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NJOUPOUOGNIGNI Moussa, Université de Gaoundéré (Cameroun)

PRINCIPAUX RESULTATS ET IMPLICATION DE POLITIQUE ECONOMIQUE

III- METHODOLOGIE DE L’ETUDE

Bernard NGUEKENG - Industrialisation de l’Afrique Sub-saharienne par le commerce intra régional

Nous partons de l’approche de Rowthorn et Wells (1987), qui proposent un modèle théorique dont l’industrialisation ou la désindustrialisation pourrait être observée sans liens commerciaux avec le reste du monde. Notre spécificité est donc de proposer un modèle en économie ouverte.

Les principaux faits stylisés exigent que l’élasticité-revenu de la demande de nourriture est inélastique, la demande réelle des services augmente avec le revenu national et la productivité du travail est plus forte dans le secteur manufacturé (industriel) que dans le secteur des services.

À partir de ces propositions, on explique comment dans la phase du développement, on observe une importance croissante de la production industrielle, ce qui induit une transition vers une économie des services qui prévoit la baisse future de l’emploi industriel (Rowthorn et Ramaswamy, 1997).

Le modèle stipule que le produit global () est issu de trois sources, à savoir l’agriculture (), l’industrie () et les services () :

 = + +  (1)

On considère que la consommation par tête des produits agricoles est fixe. Par ailleurs, la population est également fixée et égale à , et on suppose que l’économie est en situation de plein emploi. À la suite de ces hypothèses, on peut noter que =  (0 <  < 1) et = 

(0 <  < 1), c’est-à-dire que  et  sont des constantes.

En ce qui concerne les productivités dans chaque secteur, nous supposons qu’elles croissent à un taux constant dans le temps. Les productivités dans les secteurs agricole et industriel sont égales, mais sont supérieures à celle du secteur des services :

= 

= 

= 

(2)

,  et  représente les produits par tête7 et  > 1, 0> 0 et  > 0 des constantes. À partir de ces précisions, l’emploi total s’écrit :

 =

0−+ (1 − )− (3)

Par conséquent,

 = 

 + (1 − )()= 

 + (1 − )() (4)

7 Les produits par tête dans chaque secteur sont définis comme suit : =

, =

et =

, avec ,  et  l’emploi dans les secteurs, tel que  = + + .

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 = / est défini comme la productivité globale de l’économie (dans les trois secteurs).

Dû au fait que  > 0 et  > 1, le comportement asymptotique de la relation (4) se traduit par :

=1

 (5)

Cette égalité rejoint le principe de Baumol et al. (1989) selon lequel le taux moyen de croissance de la productivité décroit en compensation avec la croissance dans le secteur des services. Il s’agit là d’une illustration de la théorie de la stagnation asymptotique, à cause du fait que la croissance globale est contrainte par ce qui se passe dans le secteur économique dominant.

En définissant =, = et = les parts relative de l’emploi dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services, on peut établir que :

=  de l’emploi agricole tend à s’annuler pendant celle des services tend vers 1. Mais qu’en est-il de la part de l’emploi industriel ?

Partons du fait que = 1 − (+ ). La différentielle de cette relation donne de décroissance de la main-d’œuvre agricole est supérieur au taux de croissance de l’emploi dans le secteur des services. Dans les pays pauvres ou en développement, cette condition est facilement satisfaite puisque  est élevé. Dans cette optique, on s’attend à une augmentation de la part de l’emploi industriel.

Enfin, la part de l’industrie dans le produit réel (taux d’industrialisation) se décline comme suit :

Cette part croît rapidement dans le stade initial du développement, mais converge vers une limite supérieure au cours du temps. Dans une économie mature, le taux d’industrialisation se

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stabilise alors que l’emploi dans le secteur tend à diminuer, à cause d’une productivité croissante.

III.2) Le modèle empirique

Le processus d’industrialisation a été étudié par Hossein et Weiss (1999) en termes absolus et en termes relatifs. Dans la version absolue, l’analyse du processus d’industrialisation s’appuie sur la valeur ajoutée du secteur secondaire alors que la version relative s’intéresse au taux d’industrialisation, c'est-à-dire la part de la valeur absolue du secteur secondaire sur le PIB.

Hossein et Weiss (1999) expliquent l’industrialisation par les facteurs internes tels que le PIB, l’urbanisation, les ressources naturelles et par des facteurs externes, notamment l’ouverture commerciale. Mais cette démarche est limitée, car elle ignore l’influence de certains facteurs tels que la formation du capital physique, le commerce Nord-Sud et surtout le commerce Sud-Sud sur l’industrialisation. Or, ces variables ont pourtant été utilisées par Rowthorn et Ken Coutts (2004), Brady et al. (2011), Rowthorn et Ramaswamy (1999) pour analyser le processus d’industrialisation en Europe et en Amérique Latine, mais également par Ngoa Tabi et Atangana Ondoa (2013) pour le cas de l’Afrique. Nous nous proposons dans le cadre de ce travail d’estimer les effets du commerce intra-Afrique Sub-saharienne sur le niveau d’industrialisation de ces différents pays suivant l’approche des chaines de valeurs internationales en référence à Cattaneo et Miroudot (2013), Azmeh (2013), Kaplinsky (2013), Cattaneo et al. (2013), OCDE (2013), Baldwin (2012), Gereffi et Lee (2012), Frederick et Gereffi (2009), Gereffi et al. (2005) et Humphrey et Schmitz (2002). A cet effet, le modèle se présente ainsi qu’il suit :

= +  + 2+ + + +

+ + + 

(1)

Dans la relation (1), nous avons à notre gauche la variable expliquée :

 : est le taux d’industrialisation,  le temps,  le pays. Nous mesurons l’industrialisation par trois indicateurs : (i) nous utilisons dans un premier temps le taux d’industrialisation, qui est le rapport de la valeur ajoutée des industries sur le PIB (Ngoa Tabi et Atangana Ondoa, 2013 ; Hossein et Weiss, 1999) ; (ii) en second lieu, nous retenons la valeur ajoutée manufacturière, qui capte la capacité à transformer les ressources naturelles en biens finals (Di Maio, 2009) ; (iii) enfin, nous faisons recours au ratio de l’emploi industriel dans l’emploi total,

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qui explique comment les biens intermédiaires sont transformés, et décrit la qualité de la main-d’œuvre nécessaire (Gui-Diby, Renard, 2015 ; Kaya, 2010) ;

PIB : est le produit intérieur brut réel par habitant en niveau et élevé au carré, dans l’optique de tester la relation en U entre le PIB et l’industrialisation ou la désindustrialisation postulée par Clark (1957) ;

Urb : le niveau d’urbanisation du pays, approximée par la proportion de la population qui vit en milieu urbain ;

Scol : le taux de scolarisation dans le secondaire ;

FBCF : la formation brute de capital fixe (FBCF) en pourcentage du PIB à prix constant. Ce sont autant de variables explicatives qui permettront d’évaluer l’influence de la modernité sur l’industrialisation.

En effet, la production des biens manufacturiers est généralement à haute intensité capitalistique et toute variation du taux d’investissement influe sur la demande des produits manufacturiers (Rowthorn et Ken Coutts, 2004). On peut observer avec Brady et al. (2011) que le processus d’industrialisation nécessite un niveau minimal de modernité qui peut être approximé par des facteurs tels que l’urbanisation, la scolarisation et la formation du capital physique.

En plus, la variable Pop : désigne population totale permettra d’apprécier l’influence du marché local sur le taux d’industrialisation.

Dmg : désigne durée moyenne de la guerre en cinq ans comme indicateur de l’instabilité politique (Cieslik et Tarsalewska, 2011) ;

ComExt : désigne le commerce entre chaque pays de l’Afrique Sub-saharienne et le reste des pays de cette sous-région. Puisqu’il est question pour nous d’appréhender ce commerce en termes d’intégration aux chaines de valeurs internationales, nous retenons :

- L’intégration aval (mesurée par la part des matières premières dans les exportations de chaque pays de l’Afrique Sub-saharienne vers les autres). L’intégration aval est la part des exportations de valeur ajoutée d’un pays qui se retrouve dans les exportations d’autres pays.

On se place du point de vue des exportations d’un pays dans le monde entier, en particulier des produits qui entrent dans la production des exportations des autres pays (Miroudot et De Bakker, 2013 ; López González et Holmes, 2011 ; OCDE, 2013).

- et l’intégration amont (captée par la part des produits intermédiaires dans les importations de chaque pays de l’Afrique Sub-saharienne en provenance des autres).L’intégration amont est la part de valeur ajoutée étrangère dans les exportations d’un pays. On se place du point

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de vue des exportations d’un pays et on étudie l’importance des facteurs de production étrangers dans la production locale (De Baker et Miroudot, 2013 ; López González et Holmes, 2011 ; OCDE, 2013).

La combinaison de l’intégration amont et aval donne une indication de la participation totale d’un pays de l’Afrique Sub-saharienne aux chaines de valeur sous régionales. Ces deux concepts sont exprimés en pourcentage des exportations brutes de chaque pays. Bien que la participation à ces chaines de valeurs soit globalement similaire pour tous ces pays, les grandes économies affichent des chiffres inférieurs car elles s’appuient moins sur la production destinée au commerce sous régional, tandis que les petites économies ouvertes sont davantage intégrées aux réseaux de production régionaux. Les petites économies ouvertes, comme le Lesotho ou Maurice, acquièrent davantage de biens de production à l’étranger et produisent davantage de biens utilisés dans ces chaînes de valeurs que les grandes économies, comme le Nigeria ou l’Afrique du Sud, où une part plus grande de la chaîne de valeur est située à l’intérieur du pays.

Néanmoins, la participation totale aux CVI est moins déterminée par la taille du pays que l’intégration amont (teneur en valeur ajoutée étrangère des exportations), car elle s’intéresse également à l’utilisation des biens de production dans des économies tierces (OCDE, 2013).

Les  sont des paramètres à estimer, et  représente le terme d’erreur. Toutes les autres variables sont exprimées en logarithme naturel. Il s’ensuit que les coefficients estimés de ces variables seront directement interprétés comme des élasticités.

Tableau 1 : statistiques descriptive

variables obs moyenne Ecart type CV min max

Valeur ajoutée rapportée au PIB 794 26.81 15.60 0.58 1.88 95.70768

Produit intérieur brut 855 8661.878 17768.89 0.002 96.9 176644.6

Population urbaine 855 4281333 8764468 2.04 35498.87 7.89e+07

Formation brute du capital fixe (% PIB) 855 0.49 0.17 0.34 0.017 4.310608

Scolarisation (% secondaire) 810 59.64 24.98 0.42 23.64 175.8505

Population totale 855 1.64e+07 3.00e+07 1.82 512575.8 1.93e+08

Ressources naturelles (% des X vers ASS) 840 19.14 9.59 0.51 5.10 26.56881 consommation intermédiaire (% M venant

de l’ASS) 850 21.15 7.12 0.33 9.43 32.51

Ressources naturelles (% des X vers autre) 851 30.14 63.59 2.11 23.10 95.56881 consommation intermédiaire (% M venant

de l’autre) 855 36.15 9.12 0.25 9.43 54.51

Source : auteur à partir de la base de données CNUCED, UNCTADstat 2014, WDI, FMI, etc

Une analyse du coefficient de variation (CV) montre qu’en dehors des variables population urbaine et ratio d’ouverture vers les autres partenaires qui présentent une dispersion élevée, les

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autres variables ont une faible dispersion. Cette forte dispersion des deux variables confirme leur caractère volatil qui peut être attribuable un fort exode rural dû à la recherche du bien être dans les centres urbains et la disponibilité des matières premières ; mais aussi des troubles internes dans les pays et de leur caractère hétérogène.

Source des données

Les données utilisées dans ce travail couvrent la période 1995 – 2015. Elles sont issues des bases d’organismes ou de centres de recherche internationaux. Les informations relatives aux variables expliquées sont extraites de la base UNCTADSTAT de la CNUCED et du WDI de la Banque mondiale.

Technique d’estimation

Puisque notre étude concerne les pays de l’Afrique Sub-saharienne qui sont observés sur une période de 21 ans, nous constatons que les dimensions inter-individuelles et inter-temporelles sont toutes deux considérées et le modèle adéquate ici est la régression en panel. Mais la validité d’un modèle en données de panel est conditionnelle à certains tests de diagnostic, dont l’un des plus importants est le test de stationnarité. Il existe une multitude d’approches pour tester la présence de racines unitaires dans les données de panel. Toutefois, le recours à l’une ou l’autre approche est fonction de la nature des données. Dans notre contexte où l’échantillon n’est pas rigoureusement censuré, le test le plus adéquat est le test de Fisher qui connait des spécifications sous quatre lois, à savoir la loi de Chi-deux inverse, la loi normale inverse, le logit inverse et le logit inverse modifié.

Les résultats préliminaires de ces tests peuvent ouvrir la voie aux méthodes classiques d’estimation, entre autres les moindres carrés ordinaires sur données empilées ou en cross section, les panels linéaires (effets fixes versus effets aléatoires). Toutefois, ces méthodes restent muettes quant au contrôle du biais d’endogénéité qui reste fortement probable puisque la causalité entre l’industrialisation et chacune de nos variables explicatives peut fonctionner dans les deux directions (Chien-Chiang Lee et al., 2009 ; Cynthia Lin & Liscow, 2013), ce qui justifie la spécification de notre modèle en panel dynamique.

En effet, dans un modèle de panel dynamique, les effets spécifiques aux pays inobservables sont corrélés à la variable dépendante retardée, ce qui pourvoit des estimateurs inconsistants.

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En utilisant les valeurs retardées de la différence première de la variable endogène comme instruments, Holtz-Eakin, Newey et Rosen (1988) et Arellano et Bond (1991) ont développé un estimateur consistant, nommé estimateur GMM en différence. Toutefois, Arellano et Bover (1995), puis Blundell et Bond (1998) ont démontré que lorsque la variable dépendante est persistante dans le temps, les valeurs retardées sont de très mauvais instruments. En utilisant des conditions de moments additionnelles, ces auteurs parviennent à développer un estimateur alternatif plus robuste qualifié d’estimateur GMM en système.