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L’exemple du HTTR

Dans le document Réacteurs nucléaires à caloporteur gaz (Page 51-56)

L’analyse de la première criticité du HTTR a été proposée comme exercice d’intercomparaison de calculs au sein d’un groupe de travail de l’AIEA. Les premiers calculs réalisés en aveugle par les différents pays ont tous surestimé la réactivité du cœur et présentaient une grande dispersion des résultats : 10 à 17 colonnes combustibles étaient nécessaires pour diver- ger, contre 19 dans la réalité[3]. Cela a mis en évidence les difficultés de modélisation des RHT, quelle que

soit la méthode employée, déterministe (en théorie du transport et de la diffusion), ou pro- babiliste (avec un code de « Monte Carlo »). Après un ajustement des données expérimen- tales (teneurs en impureté dans le graphite, première divergence en air et non en hélium), les participants à l’exercice ont effectué un tra- vail d’analyse des écarts et de leurs modélisa- tions. Ce long travail, soutenu par la commu- nauté européenne, a abouti à une deuxième série de résultats en nets progrès[4].Les cal- culs présentés sur la figure 39 montrent l’im- pact du raffinement de la modélisation (prise en compte des hétérogénéités, du streaming…) sur la prédiction du nombre de colonnes néces- saires à la première divergence.

Les conclusions générales font apparaître que, pour la configuration du cœur plein (30 colonnes), il existe un bon accord entre les résultats des calculs déterministes, probabi- listes et l’expérience. En revanche, des écarts apparaissent sur les configurations intermé- diaires (24 colonnes, par exemple). Dans la

Fig. 39. Réactivité du HTTR en fonction du nombre d’éléments combustibles.

Nombre de colonnes combustibles

Diffusion 8 groupes-combustible homogène – modèle fuites homogènes Diffusion 8 groupes-combustible homogène – modèle fuites hétérogènes Diffusion 8 groupes-combustible hétérogène – modèle fuites homogènes Diffusion 4 groupes-combustible hétérogène – modèle fuites hétérogènes Monte Carlo

Réacteur HTTR

Coefficient de m

ultiplication eff

ectif

Fig. 38. Géométrie de calcul et nappe de flux thermique calculée pour le réacteur HTTR. Sur la figure centrale, on retrouve les élé- ments combustibles chargés avec leurs compacts contenant eux mêmes les particules ainsi que les éléments de contrôle, présents dans le cœur et le réflecteur, pouvant recevoir les barres de com-

mande*.

Géométrie Flux

configuration annulaire (18 colonnes) proche de la première criticité, les calculs continuent, mais dans une moindre mesure, à surestimer la réactivité par rapport à l’expérience. Les codes de « Monte Carlo » prédisent, au mieux, un cœur

critique* avec 18 colonnes, c’est-à-dire avec environ 600 à

800 pcm d’excès de réactivité. Les hypothèses avancées pour expliquer ces écarts sont, hormis les incertitudes expéri- mentales (impuretés, mesures de réactivité…), le traitement de la géométrie aléatoire (particules dans les compacts) et la précision des sections efficaces, de manière générale. Les calculs de diffusion neutronique en 3D réalisés sur un cœur de configuration annulaire présentent eux-mêmes un écart de l’ordre de 900 pcm avec les calculs de « Monte

Fig. 40. Détails axial et radial des hétérogénéités du HTTR. Dans chaque élément combustible on retrouve, les compacts annulaires (rouge) comprenant les particules combustibles, les deux poisons consommables (vert) et un emplacement vierge (bleu). L’élément de contrôle possède trois canaux pour accueillir deux barres de B4C de forme annulaire.

Carlo » et mettent en évidence les limites d’application d’un schéma de calcul déterministe à deux étapes basé sur un cal- cul de transport au niveau de l’élément combustible et sur un calcul de diffusion au niveau du cœur. Cependant, les difficul- tés rencontrées sur cette configuration annulaire du HTTR ne

Élément combustible

Compact combustible

Particule combustible

Géométrie aléatoire Exemple de géométrie ordonnée Géométrie homogène

Fig. 41. Exemple d’applications du code TRIPOLI4 pour modéliser les combustibles à particules des HTR. Différentes représentations du milieu aléatoire ont été testées : distribution aléatoire, réseau hexagonal resserré ou non, réseau cubique, milieu homogène utili- sant les sections efficaces fournies par APOLLO2. D’une manière générale, la répartition aléatoire des matières dans le cœur ne doit pas avoir d’influence sur le résultat du calcul neutronique si la taille

caractéristique des hétérogénéités est petite devant tous les libres parcours moyens (diffusion, fission, capture), ce qui est le cas en général à l’échelle des particules combustibles ; On attend au contraire une influence si la taille caractéristique des hétérogénéités devient comparable à un de ces libres parcours moyens. C’est le cas à l’échelle des boulets ou des compacts des réacteurs RHT.

sont pas directement transposables aux autres réacteurs de la filière (GT-MHR, PBMR…). En particulier, le cœur annulaire de démarrage, très hétérogène, peu épais et comportant un réflecteur central avec un grand nombre d’éléments « troués » maximisant l’effet de streaming (fig. 40), n’est pas représenta- tif d’un réacteur de puissance. Le HTTR restera par-là même une référence en termes de difficultés de modélisation. Des études similaires sur la répartition des boulets combus- tibles dans le cœur du PBMR ont montré que l’utilisation de réseaux ordonnés est à considérer avec précaution. Le res- pect à la fois du taux de vide et des proportions respectives des différents types de boulets (combustibles, purement gra- phite, éventuellement poison consommable…) rend complexe cette approche. Elle peut produire des canaux de fuites préfé- rentielles aux neutrons (colonnes de gaz entre les sphères) et ne permet pas de prendre en compte un gradient de taux de remplissage au voisinage du réflecteur.

L’interprétation récente avec Tripoli 4 de l’expérience ASTRA met en évidence une forte dépendance de la position des bou- lets absorbants dans le cœur conduisant à des écarts de réac- tivité dépassant largement l’incertitude statistique de la modé- lisation « Monte Carlo » proprement dite (fig. 42).

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La neutronique des RHT

Face aux géométries aléatoires, il n’existe plus de calcul de référence représentatif d’un cœur. Même avec un calcul neu- tronique numériquement parfait, chaque « tirage » particulier de la géométrie du cœur donnerait un résultat de réactivité dif- férent. La fourchette de réactivité liée à tous les tirages pos- sibles de la géométrie aléatoire est dépendante de la concep- tion du cœur et non de la finesse du calcul. Comment estimer cette réactivité et son incertitude ? La simulation « Monte Carlo » est, sans doute, un outil prometteur pour la physique

du cœur, mais la meilleure façon de l’utiliser pour décrire la géométrie des combustibles et des cœurs de RHT reste aujourd’hui à identifier. Elle sera probablement le résultat d’un compromis entre, d’une part, la facilité de saisir cette géomé- trie dans les codes de « Monte Carlo », en un temps de cal- cul raisonnable, et, d’autre part, des résultats acceptables, associés à une incertitude maîtrisée et en accord avec des expériences de validation.

Les méthodes de « Monte Carlo » et les géométries stochastiques des RHT

Appliquée à la neutronique des cœurs de réacteurs, la méthode de « Monte Carlo » est la seule méthode qui permette la réso- lution de l’équation de Boltzmann dans toute sa généralité. Le calcul prend en compte le caractère aléatoire de la trajectoire des neutrons dans le cœur du réacteur, en respectant les lois de probabilité des différentes variables aléatoires (chocs, libre parcours moyen…), par la simulation d’un très grand nombre d’histoires de neutrons. Dans le cas de réacteurs à haute tem- pérature, caractérisés par un combustible dispersé, le calcul « Monte Carlo » doit également prendre en compte le caractère aléatoire de la répartition des matières dans le cœur (fig. 41).

Les deux niveaux aléatoires évoqués ci-dessus doivent être trai- tés différemment, car ils sont de nature différente : pour une géo- métrie de cœur fixée, connue, la réactivité du cœur est parfaite- ment définie. Le caractère aléatoire des histoires de neutrons crée une incertitude de nature statistique sur cette réactivité, mais cette incertitude peut, en principe, être réduite jusqu’à des niveaux aussi bas qu’on le souhaite, en augmentant le nombre d’histoires de neutrons. Le caractère aléatoire des trajectoires neutroniques ne reflète pas une réalité physique, car un nombre très élevé de neutrons diffusent, en réalité, simultanément dans le cœur. En revanche, le caractère aléatoire de la géométrie du cœur reflète une réalité physique, car cette géométrie ne subit qu’une seule réalisation à la fois. La fourchette des réactivités engendrées par toutes les géométries possibles est un résultat de calcul qui caractérise le cœur. La largeur de cette fourchette ne dépend pas de la finesse du calcul et n’est pas réductible à une incertitude statistique. Cette incertitude sur la géométrie détaillée du cœur est une incertitude physique réelle, qui intro- duit une incertitude sur la prévision de la réactivité. Il est, bien sûr, primordial de la quantifier.

Diverses possibilités de traitement numérique de la géométrie aléatoire des RHT sont accessibles aujourd’hui dans les codes de « Monte Carlo » :

• Réalisation de représentations explicites de la géométrie aléatoire

1. Soit par une utilisation des réseaux ordonnés (cubique faces centrées, hexagonal…) pour décrire la position des sphères dans l’espace ;

2. soit en utilisant un générateur de géométrie aléatoire (qui sous entendra, bien sûr, la répétition d’un grand nombre de

simulations). Ce générateur peut indifféremment être externe ou interne au code. Le code américain MCNP propose, par exemple, des déformations du réseau ordonné (dans le cas d’un réseau cubique, une position aléatoire est affectée à la sphère combustible dans son cube élémentaire).

• Réalisation d’une description statistique de la géométrie

La géométrie se construit au fur et à mesure du suivi de l’his- toire du neutron dans le milieu contenant une répartition aléa- toire d’hétérogénéités (code japonais MVP). Recours à une approche homogène.

Que ce soit pour représenter des particules combustibles dans une matrice de graphite ou bien des boulets combustibles dans une cavité de cœur de réacteur, cette dernière approche s’avère trop grossière pour être utilisée en moyennant purement et sim- plement les sections efficaces des différents noyaux du milieu.

Cependant, une option consistant à utiliser des sections effi- caces homogénéisées de la matrice graphite avec ses parti- cules, produites au préalable par des calculs de transport déter- ministe multigroupe* (code APOLLO2), s’avère prometteuse. Cette option est rendue possible dans la mesure où la descrip- tion des milieux à particules existe déjà dans APOLLO2 et parce que le code « Monte Carlo » TRIPOLI4 peut simuler simultané- ment, dans un même calcul, des régions traitées en approxima- tion multigroupe et d’autres traitées avec une représentation très fine des sections efficaces (énergie continue). Cette approche a été confrontée à l’expérience, d’une part, sur les réacteurs de test HTTR et HTR-10, et, d’autre part, sur l’expérience critique PROTEUS. Ces calculs TRIPOLI4 ont été comparés aux autres modélisations de réseaux ordonnés et de géométries aléatoires. Un bon accord a pu être observé entre l’expérience et ces diverses modélisations. L’ensemble des résultats montre que l’utilisation d’une géométrie ordonnée peut s’avérer, dans la majeure partie des cas, représentative de la géométrie aléatoire des particules combustibles du RHT. Cependant, il est difficile de généraliser cette approche à tous les types de configurations envisageables : différentes tailles des particules, différents taux d’occupation volumique, type de combustible, enrichissement et taux de combustion… et chaque nouveau cas nécessiterait, en réalité, une confirmation.

Fig. 42. Simulation de l’expérience ASTRA à l’aide du code TRI- POLI4. Le cœur contient trois types de boulets (de 6 cm de dia- mètre) : uranium (gris), graphite (noir) et carbure de bore (rouge). Les deux tirages de la géométrie aléatoire ci-dessous conduisent à des écarts de réactivité très importants, de l’ordre de 400 pcm, alors que l’incertitude statistique sur le calcul neutronique de la réactivité de chaque géométrie n’excède pas 30 pcm pour un calcul typique réalisé avec 10 millions de neutrons. Les variations du spectre de neutrons thermiques vu par les sphères absorbantes plus ou moins proches du réflecteur expliquent ces écarts de réactivité. Ceux-ci doivent être interprétés comme intrinsèques à la conception du cœur et existent réellement dans ce type de réacteur à boulets. Seuls des calculs de type « Monte Carlo » sont capables de les mettre en évidence.

Références

[1] H. CHANG, F. DAMIAN, Y. K. LEE, X. RAEPSAET, J. XINGQING, Y.YONGWEI, –

« Treatment of Stochastic Geometry in Pebble Bed Reactor with Monte Carlo Code Tripoli-4.3 » – Conférence HTR-2004, 22-24 septembre,

2004.

[2] L. BRAULT, F. DAMIAN, C. GARAT(FRA-anp), J.-C. KLEIN(CEA),

A. MAZZOLO, C. POINOT, X. RAEPSAET, S. SANTANDREA, – « GT-MHR

Core Modelling: From Reference Modelling Definition in Monte-Carlo Code to Calculation Scheme Validation » – Conférence PHYSOR

2004, 25-29 avril, 2004.

[3] « Évaluation of High Temperature Gas Cooled Reactor

Performance : Benchmark Analysis Related to Initial Testing of the HTTR and THR-10 » – IAEA-TECDOC-1382.

[4] H.J. BROCKMANN, F. DAMIAN, J.B.M. DE HASS, U.A. OHLIG,

X. RAEPSAET, E.M. WALLERBOS, « Analysis of the European Results

on the HTTR’s Core Physics Benchmarks » – Nuclear Engineering & Design, 222, (2003), p. 173-187.

Xavier RAEPSAET

Dans le document Réacteurs nucléaires à caloporteur gaz (Page 51-56)