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CHAPITRE 1. LA MAINTENANCE AERONAUTIQUE 24

3. RI et représentation mentale 74 

Dans le cas de documents techniques, « une mauvaise interprétation du contenu peut avoir des conséquences matérielles et humaines désastreuses » (Caro & Bétrancourt, 2001, p.4). De plus, la représentation mentale que se fait le lecteur de ce qui est dit par le document est fortement influencée par les dispositifs de présentation des informations. Cette représentation mentale, appelée modèle mental (MM) par Johnson-Laird (1983) se construit à partir tout d’abord du déchiffrage linguistique du texte puis de l’interprétation du sens littéral (Caro & Bétrancourt, 2001).

Figure 16 - La construction du modèle mental

Ce schéma de la construction du MM s’apparente au modèle de la compréhension du document procédural que nous traiterons plus tard dans ce document.

Après la définition du MM dans la section suivante, nous aborderons ses fonctions et son utilisation.

3.1. Définitions du modèle mental

Le terme « modèle mental » a été mentionné pour la première fois par Craik (1943). Actuellement, plusieurs définitions du MM existent dans la littérature. Deux idées générales peuvent être dégagées de celle-ci : le MM comme anticipation et le MM comme représentation.

3.1.1. Modèle mental comme anticipation

Certains auteurs considèrent le MM comme une forme d’anticipation des faits et des évènements élaborée mentalement par l’individu. Selon ce courant, avant même que l’individu entreprenne une action ou assiste à un événement, il voit déjà mentalement l’action ou l’événement. Selon Craik (1943), « the mind constructs "small-scale models" of reality to anticipate events, to reason, and to underlie explanation ». L’anticipation va concerner non

seulement le déroulement d’une action mais aussi ses résultats. Elle va servir également à l’individu pour déterminer les moyens qu’il va utiliser pour atteindre ses buts.

Pour Johnson-Laird (1983), le MM est le processus par lequel les humains passent pour résoudre un problème. Ce sont des représentations des situations à la fois réelles et imaginaires (Johnson-Laird, 1999).

3.1.2. Modèle mental comme représentation

Le modèle mental intervient également dans le rapport de l’individu avec son environnement. Ainsi, pour Norman (1983) « les MM sont les représentations conceptuelles et opérationnelles internes que les individus développent pour interpréter et expliquer leur propre comportement avec leur environnement ». Cet environnement peut être le système avec lequel l’individu interagit et pour les spécialistes de la cognition, un MM est une représentation interne de la réalité externe de l’utilisation d’un système. Et c’est par le moyen du MM que les humains disposent des informations sur le fonctionnement des systèmes physiques (Gentner & Stevens, 1983).

Mais les deux considérations, c’est-à-dire celle du MM comme anticipation et celle du MM comme représentation, se recouvrent souvent. En effet, l'anticipation peut également inclure une représentation. Si l'anticipation concerne les actions ou évènements futurs, la représentation se rapporte aussi bien aux faits ou évènements futurs qu’à ceux qui sont déjà passés. D'autre part, l'anticipation est liée à l'action (donc, une propriété dynamique) tandis que la représentation est statique.

Après avoir défini ce qu’est un MM, nous allons nous intéresser à présent à son cycle de vie.

3.2. Cycle de vie d’un MM

Le MM a un cycle de vie qui peut être représenté comme suit :

Figure 17 - Le cycle de vie d’un modèle mental

Pour illustrer ce cycle, nous prenons l’exemple de l’utilisation d’un système. Avant l’utilisation d’un nouveau système, l’utilisateur n’a pas encore le MM correspondant à celui- ci. Son MM se construit une fois qu’il est en contact avec celui-ci en l’utilisant ou en observant les réponses du système à ses sollicitations. Ensuite, si le système subit un

changement, le MM de l’utilisateur se reconstruit. Il dispose alors d’un nouveau MM mis à jour concernant le système qu’il a manipulé. Dans le domaine de l’apprentissage, les modèles mentaux constituent à la fois le(s) résultat(s) et le(s) moyen(s) d’apprentissage. Le MM est le résultat de l’apprentissage dans la mesure où il résulte de la connaissance construite à partir de l’information par l’intermédiaire de l’apprentissage. Le MM est un moyen d’apprentissage puisqu’il facilite celui-ci en constituant un moyen pour faciliter la construction de nouvelles représentations ou le changement et le remplacement de celles existantes. Un MM construit permet de réduire le temps d’apprentissage.

Figure 18 - Lien entre modèle mental et apprentissage 3.3. Fonctions et utilisation des MM

Selon Winn (1997), le MM a différentes fonctions. Tout d’abord, le MM permet d’établir une relation itérative et réciproque entre anciens et nouveaux savoirs. En effet :

- un MM aide à acquérir des connaissances et peut être changé durant ce processus. On parle alors du phénomène d’accommodation ;

- un nouveau MM peut aussi être créé par analogie avec des modèles préexistants.

Le MM sert également de pré-requis pour une communication effective sur un sujet, sur un comportement, un outil. Enfin, le MM constitue une aide à la RI et à la compréhension d’un document. C’est le cas pour les MM qui sont complexes ou abstraits pour représenter des domaines entiers de connaissances, par exemple dans le cas des concepts liés à la littérature (auteur, œuvre, thème, etc.).

De plus, comme nous l’avons mentionné précédemment, un MM construit permet de réduire le temps d’apprentissage, et d’augmenter les performances des utilisateurs d’un système. Mais le MM présente également des limites que nous traitons dans le paragraphe suivant.

3.4. Les limites du MM

Le MM correspond souvent à une représentation fragmentaire et incomplète du fonctionnement d’un système. Dans ce cas, il ne constitue pas une aide efficace pour l’utilisateur du système. De ce fait, Platteaux (2001) dit que la facilité avec laquelle un utilisateur parvient à exploiter les fonctions d’un système dépend des différents MM qu’il

peut utiliser, parce qu’il les a construit antérieurement, pour décrire les éléments et les interactions d’un système ou d’un problème. S’il a des MM complets et précis, il aura moins de difficulté à utiliser le système et vice-versa.

Ainsi, le MM peut être une aide pour un individu pour se représenter ou anticiper une action ou un événement à condition qu’il soit complet, précis et adapté.

3.5. MM de la documentation procédurale

Pour le cas de la documentation procédurale ou technique, le MM correspond à la représentation que l’utilisateur se fait des données et du système qu’il est en train d’utiliser (Barnard, Mazoyer, Reiss, & Tapie, 2006). Cette représentation concerne, par exemple : - le contenu global de l’information dans le manuel ;

- les différents niveaux d’informations qu’il peut y trouver ;

- le mode d’accès à l’information et les différents moyens de recherche et d’extraction d’informations disponibles ;

- la disponibilité de l’aide ;

- l’information qui n’est pas disponible et qui doit être cherchée ailleurs.

La documentation procédurale électronique utilisée actuellement, notamment dans le domaine aéronautique, est la plupart du temps sous forme d’un hyperdocument pour lequel le MM correspond à la représentation des objets du document et les relations sémantiques entre ceux- ci (Thüring, Hannemann, & Haake, 1995). Lors d’un changement de format, le MM doit être reconstruit par une formation ou en donnant à l’utilisateur une introduction qui lui permet d’avoir une vue d’ensemble explicite du contenu du manuel et de son fonctionnement.

Pour notre étude sur la recherche et la consultation d’information (RCI) dans la documentation de maintenance, la notion de MM joue un rôle fondamental. C’est un élément important qui doit être pris en compte tout autant que le contexte de l’activité de maintenance. En effet, la connaissance de la représentation qu’a l’utilisateur de l’outil étudié permettrait d’adapter les recommandations pour fournir un outil mieux adapté aussi bien au contexte de l’activité qu’à l’utilisateur de l’outil pour une utilisation efficace.

Nous avons dit plus haut que l’opérateur effectue une activité de RI lors de l’utilisation de la documentation de maintenance. C’est le sujet que nous allons traiter dans la suite de ce document.