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Les cycles du soufre

Dans le document Réacteurs nucléaires à caloporteur gaz (Page 104-108)

Les cycles à base de soufre concernent le cycle hybride soufre, le cycle hybride brome-soufre et le cycle, essentielle- ment chimique, iode-soufre. Ces cycles ont en commun la décomposition de l’acide sulfurique pour reformer le dioxyde de soufre et le recycler : H2SO4 => SO3+ H2O (650 °C) SO3 => SO2+ 0.5 O2 (850 °C) 1 000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 0 100

Chaleur nécessaire (kJ/mol H2SO4)

SO 3SO 2 +1/2O 2 H2SO4⇒ SO3+ H2O Évaporation de H2SO4 T empérature (°C) Chauffa g e Chauffa g e 200 300 400

Fig. 92. La chaleur et la température nécessaires pour les différentes étapes de la décomposition de H2SO4sont représentées par l’histogramme en trait plein.

La chaleur délivrée par un RTHT est représentée en trait pointillé, pour un débit de caloporteur et une température bien choisis. Pour que la décom- position fonctionne, il faut que la température de la source chaude (du caloporteur) soit en tout point supérieure à celle du procédé de décomposition de H2SO4. La proximité des deux histogrammes illustre la bonne adéquation entre la chaleur four- nie par le caloporteur d’un RTHT et la chaleur nécessaire aux différentes étapes du procédé.

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Faire de l’hydrogène nucléaire ? La vaporisation de l’acide sulfurique et sa décomposition sont

des réactions endothermiques. Elles ont lieu à haute tempé- rature et en ambiance corrosive. Le couplage thermique avec un RHT pour effectuer cette décomposition a été modélisé. Comme le montre le diagramme du besoin en chaleur–tempé- rature (fig. 92), la chaleur du RTHT peut être bien utilisée, ce qui peut assurer pour cette décomposition un rendement ther- mique jusqu’à 70 %.

Cycle hybride soufre (ou « cycle Westinghouse », aux États-Unis)

(1) SO2(gaz) + 2 H2O(liquide) => H2(gaz) + H2SO4(aqueux)

par électrolyse (77 °C)

(2) H2SO4(gaz) => H2O(gaz) + SO2(gaz) + 0.5 O2(gaz) (850 °C)

Ce cycle hybride comporte une phase d’électrolyse à basse température pour produire l’hydrogène. Le dioxyde de soufre consommé est alors reconstitué par la décomposition haute température de l’acide sulfurique. Ce cycle est très simple dans son principe. Son facteur principal de progrès consiste à réduire le voltage qui est couramment de 0,6 V, alors que, théoriquement, 0,17 V suffisent. Bien qu’utilisant de l’énergie électrique, ce qui est économiquement pénalisant, ce cycle reste prometteur. Des calculs situent le rendement de ce pro- cédé entre 37 et 41 % [6].

Cycle hybride soufre-brome d’Ispra

(1) SO2(gaz) + 2 H2O(liquide) + Br2(liquide) => 2 HBr(gaz) + H2SO4

(aqueux) (77 °C)

(2) H2SO4(gaz) => H2O(gaz) + SO2(gaz) + 0.5 O2(gaz) (850 °C)

(3) 2 HBr(aqueux) => H2(g) + Br2(aqueux) par électrolyse (77 °C)

Dans ce cycle hybride, l’électrolyse ne concerne pas la réac- tion de formation de l’acide sulfurique, comme pour le cycle hybride du soufre, mais permet d’effectuer la dissociation du bromure d’hydrogène en phase aqueuse pour produire l’hy- drogène. Le voltage théorique pour cette dissociation est de 1,066 V à la température ambiante. Comme le rendement thermodynamique d’une installation est le rapport du travail récupérable par la recombinaison de H2et O2, aux énergies apportées (chaleur et travail sous forme électrique), ce haut voltage est pénalisant pour obtenir de bons rendements. Cependant, celui-ci peut être abaissé à condition d’effectuer l’électrolyse à plus haute température (voir l’électrolyse à haute température). L’autre inconvénient de ce cycle est la toxi- cité du brome.

Cycle iode-soufre

Le cycle iode-soufre [7] est aujourd’hui considéré par l’en- semble des équipes l’ayant étudié comme le cycle thermochi- mique potentiellement le plus intéressant pour produire de l’hy- drogène. C’est un cycle essentiellement chimique. Le CEA étudie ce cycle depuis 2003, afin d’évaluer son efficacité et sa rentabilité. Ces études sont effectuées en collaboration avec

des équipes américaines comprenant « General Atomics », « Sandia National Laboratory » et l’université du Kentucky. Des accords de collaboration ont aussi été établis avec des équipes japonaises du JAEA et, en Europe, grâce au projet de recherche HYTHEC. Ce cycle consiste à effectuer les trois réactions suivantes :

(1) SO2(gaz) + I2(solide) + 2 H2O (liquide) => H2SO4+ 2 HI (120 °C)

(2) 2HI (gaz) => H2(gaz) + I2(gaz) (450 °C)

(3) H2SO4(gaz) => H2O(gaz) + SO2(gaz) + 0.5 O2(gaz) (850 °C)

La réaction (1), ou « réaction de Bunsen stoechiométrique », n’est pas spontanée, même à la température de 120 °C pour laquelle les réactifs et les produits sont tous fluides (tempéra- ture de fusion de l’iode : 114 °C). Pour rendre favorable ther- modynamiquement cette réaction et déplacer l’équilibre vers la droite, il faut ajouter de l’eau pour diminuer l’enthalpie libre de la réaction par dilution des acides H2SO4et HI. Par ailleurs, « General Atomics » a démontré, dans les années quatre- vingt, que l’ajout d’iode entraînait leur démixtion en une solu- tion aqueuse d’acide sulfurique au-dessus d’une solution aqueuse d’acide poly-iodhydrique (fig. 93).

Fig. 93. Produits de la réaction de Bunsen : l’acide sulfurique (phase la plus légère) est au-dessus de l’acide poly-iodhydrique (phase la plus lourde). Le schéma de principe du procédé est représenté figure 94. HI H2SO4 (aq) H2SO4 Décomposition H2SO4 Distillation Chaleur T ~ 120 °C T ~ 850 °C T ~ 450 °C Réaction de Bunsen

16H2O+9I2+SO2(H2SO4+4H2O)+(2HI+10H2O+8I2) HI Décomposition HI Distillation H2O H2 O2

La réaction de Bunsen optimisée par « General Atomics » (fig. 94) est très exothermique. Pour limiter cette perte d’éner- gie, pénalisante pour le rendement, une solution consiste à diminuer les quantités d’eau et d’iode engagées dans la réac- tion. L’inconvénient de cette solution est qu’elle favorise la for- mation des produits parasites tels que le soufre et H2S selon les réactions suivantes :

H2SO4+ 6 HI => S + 3 I2+ 4 H2O

H2SO4+ 8 HI => H2S + 4 I2+ 4 H2O

Après séparation des deux acides non miscibles, il est néces- saire d’extraire HI de la solution aqueuse d’acide poly-iodhy- drique (2HI+8I2+10H2O) pour effectuer la réaction de décom- position (2). Ces deux étapes sont encore aujourd’hui mal maîtrisées, du fait de la présence d’un mélange azéotro- pique* dans le ternaire HI-I2-H2O qui complique la séparation de l’acide iodhydrique et de l’eau, auquel s’ajoute la difficulté à décomposer HI en I2et H2en phase vapeur, ce processus étant très lent et partiel. Pour remédier à ces difficultés plu- sieurs solutions ont été proposées :

• La solution préconisée par « General Atomics » consistait à utiliser de l’acide phosphorique pour permettre la démixtion de l’iode et déshydrater en partie la solution aqueuse d’acide iodhydrique. Cette déshydratation partielle permet ainsi de casser l’azéotrope, rendant possible la séparation de l’acide iodhydrique et de l’eau. Cet acide est ensuite liquéfié sous pression pour subir une décomposition catalytique permet- tant d’obtenir l’hydrogène et l’iode en phase liquide qui sont ensuite recyclés ;

• la solution proposée par JAEA comporte, avant l’étape de distillation classique, une étape d’électrodialyse, dont le résultat est de concentrer l’acide iodhydrique dans la phase aqueuse d’acide poly-iodhydrique, en espérant dépasser l’azéotrope. L’hydrogène est ensuite produit en utilisant une membrane réactive permettant d’effectuer la dissociation de HI et la séparation de I2et H2;

• la solution du RWTH (Aix-la-Chapelle, Allemagne) consiste à produire de l’hydrogène en une seule étape, en effectuant une distillation réactive de la solution aqueuse d’acide poly-iod- hydrique. Cette distillation consiste à réaliser des équilibres liquide-vapeur en solubilisant, au fur et à mesure, l’iode formé par la décomposition de HI. Cette solution est considérée actuellement comme étant promet- teuse par le CEA et GA.

Le rendement thermodynamique estimé de ce cycle, à partir de la réaction de Bunsen optimisée par GA, de la distillation réactive et de la décomposition de H2SO4présentées plus haut, est de 35 %.

Pour améliorer ces rendements, le CEA conduit des recherches sur la stoechiométrie des réactifs initiaux de la réaction de Bunsen, afin de trouver le meilleur compromis entre la thermodynamique, la séparation des phases, la perte d’énergie, et de réduire l’énergie nécessaire à la concentra- tion de HI par évaporation de l’eau et séparation de l’iode (fig. 95).

Des efforts importants sont faits pour acquérir des données expérimentales qui, compte tenu du caractère corrosif de ces milieux, nécessite des techniques de mesure non intrusives

Fig. 95. Le réacteur B0 mis en œuvre au département de physico- chimie permet de visualiser la séparation des phases produites par la réaction de Bunsen, ainsi que la quantification de la composition des phases en équilibre (voir, à titre d’exemple, la figure 96).

0 10 20 30 40 50 0 5 1 0 1 5 20 2 5 30 n(H2O ) (mole s) [I] [S ] [H+ ] [H2O ] 0 1 0 2 0 3 0 4 0 5 0 0 5 10 15 20 25 30 n(H2O ) (mole s) [I] [S ] [H+ ] [H2O ]

Fig. 96. Quantités totales d’iode, soufre, protons et eau mesurées dans la phase HIx (à gauche) et dans la phase sulfurique (à droite) obtenues en mélangeant HI/H2SO4/I2/H2O = 2/1/2/n (proportions molaires) à 303°K.

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(UV visible, spectrophotométrie, ICP-AES, spectroscopie IRTF, diffusion Raman spontanée…) pour déterminer la com- position des liquides et des gaz.

Les résultats obtenus jusqu’ici semblent indiquer qu’il existe probablement des marges pour réduire la quantité d’iode ; ces marges sont plus incertaines pour la réduction de la quantité d’eau, du fait de l’apparition de réactions parasites conduisant à des espèces réduites et indésirables du soufre.

Par ailleurs, des études portant sur l’utilisation de membranes réactives, afin d’améliorer la dissociation de HI, sont actuelle- ment en cours. Elles constituent un facteur de progrès impor- tant pour le cycle iode-soufre. Grâce à ce programme de recherche, le CEA vise des rendements pouvant aller jusqu’à 50 %.

Références

[1] Pourquoi l’hydrogène ?, Association française de l’hydrogène, www.afh2.org.

[2] J.-M. BORGARDet S. GOLDSTEIN, support formation Hydrogène et

pile à combustible, INSTN, 2004.

[3] G. RODRIGUEZet T. PINTEAUX, « Studies and design of several sce-

narios for large production of hydrogen by coupling a high tempera- ture reactor with steam electrolysers », proceedings de la 1reEHEC, 2003, Grenoble.

[4] J.E. FUNKand R. REINSTROM, « Energy requirements in the pro-

duction of hydrogène from water », Industrial and Engineering Chemistry Process Design and Development, 5, 1966, p. 336-342.

[5] J.E. FUNK, « Thermochemical hydrogen production : past and pre-

sent », International Journal of Hydrogen Energy, 26, 2001, p. 185-

190.

[6]. G. BEGHI, « A decade of research on thermochemical hydrogen

at the Joint Research Centre, Ispra », International Journal of hydro- gen Energy, 11, 1986, p. 761-771.

[7] M. SAKURAIet al., « Preliminary process analysis for the closed cycle operation of the iodine-sulfur thermochemical hydrogen pro- duction process », International Journal of hydrogen Energy, 24,

1999, p. 603.

Bibliographie

GOLDSTEIN(S.), VITART(X.) et BORGARD(J.-M.), « General comments

about the efficiency of iodine-sulfur cycle coupled to a high tempera- ture gas-cooled reactor », Nuclear Production of hydrogen, OECD,

Argonne, USA, 2-3 October 2003, p. 85-98.

VITART (X)., BORGARD (J.-M.), GOLDSTEIN (S.) et COLETTE (S.),

« Investigation of the I-S cycle for massive hydrogen production », Nuclear Production of hydrogen, OECD, Argonne, USA, 2-3 October

2003, p. 99-109.

Jean-Louis FLÈCHE

Département de physico-chimie

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