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Chapitre 2 Rhétorique iconique et rhétorique plastique

2.1.2. Rhétorique de la transformation

2.1.2.4. Rhétorique de la transformation gamma γ

Figure 71

Transcription : Sei so lieb ! Traduction : Soyez amoureux !

Pays : Autriche (Vienna)

L’image de la figure 71 présente une scène d’un couple enlacé s’embrassant. Le bleu de l’éclairage plus ou moins dilué dans le noir enveloppe le couple, l’ensemble ressemble étrangement au film d’une radiographie, le rapprochement avec l’image médicale nous installe dans la sphère de la maladie. L’affiche se sert d’une transformation gamma γ non-homogène pour créer un contraste de clair-obscur, en d’autres termes spécifiques, une suppressions-adjonction de contraste de l’intensité lumineuse. Cette affiche permet au lecteur de se focaliser sur ce couple comme étant le sujet narratif. De surcroît, il adoucit la scène amoureuse en la rendant moins violente puis plus acceptable à un large public. En parallèle, l’image d’un couple dans l’affiche concernée sous l’effet des rayons gamma γ est en tant que tel une démarche du genre rhétorique. La nuance entre le bleu lumineux et le bleu du bas où se situe le slogan permet de séparer les parties du discours, narratif d’un côté, communicationnel avec le lecteur de l’autre.

Le signifiant iconique comporte suffisamment de traits correspondant aux types iconiques de degré perçu et de degré conçu nous permettant leurs identifications, leurs écarts produisent la rhétorique du type. Il peut cependant posséder également les traits qui ne se conforment pas à son référent en respectant le degré zéro général, l’écart entre le signifiant et le référent engendre la rhétorique transformative. Ces écarts, typologique

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ou transformatif, ne sont pas dus au hasard, ils proviennent des éléments culturels considérés en se référant au prototype et à la culture périphérique dans chaque pays. Il est nécessaire au lecteur de recourir aux codes socio-culturels afin de parvenir au déchiffrage de la figure iconique et de sa transformation. En résumé, nous pouvons déduire que le contexte socio-culturel influence la rhétorique iconique.

Dans l’enchaînement des différentes dimensions de la rhétorique visuelle, nous venons de présenter l’aspect concernant la rhétorique iconique, nous poursuivons notre travail en abordant l’autre branche intitulée la rhétorique plastique traitant plus particulièrement de la forme, de la couleur, de la texture et de la composition (cadrage).

2.2. Rhétorique plastique

Nous avons analysé supra la rhétorique iconique, interrogeons-nous maintenant sur la manière dont se produit la rhétoricité plastique ? Celle-ci se base sur la déviation d’une occurrence plastique occupant une position donnée par rapport à l’occurrence attendue dans cette position, l’écart plastique est déterminé par le degré zéro local, la régularité interne de l’énoncé dans lequel le signe plastique baigne. La rhétorique plastique est ainsi propre à chaque discours.

« Nous avons donc à nous demander si dans un énoncé plastique le contenu d’une position précise dépend des éléments entourant cette position. Si c’est le cas, on pourra considérer comme rhétorique toute occurrence plastique occupant une position dans laquelle une autre occurrence serait attendue, en fonction de la redondance du message. » (Groupe µ 1992 : 316)

A ce niveau de l’analyse, nous sommes conduits à préciser deux points. Tout d’abord, la relation syntagmatique dans le discours visuel n’est pas linéaire comme celle existante dans le discours linguistique, elle demeure plutôt un rapport spatial. Néanmoins, quand les différents signes sont mis en relation grâce à la redondance plastique, cette catégorisation peut ainsi être qualifiée de réseau spatial d’implication réciproque. En outre, bien que nous puissions regrouper les syntagmes visuels en énoncé, nous ne pouvons pas affirmer que toutes les variations dans des éléments structurés sont identifiées comme la rhétorique. Ces variations pourraient être une différence qui apporte de nouvelles informations, elles ne sont pas sûrement analysées

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comme une déviation dans le domaine de la rhétorique. Cet écart rhétorique n’apparaît qu’au moment où l’attente est déçue en un lieu précis de l’image. « Le message devrait programmer le principe d’un ordre mais encore, pour que l’on puisse parler de rhétorique, de manière telle que le contenu d’une position soit fortement déterminé par le syntagme. » (Groupe µ 1992 : 316). Pour évoquer la rhétorique, un signe plastique doit être explicité dans sa position dans un énoncé du discours (degré zéro local). L’écart plastique crée une rupture par rapport à la régularité plastique dans l’ensemble du discours. Un degré zéro local dégagé de l’intégralité du plan plastique du discours apporte par lui-même une attente précise pour un certain signe plastique situé dans une situation précise.

Le plan plastique comprend les éléments de couleur, de forme, de texture et de cadrage. Ainsi, la rhétorique du plan plastique analyse également ces quatre composants. Les quatre composants plastiques eux-mêmes pourraient être des porteurs de rhétoricité, bien qu’ils soient souvent dépendants du plan iconique ou du plan linguistique dans leurs plans de l’expression. Les signes plastiques peuvent exister indépendamment des autres plans, tout en établissant un contexte, par exemple, la couleur du fond, mais ils ne peuvent pas être rhétoriques isolément en ne se rapportant pas à la régularité plastique contenue dans le discours. Ainsi, pour la rhétorique plastique à partir de l’ensemble de la régularité plastique, nous ne pouvons pas sous-estimer et ignorer l’importance de la rhétorique plastique dans le plan iconique (rhétorique icono-plastique) et celle dans le plan linguistique (rhétorique phrase-icono-plastique).

La rhétorique icono-plastique

Ci-après la définition de la rhétorique icono-plastique proposée par le Goupeµ : « En effet, l’énoncé plastique est un signe. Comme tel il a un signifiant consistant en répétitions, parallélismes, symétries, etc. : or ce sont là toutes adjonctions ou suppressions d’ordre par rapport à un degré zéro figuratif. » (Groupe µ 1992 : 347)

Du point de vue de la rhétorique icono-plastique traitant de la rhétorique plastique dans son support figuratif, l’affiche est en quelque sorte un assemblage de stimuli visuels comportant des régularités plastiques, tels que la couleur, la forme, la texture et le

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cadrage. Selon la redondance et la cohérence plastique, le degré zéro local fournit par le discours nous permet de distinguer des déviations plastiques dans une certaine position icono-plastique tout en créant une rupture de régularité plastique du point de vue de l’ensemble du plan iconique ou même du discours en tant que tel. Ainsi, la rhétorique icono-plastique est décidée par le degré zéro local dégagé de l’ensemble du discours, tandis que la rhétorique transformative de l’iconique est déterminée par le degré zéro général constituant le référent iconique.

Rhétorique phrase-plastique

Dans le plan linguistique de l’affiche, nous proposons également une analyse rhétorique de l’aspect plastique dans l’énoncé linguistique. Pour les besoins de la cause, nous proposons notre propre concept phrase-plastique pour désigner la relation du projet plastique dans le plan linguistique. Dans l’affiche, l’ensemble des énoncés linguistiques illustre la perspective plastique, c’est également le siège où se situe la rhétorique phrase-plastique, dont la forme, la couleur et la texture. La démarche descriptive de la rhétorique phrase-plastique est similaire à celle de la rhétorique icono-plastique, comme étant une modification plastique d’un signifiant figuratif en formant un caractère dans le plan linguistique.

La rhétorique phrase-plastique est déterminée par une norme propre impliquée dans l’énoncé linguistique, à savoir l’homogénéité plastique et les possibilités de variante libre. Les caractères dans l’énoncé linguistique peuvent ainsi se manifester de manières diverses. Une fois que le signe est choisi, la rhétorique est créée dès que naissent des écarts plastiques en tant que rupture de l’homogénéité plastique. L’adjonction ou la suppression est dévoilée ainsi par rapport à un degré zéro local, « figuratif » d’un caractère du point de vue phrase-plastique.

Nous insistons toujours sur l’autonomie du projet plastique dans le plan linguistique. Les usages des éléments plastiques ont pour effet de rendre lisible, attractif ou davantage informatif l’énoncé linguistique. Le fonctionnement plastique sur le plan linguistique vise à catégoriser les énoncés à travers des moyens variés comme par exemple l’utilisation de différentes polices de caractères et à sensibiliser le lecteur aux différents effets (poids) visuels utilisés. A cet égard, l’énoncé linguistique obéit au projet plastique.

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Quel que soit le support, iconique ou linguistique, la rhétorique plastique se subdivisera en la rhétorique de la forme, la rhétorique de la couleur, la rhétorique de la texture et la rhétorique du cadrage. Nous allons tour à tour traiter chacune de ces composantes.