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Une écoute qui permet de s'entendre

Dans le document Marie-Estelle Dupont (Page 84-88)

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Une écoute qui permet de s'entendre

L'amitié est essentielle. Ne pas tout faire peser sur elle permet de la préserver. Un ami n'est pas forcén1ent disponible pour tout accueillir, son altérité et sa sensibilité se doivent d'être n1énagées, au risque d'entrer dans une relation fusionnelle dangereuse et vouée à la déception. Malgré sa bonne foi et son intelligence, il projettera ses propres filtres, ses propres névroses, l'image qu'il a de vous car il vous connaît et il n'est pas formé à l'accompagnement.

Le psychothérapeute ne peut donner son affection sans changer de rôle. Il ne peut pas être psychothérapeute et ami, ce serait un abus de pouvoir ! Vis-à-vis de chacun, les psychothérapeutes ont une place et, en matière de relations affectives, le cun1ul des mandats est toujours dangereux. Il conduit à la confusion des rôles et à l'indiffé-renciation. On ne choisit pas un anu con1ffie psy ; et si l'on devient ami avec son psy, on doit changer de psy.

Vos ainis, si intuitifs ou sensibles soient-ils, ne sont pas formés à tout entendre. Certains sujets sont trop douloureux ou délicats pour être abordés avec eux. La honte, la culpabilité, la peur de mettre l'autre mal à l'aise ... Parler à un psychothérapeute, c'est s'offrir la possibilité de dire l' « inavouable » de notre histoire, de nos actes ou de nos ressentis.

- - Quelques définitions ...

Un psychothérapeute pratique une ou plusieurs formes de psychothérapie : psychanalyse, psychothérapie cognitivo-comportementale, psychothérapie de groupe, psychodrame, analyse transactionnelle, etc. Cette formation spécifique à une ou plusieurs formes de psychothérapie doit s'accompagner,

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depuis un décret de 2010, d'un diplôme universitaire : soit de psychiatrie (médecine avec spécialisation), soit de psychologie (master). Cette régle-mentation vise à limiter les risques pour le grand public de tomber sur des charlatans ou des gourous. Elle n'est pas suffisante et n'impose pas aux psychiatres de formation complémentaire pour se dire psychothérapeute, mais elle traduit la nécessité de protéger tant les praticiens que les patients de certaines dérives1.

Le psychologue est titulaire d'un master de psychologie. Il n'est pas médecin, ne délivre pas de médicaments. Sa consultation est en partie remboursée par certaines mutuelles et il est formé au bilan psychologique tant cognitif que de personnalité.

Le psychiatre est médecin, avec une spécialisation en psychiatrie. Il n'est pas formé au bilan psychologique mais pose des diagnostics de pathologie ou de troubles de la personnalité, et peut délivrer des médicaments. Sa consultation est remboursée par la Sécurité sociale.

Ces deux dernières pratiques sont donc complémentaires.

Les proches n'ont pas nécessairement la liberté intérieure, l'aisance nécessaire avec eux-mêmes pour vous aider à assouplir vos propres zones de déni. Le professionnel formé à l'accompagnement p soit-elle, une amie en1pêtrée dans ses névroses ne vous aidera pas à voir plus clair dans le brouillard de votre sentiment de culpabilité

1. Ce décret a été à nouveau modifié en 2012. Voir http:/ /www.legifrance.gouv.fr/

(consulté en n1ars 2015).

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ou de colère. Chacun son rôle. Ne demandez pas tout à vos amis, gardez les bons moments avec eux. Une patiente m'a rapporté un jour cette conversation avec son père, qui ne voyait pas l'intérêt de sa dén1arche. « Pourquoi ne parles-tu pas avec une bonne copine ? lui dit-il. Qu'est-ce qu'elle connaît de toi, ta psy ? Pourquoi ne pas parler à tes amis ? » Elle lui répondit : « Parce que nies anus, papa, au bout d'un moment, ça les emmerde.» Et, s'adressant à moi, elle ajouta : « Les gens ont horreur de se sentir impuissants, ils se sen-tent obligés de dire des banalités.Je n'ai pas envie de me mettre à pleurer chaque fois que je déjeune avec une copine. »

Les amis peuvent aider en conseillant, en compatissant, en analy-sant les situations, en consolant, en riant aussi. La relation amicale est réciproque et peut être pleine d'entraide et de soutien, mais elle est dévoyée si elle devient une relation soignante. Accompagner une dén1arche introspective implique une formation qui ne s'improvise pas. Identifier les risques encourus par un patient, avoir un rôle thérapeutique n'est pas le rôle d'un ami.

- - Et si mon meilleur ami est psy

?

-Votre meilleur ami n'est pas à la bonne place pour vous accompagner. C'est votre meilleur ami. Vous n'êtes pas son patient. Ce qu'il vous dira sera sans doute d'autant plus percutant, tout comme un ami avocat vous donnera bien sûr des conseils très avisés, mais il n'est pas là pour explorer votre fonc-tionnement psychique, votre passé, votre inconscient. Une lumière trop vive aveugle au lieu d'éclairer (il est important de garder cette image en tête lorsque l'on s'adresse à des proches). Un psychothérapeute ne peut pas plus qu'un autre tout entendre quand il est en position d'ami et non de soignant.

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Q) vi envie de faire des heures supplémentaires, recommandez-lui de s'interro-ger sur son syndrome du sauveur ou sur son besoin de contrôle!

Sans le cadre, la parole n'est pas thérapeutique. Le meilleur psycho-thérapeute du monde ne soignera jamais sa propre famille, son conjoint, ses enfants. Il les aidera en tâchant d'être un bon conjoint, un bon père, un frère disponible et franc. Mais ne pas être à sa place, c'est entretenir l'inversion ou la confusion des rôles. Un patron qui se prend pour votre père, un conjoint qui pense savoir ce qui est bon pour vous, une mère qui se confie à son enfant ... Il y a assez de situations de ce genre pour ne pas en rajouter. Il pourra être un soutien essentiel, central, avec des conseils judicieux, une présence bienfaisante pour ses proches, et les aider. Le travail du psychothé-rapeute pourra s'en trouver facilité dans la mesure où il ne sera pas

« tout » pour son patient, qui aura des ressources relationnelles, des appuis à l'extérieur. Mais aucun thérapeute ne peut soigner ses pro-ches. JAMAIS. C'est une illusion terriblement dangereuse qui se paie de lourdes déceptions et parfois de ruptures.

Les patients réalisent rapideni.ent coni.bien est précieux ce rendez-vous avec soi-même, coni.bien parler libère. Il ne s'agit pas de vider son sac ou de se justifier pour que finalement rien ne soit renùs en question. Avoir un espace de parole évite un double écueil : tout intérioriser, ne pas prendre de hauteur, subir, encaisser et toni.ber ni.alade. Ou tout déballer à l'entourage, tous azimuts. Pour pouvoir tout dire, dans un espace très délimité, voilà deux éléni.ents indisso-ciables : sans la liberté de parole, nous serions dans le refoulement et

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le déni de soi ; sans le cadre et les limites, nous sombrerions dans un leurre et un brouhaha de paroles qui ne seraient pas structurantes, n'apporteraient qu'un soulagement fugace et superficiel.

Dans le document Marie-Estelle Dupont (Page 84-88)