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Revue de littérature sur les inégalités de mobilité Transport et désavantages sociaux

socio-spatiales

1. Revue de littérature sur les inégalités de mobilité Transport et désavantages sociaux

L’accessibilité peut se définir comme la relative facilité avec laquelle une personne peut atteindre des destinations potentielles (Paez et al., 2012). La distribution de l’accessibilité n’est cependant pas

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uniforme et diffère significativement entre les individus. Fol et Gallez (2013) mettent en avant notamment le transport et l’aménagement de l’espace pour différencier l’accessibilité :

« L’accessibilité à une opportunité met ainsi en relation deux composantes : un facteur d’attraction, qui correspond à la répartition des activités au sein d’un espace donné et un facteur d’impédance, qui traduit la résistance à vaincre pour atteindre ce lieu, notamment en termes de temps et de coût de transport » (p. 2).

Martens et al. (2012) reprennent cette même idée. Pour eux, l’accessibilité est déterminée par deux dimensions structurantes : la disponibilité du mode dominant et l’espace. D’abord, l’espace est un déterminant important car le niveau d’accessibilité dépend fortement du lieu de résidence. La distribution des activités est inégale dans la population sachant que les personnes vivant en ville ont souvent plus d’opportunités que leurs homologues résidant en périphérie (Martens et al, 2012). Puis, la disponibilité ou la non disponibilité du mode de transport dominant influence fortement l’accessibilité et les opportunités de vie des individus (Lucas, 2006). Comme l’automobile est souvent le mode dominant dans les pays développés, l’accès à l’automobile est un prérequis pour identifier la population pouvant faire face à des problèmes d’accessibilité et un possible désavantage social. Même si l’impact est plus limité dans certaines localisations comme les centres-villes (Kwok et Yeh, 2004), l’accès aux services clés est souvent réduit lorsque l’on ne détient pas de voiture.

L’un des risques d’un accès limité au mode de transport dominant est de mener à des désavantages sociaux et une exclusion sociale. En particulier, les personnes sans voiture font face à des difficultés accrues pour trouver un emploi (Ong and Blumenberg, 1998; Cervero, 2004; Wenglenski, 2004).

Les concepts et théories de l’exclusion sociale ont émergé au milieu des années 1990. En Grande-Bretagne, la Social Exclusion Unit a été créée en 1997 et en France l’Observatoire de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale a démarré en 1998. Levitas et al. (2007) donne une définition, souvent reprise, de l’exclusion sociale :

“Social exclusion is a complex and multi-dimensional process. It involves the lack or denial of resources, rights, goods and services, and the inability to participate in the normal relationships and activities, available to the majority of people in a society, whether in economic, social, cultural or political arenas. It affects both the quality of life of individuals and the equity and cohesion of society as a whole.”14 (p.9).

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Traduction : « L'exclusion sociale est un processus complexe et multidimensionnel. Cela implique le manque ou l’absence de ressources, de droits, de biens et de services et l'incapacité de participer aux relations et activités normales, accessibles à la majorité des personnes dans une société, que ce soit

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La question de l’exclusion sociale n’a été explorée dans le domaine des transports comme champ d’étude que récemment (Lucas, 2012). Kenyon et al (2002) définissent le lien entre transport et exclusion social comme :

“The process by which people are prevented from participating in the economic, political and social life of the community because of reduced accessibility to opportunities, services and social networks, due in whole or part to insufficient mobility in a society and environment built around the assumption of high mobility”15

(p. 210-211)

Dans cette définition, l’accessibilité est vue en tant qu’interaction sociale et participation à la société. L'exclusion liée à l’accessibilité peut résulter de l'écart par rapport à une norme de mobilité élevée qui se reflète dans la conception de l'environnement construit et des infrastructures de transport, l'organisation spatio-temporelle de la vie sociale, économique et politique et les rythmes collectifs de ces activités quotidiennes, comme les achats et les loisirs (Schwanen et al., 2015).

Au-delà des deux dimensions précédemment évoquées, Fol et Gallez (2013) mettent aussi en avant les contraintes temporelles (horaires de travail, horaire des transports en commun et des lieux des aménités…) qui peuvent jouer un rôle dans l’accès aux opportunités et aménités ainsi que les caractéristiques des individus (âge, revenu, capacités physiques et cognitives…). Church et al (2000) montrent que le problème d’exclusion possible lié aux transports est de nature multidimensionnelle. Ils regroupent les facteurs qui peuvent limiter la mobilité en plusieurscatégories :

- Exclusion physique : Les obstacles physiques liés à la nature du système de transport et à l'environnement bâti empêchent l'accessibilité de certains groupes de personnes d’utiliser le système de transport en raison de difficultés physiques et psychologiques.

- Exclusion géographique et des services importants (santé, éducation…) : Dans les zones périphériques, les mauvaises connexions de transport par rapport au lieu de résidence, ainsi que la distance aux destinations potentielles peuvent empêcher certaines personnes de se déplacer.

- Exclusion économique : Les coûts monétaires du transport peuvent empêcher les gens de voyager ou restreindre leur recherche de destinations potentielles aux zones proches de leur domicile.

dans des domaines économiques, sociaux, culturels ou politiques. Cela affecte à la fois la qualité de vie des individus ainsi que l'équité et la cohésion de la société dans son ensemble »

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Traduction : « Le processus par lequel les personnes sont empêchées de participer à la vie économique, politique et sociale de la communauté en raison de la réduction de l'accessibilité aux opportunités, aux services et aux réseaux sociaux, due en tout ou en partie à une mobilité insuffisante dans une société et un environnement construits autour de l'hypothèse de mobilité élevée »

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- Exclusion liée à la peur : La peur d’une agression et l'insécurité perçue peuvent amener certaines personnes à éviter certains sites (un quartier particulier, des arrêts de bus, etc.) et certains modes de transport.

- Exclusion de l’espace : Les stratégies de sécurité et de gestion de l'espace découragent parfois certaines personnes, notamment celles à risque de préjugés et de discrimination, d'utiliser des espaces de transports publics et lieux publics. C’est le cas par exemple pour les réseaux et lieux « premium » qui sont fréquentés par les catégories aisées de la population.

- Exclusion liée au temps : Certaines personnes peuvent avoir des contraintes horaires liés à leurs engagement (travail…), qui peuvent limiter leurs possibilités de déplacement ou impliquer qu’ils ne peuvent voyager qu’à des moments où il y a moins de services de transport disponibles.

Dans la continuité, Lucas (2012) fournit un cadre conceptuel (Graphique 33) montrant que les interactions entre les désavantages liés au transport (pas de voiture, faible offre de transports en commun, prix des billets élevé, mauvaises informations sur les déplacements possibles, peur des transports) et les désavantages sociaux (faible revenu, pas de travail, faible compétence, mauvaise santé, logement insalubre) contribuent à renforcer les problèmes d’accessibilité et favorisent l’exclusion sociale.

Un certain nombre de travaux s’intéressent aux disparités sociales de mobilité. Des études en Grande-Bretagne (SEU, 2003), aux Etats-Unis (Murakami et Young, 1997; Pucher et Renne, 2003) et en France (Mignot et Rosales-Montano, 2006; Orfeuil, 2004; Paulo, 2007) montrent que dans un contexte spatial défini (en terme de densité), les ménages à faible revenu ont généralement moins de voitures que les autres, font des déplacements plus courts et ont une plus faible fréquence de déplacements. Dans le cadre de notre travail, nous évoquerons le cas des désavantages socio-territoriaux (revenus faibles et habitat en zone peu dense) et des désavantages de mobilité (pas de voiture ou mono-motorisation) qui peuvent engendrer des désavantages de mobilité.

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Graphique 33 - Diagramme illustrant la relation entre les désavantages de transport, les désavantages sociaux et l’exclusion sociale