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4   Dynamique de la diversité variétale du riz dans la région de Vakinankaratra

4.3   Richesse variétale et ses déterminants agro-écologiques

Au niveau régional, sur l’ensemble des 32 villages prospectés, 349 variétés ont été recensées sur la base des noms distincts attribués au niveau de chaque village. Parmi ces variétés, 306 sont cultivées en riziculture irriguée et 43 en riziculture pluviale. La liste des noms de ces accessions ainsi que celle des villages d’origine sont données en Annexe 5.

Ramenée au nombre de dénominations variétales distinctes à l’échelle régionale, la richesse variétale totale des 32 villages est de 134 pour la riziculture irriguée et de 14 pour la riziculture pluviale. Pour ce dernier type de riziculture, 11 variétés ne possèdent pas de véritable nom et sont désignées comme vary an-tanety, littéralement « riz pluvial ».

Soixante-quatre pour cent des noms enregistrés sont présents dans seulement un village et 17% dans deux villages. Seulement 9% des noms enregistrés sont présents dans plus de cinq villages. Les variétés portant ces noms peuvent être considérées comme de notoriété régionale. La distribution géographique de ces variétés est rarement aléatoire. Généralement, elle est liée soit à l’adaptation climatique des variétés, soit à l’isolement dû à la distance, soit à la combinaison des deux. La variété qui a la plus grande notoriété, Rojo mena, présente dans 13 villages, est une variété locale de culture irriguée (Tableau 4-2). La moyenne des distances, deux à deux, des villages qui la cultivent est de 35 km alors que cette moyenne est de 56km pour l’ensemble des 32 villages d’étude. Mais il s’agit davantage d’une adaptation climatique parce que 12 des 13 villages sont situés à des altitudes supérieures à 1500m avec une moyenne de 1620m. Le cas de la seconde variété de grande notoriété est particulier ; il pourrait s’agir en faite de 2 variétés homonymes car dans 6 villages, elle est cultivée en irrigué et dans 6 autres en pluvial. Pour les variétés Botra kely et Telovolana, c’est le phénomène d’isolement par la distance qui est dominant puisque l’altitude des 10 et 9 villages, respectivement, où elles sont présentes varie de moins de 800m à plus de 1800m et qu’ils sont situés dans le même district ou dans 2 districts adjacents. Les variétés améliorées qui ont, pourtant, souvent fait l’objet d’actions de vulgarisation à l’échelle régionale sont peu représentées.

La distribution régionale de la richesse variétale, évaluée à travers le nombre de variétés par village (Sv) est très hétérogène et varie de 6 à 19 avec une moyenne de 10.9 (Figure 4-2). La richesse variétale des villages n’est corrélée ni avec le nombre d’habitants du village (r2 = 0.082 ; p=0.111), ni avec le niveau d’enclavement, estimé par la distance à la route nationale bitumée (r2 = 0.016 ; p=0.489) ou estimé par la distance à une route carrossable (r2 = 0.015 ; p=0.500). En fait, les déterminants agroenvironnementaux de cette variabilité semblent complexes :

- L’altitude des villages a un rôle déterminant sur leur Sv (R² = 0.328 ; p<0.001) ; la Sv moyenne est de 13 dans les villages d’altitude inférieure à 1250m, de 10 en zones de 1250-1750m et de seulement 8 dans les villages d’altitude supérieure à 1750m. Les conditions climatiques et les zones agricoles ont, elles aussi, un rôle déterminant. Les coefficients de détermination des 4 zones climatiques et des 5 zones agricoles sont respectivement R² = 0.374 ; p<0.004 et R² = 0.413 ; p<0.005.

- La Sv des villages est aussi fortement déterminée par leur système de production SP (R²= 0.279 ; p<0.009) ; la Sv moyenne est de 13.2 dans les villages de type SP1, de 10.8 dans les villages SP2 et de 8.3 dans les villages SP3. Il en est de même pour les systèmes de rizicultures pratiqués (R² = 0.414 ; p<0.004).

- Enfin, la Sv des villages est fortement influencée par les systèmes de culture du riz présents dans le village. Parmi les composantes des systèmes de culture du riz, la pratique ou non de la riziculture pluviale a le plus grand pouvoir de détermination (R² =

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Ainsi, étant donné l’effet déterminant de l’altitude sur les systèmes de production et les systèmes de culture du riz possibles dans chaque village, les effets de ces facteurs sur la richesse variétale se confondent.

La richesse variétale des exploitations Se varie de 1 à 7 au sein de notre échantillon de 1049 exploitations enquêtées dans les 32 villages ; la moyenne est de 2.2 variétés par exploitation. Plus de 70% des exploitations ont moins de 4 variétés et la quasi-totalité des exploitations qui ont plus de 4 variétés appartiennent aux villages d’altitudes inférieures à 1250m (Figure 4-3). La richesse variétale moyenne des exploitations calculée pour chacun des 32 villages (Sev) est, elle aussi, relativement faible : 2.2 en moyenne, mais objet de variation importante, 1.25 à 3.7, d’un village à un autre. Elle est assez fortement et significativement corrélée avec la Sv du village (r² = 0.449 ; P <0.001). Les zones climatiques et les systèmes de culture ont aussi un fort pouvoir déterminant.

Les Se des villages de basse altitude (<1250 m) et de haute altitude (>1750 m) sont significativement différentes entre elles et avec celles des zones de moyenne altitude. Mais à l’intérieur de ces dernières zones, on observe une variabilité importante de la Se (Figure 4-2) ce qui laisse supposer que, comme pour la Sv, le climat et l’altitude ne sont pas les seuls facteurs qui entrent en jeu.

Au niveau des exploitations agricoles prises individuellement, l’effet déterminant du type d’exploitation sur la Se est faible mais très hautement significatif (R² = 0.107 ; p<0.0001) ; la Se est en moyenne de 2.75 dans les exploitations de type Exp1, de 2.08 dans les Exp2 et de 1.91 dans les Exp3. Il en est de même pour les variables mesurant uniquement la richesse de l’exploitation : le nombre de bovins par exploitation (r² = 0.066 ; p<0.0001) et le nombre de charrues (r² = 0.043 ; p<0.0001). Cette relation est plus étroite avec le nombre de parcelles de rizière (r² = 0.166 ; p<0.0001) et le nombre des systèmes de riziculture que l’exploitation pratique (r² = 0.278 ; p<0.0001). Ces faibles corrélations confirment la prééminence des contraintes biophysiques sur la richesse et la disponibilité des facteurs de production, dans la détermination de la richesse variétale des exploitations.

La caractéristique des exploitations ayant le rôle le plus déterminant sur leur Se est la combinaison des systèmes de riziculture pratiqués: R² = 0.458 ; p<0.0001. Les exploitations qui pratiquent simultanément les 4 systèmes de culture RI1, RI2, RI3 et RP ont les nombres les plus élevés de variétés car ces systèmes nécessitent chacun un type variétal différent. Le lien entre le type d’exploitation et le nombre de variétés cultivées apparaît plus nettement au niveau des groupes de village, rassemblés par l’intervalle altitudinal. De même, à l’échelle de chaque village, la relation entre la combinaison des systèmes de riziculture pratiqués par l’agriculteur et son Se est beaucoup plus étroite (Annexe 6).

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Tableau 4-2: Distribution géographique des variétés de même nom recensées dans plusieurs

villages.

Nom de variété identification Villages Nbre Eco-Riz Type var. Distance (km) Moy Min Max

Rojo mena 11 12 13 14 15 17 21 24 25 27 28 31 32 13 RI VL 35 4 83 Fotsikely 1 5 10 13 14 15 20 23 25 27 28 33 12 RI/RP VL 60 10 153 Botra kely 2 15 17 21 22 30 31 32 33 34 10 RI VL 37 4 73 Telovolana 3 5 6 9 10 18 19 20 34 9 RI VL 49 9 112 Mavokely 1 4 5 6 10 17 21 7 RP VL 65 15 147 Rabodohavana 11 14 18 19 20 33 6 RI VL 32 9 58 Japonais 1 3 4 6 12 34 6 RI VA 61 9 134 Tsipala mena 1 3 5 6 7 34 6 RI VL 43 9 88 Vary manga 15 17 19 20 27 33 6 RI VL 35 9 74 X 265 2 10 20 26 30 34 6 RI VA 50 9 83 Lava rambo 12 13 17 18 23 5 RP VA 30 13 49 Manga kely 2 8 9 21 32 5 RI VL 46 15 87 Mijoroa mba 10 17 21 22 23 5 RI VL 32 6 54 Rojo fotsy 12 19 20 28 32 5 RI VL 47 9 81 Makalioka 1 4 5 24 4 RI VL 70 34 125 Bota kely 13 23 26 28 4 RI VL 34 17 46 Harongana 8 9 10 34 4 RI VL 34 19 49 Latsika 11 12 32 31 4 RI VL 26 5 45 Rija kely 8 10 20 23 4 RI VL 52 25 85 Tsipala fotsy 1 3 4 7 4 RI VL 40 19 65 Chine 2 22 30 34 4 RI VA 29 9 50 Rové 1 4 5 7 4 RP VA 48 18 82

RI : Riz irrigué, RP : Riz pluvial ; VA : Variété améliorée ; VL : Variété locale ; Moy : Moyenne des distances 2 à 2 entre les villages hébergeant la variété.

Figure 4-2: Distribution de la richesse variétale (Sv) dans les 32 villages d’étude de la région

76 Figure 4-3: Rôle de l’altitude dans la détermination du nombre de variétés (richesse variétale Se) des exploitations agricoles.

A: histogramme de fréquence de la Se parmi les 1049 exploitations de Vakinankaratra; B: relation entre Se et l’altitude du village d’appartenance des exploitations; C: variabilité de la richesse variétale moyenne des exploitations d’un village (Sev) en fonction de l’altitude des villages.

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