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Combustibles avancés et nouvelles céramiques pour les très hautes températures

Dans le document Réacteurs nucléaires à caloporteur gaz (Page 84-88)

L’

accès à des températures supérieures à 850 °C est un objectif minimal des RHT. À titre d’exemple, la température de sortie de cœur du réacteur expérimental japonais HTTR vient d’être portée, après modification, à 950 °C. Des niveaux de température de 950 °C ont d’ailleurs été déjà atteints par le réacteur allemand AVR, pendant les années 1983-1985, dans de très bonnes conditions, en particulier de rétention des pro- duits de fission par le combustible. Il s’agissait, en l’occurrence, de combustible particulaire TRISO* UO2ou (Th,U)O2, condi- tionné en boulets de 6 cm de diamètre environ, avec, cepen- dant, une puissance spécifique limitée, de l’ordre de 2,5 à 3 MWth/m3de cœur [1].

Nous avons vu que les réacteurs du futur affichent des ambi- tions allant au-delà en termes de température de sortie. À moyen terme, les 1 000 °C pourraient être atteints et dépas- sés, moyennant des sauts technologiques sur les matériaux. Il en va de même de la densité de puissance. La raison en est l’intérêt de construire des unités de la plus grande puissance possible, dans un volume donné (en l’occurrence, une cuve métallique).

Même si la conception du combustible à particules reste identique pour le RHT et pour le RTHT, la combinaison d’une température et d’une densité de puissance augmentées, la recherche de taux de combustion de plus en plus élevés affecte le combustible de deux façons. Sa température maxi- male se trouve accrue et les gradients thermiques auquel il peut être soumis sont plus élevés.

Les conséquences sont de plusieurs ordres :

1. Les risques de relâchement des gaz de fission par le noyau s’en trouvent augmentés ;

2. La production d’oxydes de carbone CO et CO2par réaction

des couches carbonées entourant le noyau fissile d’oxyde avec les atomes d’oxygène rendus libres par les fissions augmente avec le taux de combustion ;

3. L’équilibre mécanique des couches et son évolution dans le temps se trouvent modifiés par la pressurisation interne due aux gaz confinés dans la particule, mais aussi par la ciné- tique de fluage et de densification des pyrocarbones* (PyC), qui dépend de la température ;

4. La diffusion des espèces est exacerbée par le niveau de température, en particulier pour le carbone et les produits de fission ;

5. Les marges à l’endommagement de la vraie barrière aux produits de fission que constitue la couche dense de car-

bure de silicium, en situation accidentelle, en particulier,

se trouvent diminuées, tandis que l’inventaire à confiner augmente avec les taux de combustion.

Le combustible TRISO serait déjà presque satisfaisant pour le RTHT. Cependant, même s’il a déjà montré dans le passé un bon comportement à haute température, l’« effet amibe » (fig. 68) et / ou la migration diffusive de certains produits de fission limitent les performances du combustible. C’est pour- quoi on recherche pour le RTHT un combustible encore amé- lioré.

Deux modifications du combustible à particules sont pro-

posées pour trouver des solutions à l’« effet amibe », d’une part, et au recouvrement de marges en température en situa- tion accidentelle, d’autre part.

Le composé oxycarbure d’uranium dit « UCO » (en fait, un diphasé UO2-UC2) est proposé en remplacement de l’oxyde simple pour réaliser les noyaux des particules com-

bustibles. On compte sur le fait que le carbone présent dans

Fig. 68. Mise en évidence de l’« effet amibe ». Observé dans le com- bustible à particules enrobées porté à haute température, l’« effet amibe » est le déplacement du noyau UO2dans le tampon poreux, jusqu’au contact du PyC interne, pouvant induire la rupture de la particule.

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Combustibles avancés et nouvelles céramiques pour les très hautes températures

Fig. 69. Isothermes U-O-C calculées.

Fig. 70. Le diagramme de phases Zr-C.

0 0 1 0 2 0 3 0 4 0 5 0 6 0 7 0 8 0 9 1 0 0 0 2 0 4 0 6 0 8 1 0 % at. O U2C3+UO2+C U-BCC +UO2 +UC1-xOx UO2+gas+C 0 0 1 0 2 0 3 0 4 0 5 0 6 0 7 0 8 0 9 1 0 0 0 2 0 4 0 6 0 8 1 0 % at. O liq+ UO2+ UC1-xOx UO2+ UC1-xOx+ gaz UC1-xOx+ C + gaz T = 1273 K C O U C O U T = 2273 K % at. U % at. U (C) 0 0 10 10 20 30 40 50 70 100 20 30 40 50 60 70 80 90 100 500 863°C 1855°C 3540°C 3827°C 2027°C 46.5 49.6 1805°C 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 Zr (Sublimation) Masse % carbone at. % carbone Liquide T (°C) C le noyau limite la production d’oxyde de carbone dans le milieu

très poreux qui entoure le noyau, via l’équilibre UC2+ 2CO ↔ UO2+ 4C , avec des conséquences favorables sur la pressu- risation de ce milieu (et les sollicitations mécaniques de la bar- rière de confinement dense). La coexistence des deux phases doit également permettre de réduire les phénomènes de transport du carbone en phase gazeuse, et donc d’inhiber l’« effet amibe ». De tels effets favorables ont été démontrés dans le passé, même si les mécanismes ne sont pas totale- ment compris. Le mélange UO2+UC2est la solution la moins révolutionnaire imaginée, en particulier, pour les aspects fabri- cation, mais d’autres matériaux ont été proposés et testés.

Un préalable indispensable à l’élaboration contrôlée et à l’uti- lisation d’oxycarbures est la détermination du diagramme de phases ternaires U-O-C. Une première base de données ther- modynamiques a été constituée au CEA, qui repose sur la modélisation des binaires (U-O) et (U-C), ainsi que sur l’opti- misation de paramètres d’interaction ternaires pour représen- ter les données expérimentales disponibles sur les domaines de composition des oxycarbures. Un bilan des données expé- rimentales manquantes a été fait (limite de solubilité de l’oxy- gène dans le dicarbure d’uranium, température d’apparition du dicarbure stabilisé par l’oxygène, données d’activité et/ou d’enthalpie des oxycarbures…) et un programme expérimen- tal (à base de spectrométrie de masse à haute température) entrepris.

La figure 69 représente le résultat de ce travail, sous forme de coupes isothermes.

Le carbure de zirconium pourrait remplacer le carbure de sili- cium comme barrière aux produits de fission. Il possède une faible section efficace d’absorption de neutrons, quoique supé- rieure à celle du SiC, et une densité importante. Le ZrC, com- posé défini à fusion non congruente, fond à 3 540 °C, mais se décompose par fusion péritectique à 2 545 °C en donnant naissance à du graphite et à un liquide contenant 27 % de car- bone (fig. 70). Il commence à se sublimer vers 1 800 °C, la sublimation devenant significative dès 2 000 °C (sous atmo- sphère neutre ou réductrice).

, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Le ZrC apporte donc une marge évidente, par rapport aux 1 600 °C maintenus quelques dizaines d’heures, qui représen- tent la situation accidentelle de référence pendant laquelle le relâchement des éléments radiotoxiques doit rester très faible. Il est susceptible d’apporter, en plus, à température égale : • Une résistance chimique au palladium (produit de fission)

nettement meilleure que celle du SiC, qui réagit sensiblement et est affecté d’une sorte de « corrosion ». Ainsi, on a pu montrer que le ZrC, en présence de palladium en phase vapeur restait intact jusqu’à des températures de 1 900 °C [2] ;

• une rétention accrue du césium, du strontium, du baryum, de l’iode, du xénon et du krypton ;

• une présomption de meilleure rétention de l’argent (un des éléments les plus mobiles dans le SiC [3] ;

• certaines recherches ont également montré que le carbure de zirconium, en plus d’être une barrière à fort potentiel, est susceptible d’agir comme piège pour l’oxygène (2CO+ZrC→ZrO2+3C) et, du même coup, d’avoir un impact

L’intérêt de la rétention du palladium et de l’argent est de pre- mier plan. Ce bilan très positif doit cependant être pondéré par deux éléments. D’une part, certains produits de fission sont moins bien retenus (le ruthénium et le cérium [5] ), et, d’autre part, le ZrC a un comportement à l’oxydation moins favorable que le SiC qui se couvre d’une couche protectrice de silice. Cet aspect est à prendre en compte dans certaines situations dégradées en réacteur, ou encore à l’aval du cycle.

Le dépôt de ZrC est réalisé par une technique classique de dépôt en phase vapeur à partir d’un mélange de tétrachlorure de zirconium et de précurseurs de carbone (du propylène et du méthane dilués dans l’hydrogène). Le dépôt est réalisé sur un lit fluidisé de particules portées à une température de l’ordre de 1 300 °C (fig. 71). Les résultats expérimentaux actuels sont encourageants, mais encore perfectibles en termes de porosité et de stœchiométrie (fig. 72).

Ces évolutions des matériaux de la particule « TRISO » doi- vent, à l’évidence, faire l’objet de recherches complémentaires pour optimiser la conception de la particule et améliorer les techniques de fabrication et de contrôle. Il faudra aussi affiner la spécification de l’« UCO » qui est un composé polyphasé, ainsi que la définition et la maîtrise de la stoechiométrie du ZrC, qui n’est pas un composé défini. Il faudra, enfin, acqué- rir des données supplémentaires de comportement des pro- duits de fission dans l’« UCO » et dans le ZrC pour consoli- der la compréhension des mécanismes de leur migration [6] et confirmer leur bon comportement sous irradiation.

Références

[1] A. W. MEHNER, H. NABIELEK, H. NICKEL, G. POTT, « Long time expe-

rience with the development of HTR fuel elements in Germany », Nuclear Engineering and Design, 217 (2002), Pages 141-151.

[2] K. MINATO, T. OGAWA, « Research and Development of ZrC-coated

Particle Fuel, » Proceedings of Global 2003 (ANS, New Orleans,

November 16-20), p. 1068.

[3] A. S. CHERNIKOVet al., « Fission products diffusion in fuel elements materials for HTGR », Proc. IAEA Specialists meeting on fission pro- ducts release and transport in gas cooled reactors, Berkeley,

October 22-25, 1985, IAEA IWGGCR/13, Vienna, Pages 170-181 (1986).

[4] R.E. BULLOCK, J.L. KAAE, « Performances of coated UO2particles gettered with ZrC », J. of Nucl. Mat. 115 (1983), Pages 69-83.

[5] J. HOMAN, D. A. PETTI, HTR/Eurocourse 2002, Cadarache,

November 4-8, 2002, organisé par la Communauté européenne et le

CEA.

[6] H. J. MACLEAN, R.G. BALLINGER, Global, 2003, p. 525.

Philippe MARTIN,

Département d’études des combustibles

Fig. 71. Chlorinateur pour la synthèse de tétrachlorure de zirconium, précurseur du Zr dans la technique de dépôt de ZrC par dépôt en phase vapeur. Le tétrachlorure de zirconium est préparé par attaque de poudre de Zr par HCl.

Fig. 72. Coupe d’un dépôt de ZrC réalisé au CEA sur des noyaux simulants, à base de zircone enrobée dans du pyrocarbone.

Dans le document Réacteurs nucléaires à caloporteur gaz (Page 84-88)