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LIBERALISATION ET COMMERCE INTRA-COMMUNAUTAIRE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DES EFFETS DU TEC-UEMOA

2. REVUE DE LA LITTERATURE

Plusieurs études sont faites pour analyser l’effet des politiques commerciales au sein des ACR sur le flux des échanges entre les pays membres. Parmi ces études, certaines confirment les avantages théoriques des unions douanières décrits par Viner (1950). D’autres par contre donnent des résultats mitigés qui mettent en doute l’importance des ACR surtout ceux de l’Afrique Sub-Saharienne en raison de la forte dépendance de leur économie. Dans l’un ou l’autre des cas, il est important de comprendre que la différence de résultats observés dans la littérature dépend, soit de la méthode d’analyse utilisée, soit de l’applicabilité des méthodes ou simplement de l’analyse des résultats obtenus.

Avant l’entrée en vigueur de l’union douanière de l’UEMOA en 2000, Décaluwé et al.

(1998), à l’aide d’un modèle d'équilibre général calculable statique et multi pays, ont simulé l’impact de cette politique de libéralisation commerciale sur les échanges commerciaux de l’UEMOA. Des résultats de leur simulation, il ressort que l’union douanière est très bénéfique à tous les pays de la zone malgré la diversité dans les gains. Par ailleurs, la mise en place de l'union douanière a une incidence positive (au détriment des partenaires extérieurs à cause du détournement de commerce observé) sur les échanges régionaux au sein de l'union qui augmentent de près de 9%.

En dehors de cette simulation, signalons que si les études d’impact des ACR sur les échanges à l’aide d’un modèle de gravité sont très nombreuses en Europe et en Amérique latine (Balassa et Beuvens, 1988 ; Wang et Winters, 1992 ; Baldwin, 1993 ; Eichengreen et Bayoumi, 1995), elles sont en revanche assez rares dans les pays africains. La première application, à notre connaissance, du modèle de gravité aux pays d'Afrique au Sud du Sahara est celle de Foroutan et Pritchett (1993). Le but visé par ces deux auteurs était de quantifier les échanges potentiels intra-ASS pour les comparer au niveau du commerce observé. Il ressort de leur étude que le niveau des échanges intra-ASS est faible pour des raisons structurelles.

D’autres chercheurs comme Naudet (1993) ; Laporte (1996) et Elbadawi (1997) utilisant

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échanges inter-ACR africains est dû au fait que ces pays ne mettent pas en exergue toute leur potentialité commerciale. Sinon, l’Afrique de l’Ouest seule pourrait occupée 25% du commerce mondial à l’horizon 2020. En intégrant dans son échantillon quelques groupements régionaux africains, Elbadawi (1997) a insisté particulièrement sur l'impact des unions monétaires sur les flux commerciaux régionaux. Il sera appuyé quelques années plus tard par les travaux de Rose (2000, 2001, 2002a) et Engel et Rose (2000) qui, dans des études effectuées sur les zones monétaires communes ont montré avec l’indice herfindahl que les pays appartenant à une union monétaire sont plus ouverts et plus spécialisés que ceux qui ont leur propre monnaie. Utilisant aussi un modèle gravitationnel du commerce international avec des données qui portent sur 150 pays, Rose (2001) obtient des résultats qui montrent que l’éloignement de deux pays réduit les échanges, alors que l’augmentation de la « masse économique » (évaluée d’après le PIB réel et le PIB par habitant) les intensifie. De même, ses estimations indiquent que l’utilisation d’une même monnaie augmente les échanges bilatéraux. Ces résultats montrent également qu’à des niveaux de développement comparables, les pays appartenant à une union monétaire commercialiseraient 3,3 fois plus que ceux ayant leur propre monnaie. Ce résultat sera nuancé par les travaux de Nitsch (2002) qui a corrigé des variations multiples contenues dans l’échantillon de Rose.

Beaucoup d’autres études ont abordé l’impact des ACR sur le développement des pays mais avec des spécificités différentes selon ce que recherche l’auteur. Ainsi, dans le document de travail de CERDI en 2002, Céline Carrère, utilisant un modèle de gravité avec des données en panel sur 130 pays a évalué ex-post les accords commerciaux régionaux. Des résultats de ces estimations, il ressort que contrairement aux estimations des études précédentes, les accords régionaux ont engendré une augmentation significative du commerce entre les pays membres, souvent au détriment du reste du monde. De même, avec l’introduction de nombre correcte de variables muettes, l’auteure a identifié les effets de création et de détournement de trafic vinérien. Berechid (2005) par contre, dans sa recherche qui consistait à analyser l’impact de l’accord de libre échange entre le Canada et le Chili (ALECC) et à déterminer l’effet dominant, à savoir la création ou le détournement du commerce qui en découle, n’a eu aucune évidence de détournement des échanges ni un quelconque changement significatif des flux du commerce.

Les résultats relatifs aux autres variables indépendantes ne sont pas différents de la littérature ambiante.

Gbetnkom et Avom (2005), en mettant accent sur les réformes économiques des années 1980 et 1990 et en appliquant un modèle de gravité sur un échantillon de 25 Etats exportateurs et de 31 Etats partenaires, trouvent que l’intégration régionale accroît substantiellement les

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échanges entre les Etats membres de l’UEMOA après les réformes économiques. De même, Bezeme (2009), à l’aide d’un modèle de gravité a analysé l’impact de l’adoption du TEC-UEMOA sur les échanges intra-communautaires. Ses estimations révèlent que l’harmonisation douanière intervenue au sein de l’UEMOA depuis le 1er janvier 2000 accroît substantiellement les échanges entre les Etats membres mais que cette hausse résulte d'un détournement de trafics au détriment des partenaires commerciaux non membres.

Dramani et Laye (2009) quant à eux, en tentant de répondre empiriquement à la deuxième hypothèse sur la théorie des ZMO développée par Mc Kinnon (1963) et en utilisant à la fois un modèle de gravité et un modèle VAR structurel, trouvent une diminution sensible des effets frontières, une amélioration des effets institutionnels, ainsi que des effets liés à la distance sur le flux de commerce intra zone-CFA. La particularité de leur étude est l’utilisation complémentaire d’une VAR structurelle qui a permis d’identifier et de comparer les différents chocs de politique économique entre les pays membres de la Zone Franc CFA.

Il est donc nécessaire de remarquer que le modèle de gravité dans son approche traditionnelle a longtemps été mal considérée par les spécialistes d’économie internationale, à cause de son manque de fondement microéconomique même si elle donne des résultats empiriques qui permettent de mieux expliquer les flux d’échanges bilatéraux que les modèles de Ricardo et d’Heckscher-Ohlin. En effet, tel qu’utilisé jusqu’à présent, le modèle de gravité ‘‘traditionnelle’’ renferme plusieurs insuffisances tant dans la construction de l’équation, dans la considération des données spécifiques-pays que dans la méthode d’estimation. La plupart de ceux qui emploient ce modèle conviennent que les facteurs déterminants du commerce bilatéral sont la distance, les niveaux de revenu et la taille du pays (Rose, 2001) sans tenir compte des résistances multilatérales et des effets fixes. C’est pourquoi, le modèle de gravité structurelle est proposé par Yoto V. et al., (2016) pour corriger les insuffisances du modèle de gravité ‘‘traditionnelle’’. En effet, Partant des travaux de Anderson et Wincoop, (2003 et 2004), Yoto et ses collaborateurs ont apporté des modifications notables au modèle de gravité. Dans le fondement théorique dudit modèle, ces auteurs considèrent les variables PIB (PIBi ; PIBj ; PIBm), PIB/hab ainsi que les variables liées à la croissance démographique comme des variables à effet fixe car elles impactent positivement les échanges bilatéraux. Ils intègrent aussi des variables qui font office de résistances multilatérales : l’indice de prix à la consommation de chaque pays, le tarif en vigueur dans chaque pays ou dans l’ACR et les coûts de transport matérialisés par les indices d’éloignement. De plus, ces auteurs préconisent que l’équation soit exprimée sous sa forme multiplicative et estimée à l’aide du

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pestes souvent les données commerciales (Santos et Tenreyro, 2006, Arvis et Shepherd, 2013;

Fally, 2015). Le PPML permet également de calculer les effets d'équilibre général cohérents avec la théorie des politiques commerciales (Anderson et al., 2015b, Larch et Yotov, 2016b).

En guise d’application du modèle de gravité structurelle sur les échanges commerciaux entre les pays membres de l’OMC, Yoto et ses collaborateurs ont obtenu des résultats très concluants. Ces résultats indiquent que la distance qui sépare les différents pays membres de l’organisation impact négativement les échanges commerciaux. Par contre, les variables langue commune, monnaie commune, frontière commune et ACR commun impactent positivement les échanges intra-OMC.

Eu égard à la revue empirique et méthodologique, la spécificité de ce travail réside dans la démarche méthodologique. En effet, le modèle de gravité structurelle permettra de mesurer plus amplement l’impact du TEC-UEMOA sur le flux des échanges intra-pays membres en tenant compte des résistances multilatérales, observables comme inobservables. Il nous permettra également de déduire nettement, en cas d’accroissement des échanges, s’il s’agit d’une création ou d’un détournement de trafic.