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Constatation empirique du phénomène Tendances agrégées observées au niveau national

Chapitre 2 : Revue de littérature sur le Peak Car le Peak Car

1. Constatation empirique du phénomène Tendances agrégées observées au niveau national

On trouve quelques travaux qui font état d’une comparaison internationale du trafic automobile au niveau agrégé dans différents pays. C’est notamment le cas du Forum International du Transport de l’OCDE qui a réalisé en 2011 une comparaison entre sept pays occidentaux (France, Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Etats-Unis, Australie et Japon) des voyageurs-kilomètre en voiture particulière et véhicule utilitaire léger entre 1990 et 2010 (Graphique 4).

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Graphique 4 - Evolution du trafic en voyageurs-kilomètres réalisés en voiture particulière et véhicule utilitaire léger (indices 1990 = 100)

Lecture : Pour les Etats-Unis, la courbe supérieure représente l’hypothèse que le taux d’occupation des voitures est resté le même que celui mesuré en 2001. La courbe inférieure repose sur l’hypothèse que le taux d’occupation a baissé à compter de 2001. La courbe « exacte » se situe surement entre ces deux courbes.

Source : International Transport Forum Statistics (2011)

Après avoir connu une hausse au cours des années 1990, la croissance du trafic automobile total s’est ralentie au début des années 2000 dans tous les pays étudiés. L’usage automobile tend même à se stabiliser voire à réduire dans certains pays au cours des années 2000. En France (courbe verte), la circulation automobile totale stagne depuis 2003. Au Royaume-Uni, le trafic automobile décroit à partir de 2007 après un plafonnement dès 2003. Au Japon, l’utilisation décline depuis 1999 et aux Etats-Unis dès 2005. On voit donc que le plafonnement voire la diminution du trafic automobile a commencé avant la crise économique de 2008 (représentée par la barre bleue sur le graphique).

En France (SoeS, 2012), le bilan de la circulation des Comptes Transport de la Nation montre que la circulation routière totale, après avoir connu une hausse de 31,7% entre 1990 et 2003 (soit +2,1% par an), s’est infléchie significativement à partir de cette date. Entre 2003 et 2010, elle tend à plafonner avec une progression de seulement 1,4% entre 2003 et 2010 (+0,2% par an).

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Graphique 5 - Véhicules-kilomètres par personne et par an

Source : Gargett (BITRE, 2012)

Dans un rapport pour le BITRE (Bureau of Infrastructure, Transport and Regional Economics - Australie), Gargett (2012) compare la croissance du trafic routier individuel (véhicule-kilomètre par personne pour l’ensemble du trafic routier) sur le long terme dans 25 pays occidentaux (Graphique 5). Comme l’évoque l’auteur, après une croissance rapide dans les années 1960 et 1970, la croissance du trafic par personne (tout type de véhicule) a ralenti, et beaucoup de pays approchent de la saturation. Par exemple, en Australie (courbe en noire), le trafic par personne connait un maximum en 2002 et un repli par la suite.

Aux Etats-Unis, Puentes (2012) montre que le trafic automobile total (kilométrage annuel des véhicules) a connu un important changement de tendance après des décennies de croissance quasi continue. La circulation totale a connu sa dernière hausse entre 2003 et 2004 et baisse depuis 2007 (Graphique 6). Cette baisse est la plus importante enregistrée depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Puentes et Tomer (2008), dans un des travaux préliminaires au débat sur le Peak Car, montrent notamment que la baisse du trafic total dans les années 2000 touche à la fois les zones urbaines (à partir de 2007) et rurales (à partir de 2004). Au niveau du trafic individuel, on note une tendance similaire. Les véhicules kilomètres parcourus par personne (kilométrage annuel total des véhicules, divisé par la population totale) connaissent eux aussi une stagnation au milieu des années 2000 suivi d’une baisse à partir de 2007 (on peut le remarquer sur la courbe la plus haute en bleue du Graphique 5).

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Graphique 6 - Véhicule-kilomètres parcourus (VMT) aux Etats-Unis, 1956-2012

Source : Puentes (2012)

En Grande Bretagne, le Vine et al. (2009) exposent que la motorisation et l’usage automobile ont augmenté presque sans discontinuer au cours des 50 dernières années hormis à de rares exceptions lors de récessions économiques. Cependant, au tournant des années 1990, on observe une stabilisation du niveau de l’usage automobile individuel (véhicules-kilomètres parcourus par personne). Cette stabilisation de l’usage automobile en Grande Bretagne n’est pas suivie d’un plafonnement de la motorisation ou du permis qui eux ont continué à croître dans les années 2000.

En France (CCTN, 2016), il y a une baisse prononcée de l’usage individuel des véhicules particuliers à partir de 2001 (passant de plus de 13 700 km/an en 2000 à 12 700 km/an en 2012).

Au Pays-Bas, Van der Waard et al (2013) montre que le kilométrage total parcouru a augmenté de 40% ces 25 dernières années. Cependant, la hausse est très modérée dans les années 2000 (4% entre 2000 et 2011) alors qu’elle était beaucoup plus forte dans les années 1980 et 1990. De plus, depuis 2005, le trafic total tend à se stabiliser.

D’un point de vue très agrégé, le rapport de 2012 du Forum international des Transports (« Perspectives des transports : Des transports sans rupture au service d’une croissance verte ») permet de comparer l’évolution du trafic annuel moyen des véhicules légers entre les pays de l’OCDE et hors-OCDE (Graphique 7) :

« L’utilisation des véhicules légers servant au transport de personnes a progressé au rythme constant de 2 % par an dans l’OCDE entre 1975 et 2005, avant de tomber à 1 % au cours de la période 2005– 2010. Hors OCDE, une croissance en moyenne identique a été observée jusqu’à la fin du XXe siècle, après quoi elle a marqué une accélération qui, à moins d’être freinée, débouchera sur des phénomènes de motorisation et d’utilisation massives. Globalement, l’utilisation des véhicules légers apparaît en moyenne annuelle près de 2.5 fois plus élevée en 2010 qu’en 1975. » (p. 51)

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Graphique 7 - Indice du trafic annuel des véhicules légers particuliers (Indice 1974=100)

Source : ITF 2012, modèle MoMo

Hormis certains travaux évoqués qui comparent l’usage automobile entre les pays, les périodes d’analyse et les méthodes de calcul ne sont pas forcément les mêmes selon les études et dépendent des données disponibles dans chaque pays ce qui implique que les résultats ne sont pas toujours directement comparables entre eux. Cependant, on peut faire le constat sans équivoque que, dans la plupart des pays développés, le trafic automobile (que ce soit total ou par personne) a fortement ralenti et se stabilise. Il est même en baisse dans beaucoup de pays au milieu des années 2000.

1.2. Les tendances observées dans les grandes métropoles

Newman et Kenworthy (2011) utilisent les données de Global Cities Database qui regroupent des informations sur de nombreuses villes de pays développés (Etats-Unis, Canada, Australie et Europe). Ils synthétisent notamment les changements de l’usage automobile individuel sur une période de 45 ans de 1960 à 2005. En regroupant toutes les villes ensemble, ils suggèrent une baisse du taux de croissance du trafic automobile individuel (véhicule-kilomètre parcourus par personne) au cours du temps. Le taux de croissance était de 42% entre 1960 et 1970, 26% entre 1970 et 1980, 23% entre 1980 et 1990. Cependant, entre 1995 et 2005, la croissance de l’usage individuel n’est plus qu’en moyenne de 5%. Dans certaines villes, la circulation est même en baisse sur cette période. En Europe : à Londres, le kilométrage individuel est en baisse de 1,2%, à Stockholm de 3,7%, à Vienne de 7,6% et à Zurich de 4,7%. Aux Etats-Unis : la mobilité automobile a diminué entre 1995 et 2005 de 10,1% à Atlanta, 15,2% à Houston, 2% à Los Angeles et 4,8% à San Francisco. Leurs données confirment donc un changement de tendance allant vers un plafonnement dans de nombreuses villes. Selon eux, le phénomène du Peak Car suggère que l’on est surement en train d’être les témoins de la fin des villes

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construites autour de l’automobile (au moins dans les pays développés), et donc la fin de la dépendance automobile dans les villes.

Stanley et Barrett (2010) montre un phénomène commun aux villes australiennes (Sydney, Melbourne, Brisbane, Adelaide et Perth). La mobilité automobile a connu un pic au même moment dans ces villes, en 2004, et le kilométrage moyen par personne est en baisse à partir de cette date.

En Suède, le trafic total stagne depuis 2007. Que ce soit au niveau national ou dans les deux principales villes du pays (Stockholm et Göteborg), le trafic individuel a globalement stagné au début des années 2000 et baisse à partir de 2008. Cependant, la baisse est plus marquée dans les zones urbaines (Bastian et Borjesson, 2015).

Nous aurons l’occasion de revenir en détails sur le cas de l’Ile-de-France dans le chapitre 3 mais on peut tout de même citer le rapport du STIF (2012) qui présente les principaux résultats de l'enquête globale transport menée en 2010. On voit que les déplacements sont moins orientés vers l'automobile (1,46 déplacement par personne et par jour en voiture en 2010 contre 1,54 en 2001) alors que la mobilité en transport en commun est en nette progression (0,78 déplacement par personne et par jour en 2010 contre 0,68 en 2001). La part modale de l'automobile a donc fortement chuté (38% des déplacements se font en voiture en 2010 contre 44% en 2001).

A Londres, le phénomène de saturation et de recul de l'automobile s'est enclenché depuis une quinzaine d'années (Metz, 2010). Le nombre total de déplacements en voiture et le kilométrage automobile total sont en baisse depuis le milieu des années 1990. La distance moyenne parcourue par personne en voiture en tant que conducteur est en baisse de 39% entre 1996 et 2013, et de 27% pour les passagers. En conséquence, la part modale de la voiture (en termes de nombre de déplacements) est en constante baisse passant de près de 50% des déplacements autour de 1990 à 37% dans les années 2010. Au contraire, les déplacements en transports en commun (bus et transports ferrés) sont en hausse quasi constante au cours de cette même période (Metz, 2015).

Dans certaines grandes métropoles comme Londres et Paris, le changement semble se positionner dans un processus à plus long terme de retournement de tendance de la mobilité automobile, antérieur au changement observé avec les données agrégées aux niveaux nationaux. Les zones denses pourraient donc être des lieux précurseurs de changements de tendance.

1.3. Un déclin vraiment de long terme ?

Les données sont encore peu nombreuses mais il y a une tendance récente à la reprise du trafic qui vient contredire l’hypothèse du Peak Car. En France (CCTN, 2016), Le trafic total repart légèrement à la hausse à partir de 2009 mais le taux de croissance est très en deçà de ce que l’on pouvait observer dans les années 1990 et précédemment. Très récemment, il y a aussi une légère reprise du kilométrage individuel à partir de 2013 (cf. section 1.5 du chapitre 3). Aux Etats-Unis, le nombre de voitures par personnes et par ménages est en légère hausse après avoir connu un point bas respectivement en 2012

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et 2013. Pour le kilométrage par personne et par ménage, le constat est le même. Ils ont connu un maximum en 2004 puis ont diminué jusqu’à un point bas en 2013. A partir de cette date, il y a un léger rebond de l’usage automobile individuel (Sivak, 2017). Cela peut s’expliquer en partie par le prix bas des carburants et par des réajustements des comportements suite à une forte baisse depuis le début des années 2000. Mais de nombreux facteurs peuvent entrer en jeu comme on va le voir dans la section suivante.