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CHAPITRE 1. ETUDE SUR LE TERRAIN : UTILISATION DE LA DMA DANS LE

6. Discussion 120 

6.2. La raison de la non utilisation de la documentation 121 

6.2.1. L’utilité 121 

Il s’agit de déterminer si la documentation technique permet à l’opérateur d’atteindre son but qui est celui d’effectuer la tâche de maintenance, si l’utilisation de la documentation permet à l’opérateur de résoudre le problème de réparation d’une panne, etc.

Pour Senach (1990), « l’utilité détermine si le système permet à l’utilisateur de réaliser sa tâche, s’il est capable de réaliser ce qui est nécessaire pour l’utilisateur. L’utilité couvre : la capacité fonctionnelle, les performances du système, les qualités d’assistance ». En résumé, l'utilité détermine si le produit satisfait des contraintes fonctionnelles et opérationnelles. Pour cette analyse, nous distinguons l’utilité perçue et l’utilité réelle.

6.2.1.1. Utilité perçue

Davis (1989) définit l’utilité perçue comme étant « le degré selon lequel une personne croira que l’utilisation d’un système augmentera sa performance dans le travail ». Dans le domaine de la maintenance aéronautique, la documentation est conçue comme étant incontournable. Le seul moyen d’être efficace et de s’assurer l’application de la bonne procédure en évitant les erreurs est la consultation de la documentation. Cela confirme Mason (2001) qui dit que l’une des raisons de l’utilisation de la documentation est pour éviter les erreurs.

6.2.1.2. Utilité réelle

Dans la pratique, la documentation à elle seule ne suffit pas pour effectuer la tâche de maintenance. Parfois, l’expérience est plus utile que la documentation elle-même. Ainsi, pour exécuter les tâches de façon plus simple, plus efficace et apprendre les différentes astuces du métier, les conseils des collègues plus expérimentés sont jugés plus utiles que les procédures décrites dans la documentation.

D’autre part, l’opérateur ne se sert pas de la documentation de façon systématique. La documentation lui est utile pour certaines tâches et non pour d’autres. Ainsi, il se sert de la documentation pour les tâches annexes ou accessoires à effectuer avant ou après la tâche principale qui fait l’objet de l’intervention ou en vue de la réalisation de la tâche principale (préparation des pièces, démontage, remontage, etc.). La raison en est que, d’après les observations et les entretiens avec les utilisateurs, les informations nécessaires pour la réalisation de ces tâches sont principalement constituées de données chiffrées, difficiles à mémoriser par les opérateurs. Et compte tenu de la variabilité des pièces et équipements sur lesquels ils interviennent, l’opérateur ne veut pas et ne peut pas retenir même si celles-ci concernent des tâches qu’il effectue de façon régulière. C’est le cas des informations sur la valeur de serrage, la référence de joints ou d’outillage, les composants, l’huile ou le nettoyant à utiliser. L’opérateur de maintenance pense que retenir ce type d’informations ne peut que le perturber du fait de l’importance de la quantité et de la variabilité des informations de cette nature. Ainsi, la documentation est utile pour l’opérateur pour consulter ces informations, quand elles sont nombreuses, pour avoir les données complètes nécessaires afin de réaliser correctement la tâche principale qu’il a à effectuer.

D’après les informations récoltées auprès des OM, la DMA contient des erreurs qui peuvent conduire à leur tour les OM à effectuer des erreurs dans la réalisation de la tâche de maintenance. Or, la consultation de la documentation a pour but d’éviter les erreurs qui

pourraient avoir une influence sur la performance de l’opérateur (Barnard et al., 2007; CAA, 2002 ; Mason, 2001). Ce dernier choisit alors souvent de ne pas la consulter, plus particulièrement au niveau de la procédure. Les erreurs rendent ainsi la documentation inutile. 6.2.2. L’utilisabilité

Ici, la question est de savoir si le dispositif est aisément manipulable par les opérateurs. Selon la norme ISO 9241-18, « une technologie est utilisable lorsqu’elle permet à l’utilisateur de réaliser sa tâche avec efficacité, efficience et satisfaction dans un contexte d’utilisation spécifié ». L’efficacité renvoie à la réussite ou non des objectifs de l’activité par l’utilisateur, l’efficience au coût des processus cognitifs induits pour la réalisation de ces objectifs, et la satisfaction au bien être, au confort et au plaisir ressenti par l’utilisateur lors de son activité. Pour Ganier et Heurley (2005), l’utilisabilité correspond à l’adaptation de la documentation aux besoins des utilisateurs et l’appropriation de la documentation par ces derniers.

L’utilisabilité de la documentation dépend des tâches pour lesquelles l’opérateur veut avoir des informations.

6.2.2.1. Utilisabilité perçue

L’utilisabilité perçue peut être distinguée suivant le format de la documentation, papier ou électronique. Concernant l’utilisabilité perçue de la documentation sous format papier : - la consultation de la documentation en gros volume est plus facile sur le support papier ; - la documentation papier est plus facilement consultable qu’un texte écrit en tout petit sur l’écran ;

- avec le livre, on peut trouver plus facilement une information qu’avec le format électronique : on tourne la page au fur et à mesure et on trouve par exemple les figures ; - la lecture des longues procédures est plus facile sur papier que sur l’écran ;

- pour les plus âgés, c’est le format le plus adapté au métier puisque c’est plus facile à utiliser : on peut l’emporter sur le lieu de travail.

En ce qui concerne l’utilisabilité perçue de la documentation électronique, elle est jugée nécessitant trop de temps. Selon les opérateurs, « avec l’ordinateur, il faut parfois traverser plusieurs pages, et on ne sait plus où on est ». L’utilisateur se retrouve alors en situation de surcharge et de désorientation cognitive. Mais d’après Tricot (1995), comparée à une lecture qui a juste pour but de s’informer, la lecture de l’hypertexte pour accomplir une tâche occasionne moins de désorientation cognitive.

6.2.2.2. Utilisabilité réelle

Dans la réalité, la présentation et la structure de l’information de la DMA conduisent à des difficultés lors de la recherche et la consultation des informations. La raison en est que la DMA ne prend pas assez en compte le contexte de la MA, tel que l’existence de la pression temporelle de plus en plus forte, l’environnement et les caractéristiques de la tâche (espace d’exécution de la tâche parfois exigüe rendant difficile le repérage d’une information spécifique par exemple, obligeant l’OM d’arrêter la tâche technique), les caractéristiques de l’OM (son niveau d’expertise par exemple), etc. L’utilisateur éprouve une difficulté pour consulter une information en raison de la mauvaise qualité de la présentation des informations : caractères de taille trop petite, manque d’organisation hiérarchique des textes, insuffisance de signaux ou de mise en forme matérielle (espace, indentation, caractères en gras, couleur, etc.). Un texte dans lequel les informations importantes ne sont pas suffisamment mises en exergue par l’intermédiaire des signaux rend la lecture plus difficile, ce qui peut causer un coût cognitif élevé pour l’OM. Les opérateurs jugent que la documentation de maintenance est un document sans structure logique : des informations qui doivent se trouver au début sont localisées à la fin (par exemple les special materials), et vice versa ; ou encore des précisions qui doivent être inclues dans le texte même de la procédure se trouvent parfois ailleurs, ce qui oblige l’utilisateur à les chercher à chaque fois.

La documentation comporte souvent des phrases complexes ayant une certaine tournure qui entraîne diverses fausses interprétations du sens. Cela s’ajoute au fait que les opérateurs ont un niveau d'anglais insuffisant. Ils reconnaissent eux-mêmes cette lacune.

L’écart entre la procédure dans la documentation et l’opération demandée, le manque d’information ou parfois l’excès d’information rend également la consultation de l’information et la réalisation de la tâche difficiles. L’excès d’information entraîne une difficulté pour l’OM car celui-ci doit traiter une grande quantité d’informations. A l’inverse, le manque d’information lui cause une perte de temps dans la mesure où il doit chercher le reste d’information qui lui manque ailleurs, ce qui peut accroître le coût lié à la pression temporelle. En effet, il est obligé de lire le texte entièrement, ou même tourner plusieurs pages ou aller sur le réseau, par exemple pour savoir l’outillage spécifique à utiliser, à commander, et même pour connaître la fonction de celui-ci. Parfois, la procédure indique un outillage à utiliser mais aucune description de celui-ci n’est disponible dans la documentation. Ainsi, il arrive qu’il y a des outillages que les opérateurs n’utilisent jamais même s’ils sont indiqués dans la procédure, parce qu’ils ne savent pas à quoi ils servent. Ils travaillent « sans ». Il

arrive aussi à l’OM de réparer de très vieux équipements. Dans ce cas, l’OM doit utiliser à la fois les vieilles documentations et surtout tenir compte des SB (Service Bulletin qui contient des textes qui sont relatifs aux modifications à apporter au contenu de la documentation) et des fiches d’évolution qui ne sont pas disponibles au même endroit.

Ces difficultés sont communes aux deux types de formats, papier et électronique. Mais des caractéristiques liées à l’utilisabilité propres à chaque format existent également. Nous présentons alors l’utilisabilité de chacun des deux formats.

6.2.2.2.1. Utilisabilité de la documentation électronique

La présentation des informations peut varier d’une documentation à l’autre. Par exemple, pour un centre de maintenance visité, la liste d’outillage qui doit normalement se trouver au début de la documentation peut se trouver également à la fin de celle-ci ; la description d’un outillage spécifique qui devrait se trouver à l’intérieur même de la procédure où il est cité est à chercher ailleurs dans la documentation. Il faut se rendre à telle partie précise de la documentation. Les utilisateurs affirment que même après des années d’expérience dans le métier, ils éprouvent encore des difficultés à trouver les informations dont ils ont besoin. L’une des difficultés également est que lorsqu’utilisateur clique sur un lien hypertexte relatif à l’information qu’il veut, le résultat donné par le système ne correspond pas au contenu attendu. Ainsi, la tâche de RI de l’utilisateur n’aboutit pas à ce qu’il s’attend à trouver. Celui- ci risque également de se tromper de lien, c’est-à-dire de cliquer sur un lien autre que celui qu’il vise. Le système ne peut pas détecter cette erreur. C’est la limite de l’efficacité des systèmes d’information non humains dans le traitement des demandes des utilisateurs, contrairement aux demandes formulées à un « humain », par exemple auprès d’un documentaliste qui, pour comprendre la demande, construit une représentation spécifique de la demande en vue de la compréhension du problème posé par la personne qui demande une information (Ciaccia, 2008).

La documentation électronique est efficace pour certaines actions, par exemple, pour chercher une pièce rapidement (l’utilisateur a la possibilité d’effectuer la recherche à partir de la référence ou à partir d’un lien hypertexte), ou encore pour avoir la vue globale de l’avion. Mais, selon les opérateurs en maintenance, pour suivre la procédure de réparation d’une panne, la documentation électronique est moins efficace. La visualisation des figures peut également être problématique quand celles-ci sont larges.

6.2.2.2.2. Utilisabilité de la documentation papier

L’utilisation de la documentation papier est coûteuse en effort et en temps. En effet, dans le cas de la MA, l’utilisateur est sans cesse conduit à tourner les pages pour rassembler différentes informations qui devraient être présentes ensembles sur la même page (par exemple, pour trouver les schémas correspondant à une procédure). Le temps passé pour la consultation de la procédure se répercute sur le temps de réalisation de la tâche de maintenance proprement dite. Cela a comme conséquence une pression temporelle encore plus importante qui entraîne une surcharge cognitive sur les opérateurs. La difficulté liée à la consultation de la documentation papier affecte ainsi la productivité et la performance de l’opérateur.