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Ne risque-t-on pas de se perdre en pourquoi stériles ?

Dans le document Marie-Estelle Dupont (Page 172-177)

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facile de s'identifier à la partie idéalisée de soi qu'à notre monde pulsionnel ou nos fragilités. « Quand un tel travail analytique est couronné de succès, le Moi peut alors se délivrer de la tenaille qui le tient prisonnier entre l'orgueil et l'humiliation. Entre la grâce et la chute, il devrait y avoir place pour une co1nn1-une n1-esure1. »

Ne risque-t-on pas de se perdre en pourquoi stériles ?

Je suis entièrement d'accord sur les limites de la compréhension intellectuelle. Une véritable psychothérapie ne doit pas renforcer le n1-ental mais hannoniser le corps, la conscience et le spirituel.

Comprendre ne suffit pas et nous laisse dans l'impasse si la compré-hension est intellectuelle. L'enjeu est de comprendre au sens éty-mologique du terme («prendre avec ») : intégrer, assumer, porter en soi ce qui nous constitue, le bon comme le mauvais, le passé comme le présent, le besoin comme le désir. Comprendre, c'est partir de la plainte et du pourquoi pour arriver au comment et à l' én1-otion. C'est lorsque l'on s'intéresse au « comn1-ent » ( con1-ffient ça m'a affecté, con1-ment je réagis) que la liberté arrive, de son pas léger et amical. Juste en prenant le ten1-ps de revivre des affects refoulés depuis longtemps et de se ren1-ettre en question, de s' aper-cevoir que, peut-être, ce que l'on a toujours cru être important pour nous nous ennuie mortellement et ce que l'on a vécu sans y prêter attention nous a peut-être bouleversés ... Et pour cause, de fil en aiguille, des souvenirs reviennent, des moments inauguraux

1. André Green, La Folie privée, Paris, Gallimard, 1990, p. 335.

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d'une peur ou d'un comportement refont surface, un rêve cou-ronne le tout et un pan de soi s'en trouve réintégré.

S'enfermer dans le pourquoi, c'est éviter le constat des faits psychi-ques bruts. Reconnaître tel désir, reconnaître la violence en nous, l'envie, la haine, n'est pas facile. Il est rassurant d'avoir une explica-tion, surtout si l'explication permet de situer la cause un peu à l' exté-rieur de soi : la violence absorbée dans l'enfance, les carences. . . À n'est pas une vaine tentative de retrouver le « début » chronologique ou une prétendue cause expliquant «tout». Il s'agit de discerner derrière ce qui fait souffrir répétitivement, l'architecture de notre fonctionnement. Qu'ai-je fait, comment ai-je reçu, comment ai-je interprété et repris les attentes de mon père, de n1a n1ère, leurs angoisses ? J'ai fait quoi avec l'interdit de vivre pour moi transnns par ma n1ère et la peur viscérale d'échouer de n1on père ? Ou encore : qu'ai-je fait de l'in1pératif paternel « marche ou crève », couplé à l'obligation n1aternelle d'être toujours une jeune fenune polie, dis-crète et souriante ? Où est-ce que ça n1e fragilise, où est-ce que ça m'empêche de me traiter dignement, en me laissant de l'espace pour repérer mon désir propre ? Suis-je réellen1ent apte à n1' en défaire, ou est-ce que, de façon n1asquée, je continue d'essayer d'obéir à mes deux parents intériorisés ? Autant de questionnements qui favorisent la prise de distance et rendent un nouveau choix possible. Selon

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notre personnalité, notre sensibilité, notre situation présente, notre état physique et notre histoire, les réponses à ces questions peuvent s'accompagner d'émotions brutales, intenses, qu'il est bon de ne pas vivre seul, et que le conjoint ou les amis ne peuvent porter ni élucider.

Une jeune patiente me disait récenmîent : «Je crois que je voulais trouver des coupables plutôt que de m'apercevoir que, quels qu'aient été nîes parents, il y aurait eu en nîoi de l'agressivité et de la sexua-lité. Avec vous, je conîprends qu'on est tous des hunîains, et nîême si ce n'est pas plaisant, c'est moins dur,j 'ai moins honte. Merci, parce que j'aurais pu me perdre en récrinunations contre ma nîère et ça ne m'aurait pas rendue plus libre. » Voilà. Il y avait eu le temps du droit de regard, de la reconnaissance (« Ça vous a manqué, vous avez souffert de ça»), et puis le tenîps de larguer les anîarres ... Il faut la présence du psychothérapeute co1mne ténîoin authentifiant la souf -france du sujet pour que la plainte devienne désir de cicatrisation de la blessure. Plus cette patiente a pu reconnaître combien la person-nalité de son père l'avait conduite, sous couvert d'indépendance, à mépriser profondénîent la gente masculine, moins elle a eu besoin de « tester » son petit ami. Le jour où elle a pu reconnaître que son père l'avait littéralement abandonnée, elle a pu commencer à aimer un homme librement, à écrire une autre histoire.

Nous ne sommes nullement des tables rases à la naissance, progres-sivement abîmées, dégradées par l' environnenîent. Il ne s'agit pas d'éviter le pourquoi mais de rendre à chacun ce qui lui appartient . R endre d'abord à l'histoire familiale, aux carences ou violences ce qui leur revient de notre fragilité, et rendre à nous-mêmes, et en

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nous-mêmes, ce qui tient à notre personnalité, et ce qui tient à la nature hun1aine, capable du meilleur com1ne du pire. Tolérer que la vie ne soit pas en noir et blanc est la condition pour dépasser la dépendance autant que la culpabilité.

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Dans le document Marie-Estelle Dupont (Page 172-177)