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Distinguer« aller de l'avant» et« fuite en avant»

Dans le document Marie-Estelle Dupont (Page 76-81)

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mais un être humain qui, si réfléchi soit-il, a ses zones d'imn1aturité et sa vulnérabilité. Un être humain qui est sans cesse bousculé par le réel. Par conséquent, travailler sur soi, c'est accepter de vivre sans avoir tout réglé, en portant des cicatrices. C'est faire le deuil de tout comprendre, tout réparer, tout réécrire. Avancer, c'est accep-ter qu'il y ait résiduellen1ent de l'incompréhensible, du gâchis, du raté et surtout, surtout, du mystère. Cela permet de vivre plus en paix, sans que cette paix soit de l'inconscience ou du déni.

Une psychothérapie digne de ce non'l permet d'aller de l'avant n'lalgré les marques et les cicatrices, malgré la blessure narcissique d'être un humain linuté, d'être souvent son pire ennemi, d'abriter en soi du mal, de la violence, de l'absurdité, qui ne sont pas l'apa-nage des autres et du monde extérieur. L'être humain est surd éter-miné mais responsable ! Ni tout-puissant ni victime. Éclairons notre présent pour que l'avenir ne soit pas synonyme de répétition des mêmes déceptions, des mêmes illusions jusqu'à se perdre totale-n'lent dans son propre labyrinthe de paradoxes. Point où était arri-vée une patiente qui résumait ainsi son état en commençant sa thérapie : «Je crois qu'à ne jamais écouter mes intuitions, j'ai su si bien brouiller les pistes que je suis totalement incapable de savoir aujourd'hui ce que je veux, ce qui me convient, qui je suis et ce à quoi Je peux aspirer. »

Distinguer« aller de l'avant» et« fuite en avant»

La folie et l'aliénation ne seraient-elles pas plutôt dans la fuite en avant ? Comn'le l'écrit Matthieu Ricard, « vivant dans l'alternance de l'espoir et du doute, de l'excitation et de l'ennui, du désir et de

Q) vi part. Le bonheur est un état de réalisation intérieure, non l'exauce-ment de désirs illimités tournés vers l' extérieur1 ». En ce qui me concerne, je fais du travail sur n1oi une question de paresse et d'orgueil : c'est usant de passer sa vie à fuir son ombre ! Je n'ai aucune envie de constater dans vingt ans que j'ai raté ce qui me tenait le plus à cœur, submergée par des besoins et des désirs profonds que je n'aurais su ni décrypter ni intégrer, ou encore soumise, pour ne contrarier personne, à des schémas qui me conviennent si peu que je ne vais jamais bien. De même que courir sans préparation peut faire mal aux articulations, se fuir finit par faire n1al à l'unité de son existence, à l'articulation et à la cohérence de ses jours. La vie devient surchargée, hyperactive et perd son sens et sa saveur. L' exis-tence se désarticule et oublie sa vraie raison. Sin1plement parce que nous avons oublié que derrière les nuages il y a le soleil et que, au lieu de subir, nous pouvons dissiper les nuages. Nous pouvons aller chercher le soleil. Ce n'est pas mission impossible et ça ne nous détournera pas de nos autres engagements. C'est à l'intérieur, c'est

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en nous, c est maintenant.

Inutile de n1al vieillir, aigris, frustrés, amers d'avoir rendu un conjoint n1alheureux, désespérés qu'il développe un cancer, peut-être. Inutile de tomber malades de deuils non faits, de probléma-tiques non clarifiées, malades d'avoir renoncé à communiquer sainement avec nous-mêmes et avec nos proches, de renoncer par

1. Matthieu Ricard, Plaidoyer pour le bonheur, Paris, Nil Éditions, 2003, p. 31.

honte ou culpabilité inconsciente à ce qui nous tenait le plus à cœur.

Le travail sur soi n'évite pas les épreuves, n'efface pas le passé, n'aplanit pas l'avenir et ne met pas les autres à notre diapason. Mais précisément parce que la vie n'est pas facile, fluide, évidente, parce qu'il y a de l'altérité en soi et autour de soi, le travail sur soi est un entraînement, un échauffement, un acconi.pagnement de soi-mêni.e pour ne pas vivre en roue libre. Il permet d'aborder les épreuves plus sereinement, en restant soi-même. Il permet de déjouer de nom-breux pièges, d'éviter des égareni.ents, de faire l' écononue de certains échecs.

Aller de l'avant, ce n'est pas foncer tête baissée, ce n'est pas répéter ce qui a déjà eu lieu. Or, comment savoir et choisir où aller en igno-rant qui nous sommes ? Certes, cela se découvre en marchant, au fù des expériences, mais pas seulement. L'aliénation, la folie, la confu-sion, n'est-ce pas d'ignorer ce qui, en nous, vient de l'autre et ce qui vient véritablement de nous ? De ne plus savoir où comni.ence le désir des autres et où finit le nôtre ? Ce qui nous fait vraiment peur et ce que nous n'osons pas mêni.e vouloir, ni rêver, convaincus que c'est ini.possible.

Bien sûr, tout est enchevêtré et il est illusoire de prétendre à un tri

ll'.l sélectif« puriste » : architecture cérébrale modelée au fil des

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riences, éducation, contexte socioculturel et personnalité inter-agissent constan1.illent. Raison de plus, non pour imaginer pouvoir tout clarifier, mais pour rester présent à ce « moi » vers qui convergent un flot d'influences et un flux d'héritages. Pour deni.eurer attentifs à ce qui, silencieusement, pourrait nous pousser vers un destin où nous demeurerions inconscients de

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mêmes. Un regard d'archéologue permet alors de distinguer ce que l'on croit être soi et qui n'est peut-être que loyauté à des attentes (parentales ou autres) non formalisées, non verbalisées, mais pré-sentes et agissantes.

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DEUXIÈME PARTIE

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