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Quels sont les risques encourus par les matériaux sous irradiation ?

Dans le document Réacteurs nucléaires à caloporteur gaz (Page 127-129)

Les propriétés macroscopiques d’usage des matériaux solides, métaux, alliages, céramiques et verres, sont, en géné- ral, très fortement affectées par l’irradiation, du fait de la créa- tion de défauts ponctuels*, lorsque les atomes du solide sont déplacés par les collisions et des modifications de microstruc- ture auxquelles leur élimination conduit. Les céramiques, notamment les carbures, ont été beaucoup moins étudiées que les métaux. Elles présentent la plupart des syndromes rencontrés dans les métaux, notamment la fragilisation, le fluage d’irradiation et le gonflement, mais dans des gammes de température plus élevées, compte tenu de leur point de fusion généralement plus élevé.

L’irradiation détériore le comportement mécanique. Les métaux durcissent et se fragilisent, c’est-à-dire que leurs caractéristiques de traction après irradiation, notamment la limite d’élasticité, augmentent, alors que la ductilité* et la ténacité* diminuent. En outre, l’irradiation peut y provoquer

1: 500C, HFIR 2: 400C, HFIR 3: 200-500C, HFIR 4: 300-500C, JMTR 5: 430-500C, EBR-II Hi-Nicalon Type-S/PyC/FCVI-SiC Hi-Nicalon/PyC/FCVI-SiC Nicalon/PyC/FCVI-SiC Tyranno-SA/PyC/FCVI-SiC 6: 300C, HFIR 7: 800C, HFIR 8: 800C, JMTR 9: 740C, HFIR 10: 630, 1020C, ETR 3 2 2 7 6 7 7 4 5 5 5 5 2 2 3 1 1 1 8 8 8 8 2 2 73 7 10 9 6

Fig. 109. Comparaison de la résistance à la rupture de composites SiCf-SiC de 1re, 2eet 3egénérations avant et après irradiation[1].

Su Irrad. /S u Unirrad . 0 0.1 1 10 100 1

Dose neutron (dpa-SiC)

Monolithique CVD-SiC 3egénération 1reet 2egénérations 0.00 0.10 0.20 0.30 0.40 0.50 0.60 0.70 0.80 0.90 1.00 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 0.00 0.10 0.20 0.30 0.40 0.50 0.60 0.70 0.80 0.90 1.00 100 150 200 250 300 350 400 450

Fig. 108. Comparaison des caractéristiques de rupture en flexion quatre points des carbures réfractaires TiC et ZrC actuels fabriqués par métallurgie des poudres (courbes statistique de Weibull). On améliore considérablement la ténacité de TiC par des additions de W qui en accroissent la compacité, après pressage isostatique à chaud (HIP) : la probabilité de rupture sous une contrainte donnée est très abaissée. Le ZrC étudié, dont la porosité est encore élevée, apparaît aussi fragile que le TiC sans additif : la marge de progrès sur le procédé de fabrication est encore large !

Pr

obabilité de rupture

Contraintes à rupture (MPa)

Pr

obabilité de rupture

Mesures TiC

Mesures TiC sans W : E09 Weibull MV M

Weibull MV UB 95 % Weibull MV LB 95 %

Contraintes à rupture (MPa)

Mesures ZrC Weibull MV M Weibull MV UB 95 % Weibull MV LB 95 %

une localisation de la déformation plastique qui se manifeste par une inversion de la consolidation globale et conduit à la rupture prématurée. Dans les deux types de matériaux, métaux et céramiques, l’irradiation fragilise parfois les inter- faces, joints de grains et interphases. Dans les composites, en particulier, la cohésion de l’interface fibre-matrice est évi- demment cruciale pour la tenue du matériau et fait l’objet d’une attention soutenue. On a récemment réussi à renforcer consi- dérablement cette résistance à la perte de cohésion sous irra- diation, à l’aide d’un dépôt interfacial de carbone pyrolytique (fig. 109). La résistance au fluage* thermique après irradia- tion est aussi fortement modifiée : le durcissement (augmen- tation de la contrainte de fluage) s’accompagne d’une réduc- tion de la ductilité. Le comportement en fluage sous irradiation est plus complexe. Un phénomène spécifique, le « fluage d’ir-

radiation », se superpose au fluage thermique classique et

provoque des effets inverses : sous irradiation, le matériau se déforme beaucoup plus vite et son allongement à la rupture augmente considérablement.

L’irradiation affecte également les caractéristiques dimen- sionnelles des solides.

• Le volume des solides augmente sous irradiation. Ce « gon- flement » a pour origines possibles l’accumulation de défauts ponctuels à basse température, l’amorphisation du matériau, ou encore l’agglomération des lacunes en cavités ou bulles lorsqu’elles sont mobiles. Dans les métaux d’usage courant, la première source est négligeable, la deuxième inopérante, et sous l’effet de la troisième, le gonflement présente en tem- pérature un maximum dont la position, de 0,5 à 0,6 fois le point de fusion, dépend du flux. Dans le SiC, le gonflement de basse température est dû à l’amorphisation et peut atteindre 10 % environ. À plus haute température, celle-ci ne se produit pas ; le gonflement dû à l’accumulation des défauts ponctuels diminue jusqu’à ≈ 0,2 % quand la tempé- rature augmente jusqu’à 1 000 °C, du fait de la recombinai- son des défauts ponctuels, et se sature pour une dose faible (1 dpa SiC). Au-delà de 1 000 °C, il est dû à l’agglomération de lacunes et croît avec la fluence et la température, sans saturation apparente en fonction de la fluence (fig. 110)24. La germination et la croissance de très petites cavités (2 nm à 625 °C, 5 nm à 1 000 °C), sans doute favorisées, comme dans les métaux, par la présence de gaz, sont à l’origine du gonflement. Tous ces phénomènes sont très sensibles au spectre d’énergie des particules incidentes, ainsi qu’à la pré- sence de gaz ou d’impuretés.

• Si le matériau est sous contrainte pendant l’irradiation, le fluage d’irradiation conduit à une déformation qui augmente avec le flux, la fluence et la température. Dans le SiC, il est faible et peu dépendant de la température en dessous de 900 °C mais augmente au-delà.

• Enfin, les solides cristallins anisotropes, par exemple le zir- conium ou le graphite, se déforment spontanément sous irra- diation, en l’absence de contrainte, s’allongeant dans une direction et rétrécissant dans les deux autres : c’est la « crois- sance ». La question pourrait se poser également pour le SiC, dont certains modes de fabrications (CVD ou PVD) conduisent à une texture effective.

La résistance à la corrosion peut être réduite par l’irradia- tion. Les aciers inoxydables austénitiques* sont sensibles à la « corrosion sous contrainte induite par l’irradiation » qui se manifeste par une fissuration intergranulaire en milieu primaire des réacteurs à eau. Dans les réacteurs à gaz, des formes nouvelles de corrosion se manifesteront dans le gaz caloporteur, du fait du très faible potentiel chimique de l’oxy- gène, conduisant à la déstabilisation des oxydes, à la réaction avec les carbures des traces d’oxygène ainsi introduites, à la carburation des métaux par le monoxyde de carbone. La conductibilité thermique est altérée par l’irradiation. Dans le SiC, elle diminue sous irradiation et semble se saturer en des- sous de 25 dpa SiC et 1 000 °C, sans doute par le même mécanisme d’accumulation de défauts ponctuels qui est à l’ori- gine du gonflement de moyenne température, mais le com- portement des carbures métalliques (ZrC, TiC) conducteurs n’évolue pas de façon identique à celui des isolants comme le SiC ; dans les céramiques conductrices, en effet, le méca- nisme de conduction électronique de la chaleur l’emporte sur

Fig. 110. Évolution du gonflement du carbure de silicium sous irra- diation en fonction de la température[2].

0,1 1,0 10 100

0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400 1 600

24. Voir également fig. 116, p. 136.

Gonflement (%) Température (°C) Gonflements « saturants » (défauts ponctuels) Amorphisation Gonflements non « saturants » (« Vides tétraédriques ») Blackstone - 1971 Price - 1969, 1974 Snead et al. - 1998 Snead et al. - 1998 Hollenberg et al. - 1995 Senor et al. - 1996

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Matériaux pour le réacteur rapide à gaz : nouvelles céramiques et nouveaux alliages à la frontière des « hautes fluences »

la conduction par les vibrations du réseau (phonons) qui pré- vaut dans les isolants. Comme toutes les propriétés, la conductibilité thermique est extrêmement sensible à la com- position chimique, stoechiométrie et impuretés, ainsi qu’à la microstructure (taille de grains).

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