book, 2006; Jean Chélini, Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Vanves (France), Hachette Littératures, 1991.

530 Berman, Law and Revolution, supra note 2 aux pp 47-264. Voir aussi Nemo, supra note 274 aux pp 45-66. 531 Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, 2008 aux pp 61-62 [Le Goff, L’Occident médiéval].

532 Nemo, supra note 274 aux pp 7 et 40-41. 533 Ibid.

nécessaire de la révolution éthique »534. L’éthique n’a de sens que si l’on pense que le monde futur est différent du passé535. Le temps étant compté, l’homme doit, désormais et dans l’urgence, lutter contre le mal. Tout comme dans le judaïsme, les premiers chrétiens croient que Dieu descendra sur terre pour juger non seulement les hommes mais également leurs âmes536. Ils croient que Jésus, au nom de Dieu, reviendra sur terre pour juger les morts et les vivants537. Cette doctrine du jugement dernier donne naissance au concept de purgatoire, une manière de réchapper les âmes des fauteurs après leur mort et à l’institution du sacrement de la pénitence, une façon de réparer leurs fautes de leur vivant.

Qu’arrive-t-il aux notions de Justice et de Vérité dans ce contexte révolutionnaire religieux? On peut faire deux observations : la Vérité résulte du jugement Divin et la Justice est désormais fondée sur la miséricorde. Celles-ci deviennent l’affaire d’une autorité unique (non plus collective) qui tient sa légitimité de Dieu, s’incarnant dans la personne de Jésus d’abord, dans celle des prélats de l’Église ensuite, dans celle des suzerains enfin. Il en découle au moins trois conséquences dont certaines ont été commentées dans nos chapitres précédents. Premièrement, la Vérité et la Justice continuent d’être des notions interreliées; deuxièmement, la Vérité devient l’affaire du Divin; troisièmement - la nouveauté réside dans ce dernier constat - Dieu délègue la fonction de rendre Justice, donc de juger, à une personne en autorité qui est mandatée à cette fin.

Dès lors, les concepts de Vérité et de Justice issus de cette nouvelle éthique biblique reposent sur des idées inédites et donnent lieu à de nouveaux développements. Abordons ces idées nouvelles (a) avant d’expliquer leur influence sur les concepts de Vérité (b) et de Justice (c).

a) Les nouveaux paradigmes de la Vérité et de la Justice

Nous limitons cette introduction à la présentation de trois idées nouvelles. Se développe une conception asymétrique et dissymétrique de la justice : les forces en présence

534 Ibid.

535 Ibid à la p 41.

536 Berman, Law and Revolution, supra note 2 à la p 166, qui cite le livre d’Ézéchiel 18:23. 537 Ibid.

(Dieu et l’avouant) ne sont plus égales et la faute et la réaction qu’elles suscitent ne sont plus proportionnées) (i); la faute, assimilée au mal, suscite le blâme ou la lamentation ou les deux à la fois (ii); la quête perpetuelle de justice par l’homme exige une réconciliation avec Dieu, avec le fauteur et la communauté (iii).

i) Une conception asymétrique et dissymétrique de la Justice

Selon Philippe Nemo, avec l’avènement de cette nouvelle éthique biblique, se constitue « une morale de la compassion ». Cette morale conduit à une perception plus aigüe et différente de la souffrance humaine; elle considère comme anormaux et insupportables des maux qu’auparavant l’humanité jugeait « être dans l’ordre éternel des choses »538. Cette morale préside à une nouvelle conception de la justice humaine qui se distingue de celle des anciens, laquelle était rationnalisée et fondée sur une égalité de « termes finis »539. Cette nouvelle justice fondée sur la miséricorde suppose une inégalité des rapports entre l’homme et Dieu. Elle repose sur une « relation dissymétrique » entre deux infinis, « le Royaume de

Dieu » et celui de « l’amour » qui « échappe à tout calcul [humain] »540.

ii) La faute : entre le blâme et la lamentation

Dans cette nouvelle conception asymétrique et dissymétrique de la justice humaine, la faute ou, plus précisément, le péché originel prend toute son importance. Cette faute originelle va être assimilée à un fardeau ou à une dette non contractée par l’homme, non choisie par lui, mais qui pèse de façon infinie sur lui. Il s’agit de sa condition humaine initiale et du contexte de la civilisation occidentale dans laquelle il vit et qui l’obligent à faire de la lutte contre le mal « l’orientation de [sa] vie »541. Il en résulte une position de principe qui contribue à la construction et au renforcement d’un sentiment de culpabilité, un sentiment qui devient une

538 Nemo, supra note 274 aux pp 35-36.

539 Ibid à la p 36. L’auteur fait ici, dans sa note 37 de bas de page, référence tant à la justice commutative qu’à la

justice distributive : « C’est le cas aussi bien pour la justice “commutative” (les choses échangées doivent être de valeur égale) que pour la justice “distributive” (chacun doit recevoir du bien commun une part proportionnelle à son apport). La première est une égalité arithmétique (de type a=b), la seconde une égalité géométrique, c’est-à- dire une égalité de rapports, une proportion (de type a/b=c/d) ».

540 Ibid à la p 37. 541 Ibid.

caractéristique ontologique de l’être humain dans le monde judéo-chrétien542. Dostoïevski, notamment dans les Frères Karamazov, en exprimera plus tard toute l’essence543.

Ce concept du mal va englober dans la tradition judéo-chrétienne « des phénomènes

aussi variés, […] que le péché, la souffrance et la mort »544 ce qui fait dire à Paul Ricœur, que l’expérience du mal par les hommes donne lieu à des sentiments qui se situent entre le blâme et la lamentation545. Le blâme sanctionne l’action lorsqu’elle constitue une violation de la nouvelle éthique religieuse. Le blâme interfère ainsi et aussi avec la souffrance, « dans la

mesure où la punition est une souffrance infligée » à l’homme coupable. La faute fait de

l’homme un coupable, mais la sanction de l’action répréhensible qui le fait souffrir, même si elle est méritée, en fait aussi une victime. C’est « ce que clame la lamentation »546.

iii) La nécessaire réconciliation

Même en étant passif et dans l’inaction, l’homme peut tout de même se trouver dans une situation de mauvaise conduite (l’exemple d’une mauvaise pensée ou encore penser du mal d’autrui), ce qui fait de lui un coupable et une victime à la fois. L’homme se trouve ainsi dans une quête perpétuelle de justice. Il la recherche soit par des actions positives concrètes, soit par un processus de « véridiction de soi-même à travers l’herméneutique de la pensée » pour reprendre un thème cher à Michel Foucault547. Le tout donnera naissance à des pratiques pénitentielles et confessionnelles, essentielles à la réconciliation du pécheur avec Dieu et sa communauté. Il existe donc un lien fort entre l’aveu religieux et l’activité introspective de soi. Ce lien est au cœur de nos explications contenues dans notre Titre II. Avant d’aborder ces deux thèmes, nous examinons l’influence de ces idées nouvelles sur la Vérité et la Justice.

542 Voir sur cette question l’ouvrage magistral de Jean Delumeau, Le péché et la peur : la culpabilisation de l’Occident XIIIe-XVIe siècle, Paris, Fayard, 1983 [Delumeau, Le péché].

543 Dostoïevski, Les Frères Karamazov, Paris, Folio Classique, 2005.

544 Paul Ricœur, Le mal, un défi à la philosophie et à la théologie, Genève, Labor et Fides, 2004 aux pp 21-22. 545 Ibid aux pp 21-26.

546 Ibid aux pp 22-23.

b) La Vérité : le résultat exclusif du jugement Divin

Avec l’apparition d’une nouvelle éthique biblique, la révélation chrétienne bouleverse la pensée humaine rationnelle qui prévalait dans l’Antiquité. Elle en diminue l’importance. Dans son histoire de l’intelligence, Marcel Clément rappelle que ce déclin commence avec la période hellénistique du monde occidental. De la naissance de Socrate à la mort d’Aristote, la pensée humaine n’a cessé de briller548 en donnant par exemple naissance à de nouvelles connaissances fondées sur la raison et sur la pratique de la philosophie. On a rompu avec le relativisme de la sophistique. Le Logos est devenu « le trait distinctif de l’homme »549. On recherche la vérité par la découverte de l’intelligibilité de notions abstraites, par le développement des mathématiques et par une meilleure compréhension de la matière et du monde physique, ce qui a donné à l’intelligence humaine toute sa maturité550. Le déclin de la pensée rationnelle et de la philosophie comme moteur de la connaissance va commencer avec les grandes conquêtes d’Alexandre et se poursuivre avec la dislocation de l’Empire romain. Il entraîne la première grande révolution géopolitique du monde païen551 et prend fin avec une autre révolution, spirituelle celle-ci, avec l’avènement du christianisme552.

La pensée rationnelle ne disparaît pas car on continue de puiser dans la pensée antique les idées de liberté et d’égalité naturelle des hommes. Mais le christianisme rompt avec cette

548 Marcel Clément, Une histoire de l’intelligence, t I « La soif de sagesse », Paris, L’Escalade, 1979 aux pp 249-

289.

549 Raymond Boudon, La rationalité, Paris, PUF, 2009 à la p 3. 550 Clément, supra note 548 à la p 251.

551 Ibid.

552 Ibid. Le terme « déclin » peut paraître exagéré mais selon l’auteur il ne s’agit nullement d’une position

singulière ou encore qui se veut révolutionnaire : « Elle accorde tous ceux, quelle que soit leur famille d’esprit,

qui ont tenté de comprendre la courbe que suit l’intelligence païenne après la mort d’Aristote ». Charles Werner,

dans La Philosophie grecque, Paris, Payot, 1962 à la p 161, écrit: « Après la mort d’Aristote, comme épuisée par

cet effort prodigieux, la philosophie grecque est redescendue pour un temps des hauteurs où elle avait été portée ». Et Léon Robin : « À mesure que s’affaiblit la pensée grecque, elle subit davantage la contamination d’influences étrangères à son génie », La pensée grecque, Paris, Albin Michel, 1948 à la p 353]. Jacques

Chevalier est plus sévère encore : « La pensée grecque finissante est une pensée vieillie, comme ses Dieux sont

des Dieux vieillis », Chevalier, La pensée antique, supra note 147 à la p 415. Et Rogerio Garcia de Brito : « Après Platon et Aristote, la philosophie grecque a atteint l’apogée de sa gloire. Ce suprême effort de métaphysique est immédiatement suivi d’une décadence qui ne fait que s’accentuer » dans La pensée philosophique, Librairie Vrin,

Paris, 1931 à la p 233. Émile Bréhier, plus modéré, évoque : « L’éclatant déclin de la pensée grecque », dans

Histoire de la philosophie, Paris, Presses universitaires de France, 1981 à la p 284. Mais le jugement d’ensemble

pensée antique d’une manière bien illustrée par Jacques Chevalier qui commente l’idée nouvelle de Vérité :

En présence de ce fait majeur dans l’histoire du monde que fut l’avènement du Christianisme, l’historien de la philosophie, comme le philosophe lui-même, se trouve en quelque manière décontenancé. Habitué à mesurer les choses à l’aune de la pensée, à n’admettre pour vrai que ce qu’il peut expliquer, à chercher une juste proportion entre les effets et les causes, comment ne serait-il pas saisi d’étonnement et de scandale devant un événement qui déjoue tous ses calculs, trompe toutes ses prévisions, échappe à ses concepts et à ses lois, bouleverse ou dément les normes qu’il a assignées au réel et au vrai, et, né d’un germe si petit en apparence, a crû démesurément, hors de toutes proportions naturelles ou humaines? 553

La Vérité devient alors le résultat de la révélation et ne procède plus des opinions rationnelles et des connaissances. Elle se limite à la Vérité émanant du jugement Divin qui ne suppose plus d’explication préalable sur la question de son fondement. Le jugement Divin devient dorénavant la seule forme de discours utilisée pour décrire et expliquer le réel. Du jeu de la Vérité initié par la Grèce, la Vérité est désormais totalement abandonnée à Dieu et n’émane plus d’une recherche rationnelle.

c) La Justice : une fonction déléguée par le Divin

Cette révolution chrétienne préside à l’évolution des systèmes judiciaires et politiques en donnant lieu à une nouvelle conception de l’autorité politique, civile et religieuse. L’éthique biblique est à cet égard déterminante. En effet, seul Dieu domine le monde; les rois sont les sujets de Dieu; leurs sujets doivent obéir aux ordres des lieutenants de Dieu, leurs ordres venant de Dieu lui-même554. Princes et rois doivent leur pouvoir à Dieu qui est la source de leur légitimité. Ils doivent s’en montrer dignes. Ils ne peuvent exercer leur pouvoir que dans l’intérêt du peuple que Dieu leur a confié. C’est ce qui donnera lieu à « l’autorité-

fonction »555. Lorsque l’empereur Constantin se convertit au christianisme au début du IVième siècle, se pose la question de savoir si le christianisme peut contribuer positivement à la

553 Jacques Chevalier, Histoire de la pensée, vol 2 « La Pensée chrétienne », Paris, Flammarion, 1956 aux pp 15-

16 [Chevalier, La pensée chrétienne].

554 Georges Lescuyer, Histoire des idées politiques, 14e éd, Paris, Dalloz, 2001 à la p 118. 555 Ibid.

reconfiguration et à la justification des fonctions judiciaires et législatives suprêmes de l’empereur 556 qui, adoptant cette religion nouvelle, devient le chef de son Église et le