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Source : Lucas (2012)

4. Résultats concernant le kilométrage

5.4. Discussion sur l’évolution des comportements de mobilité et l’hypothèse du “Peak Car”

5.4.1. Proche du plafonnement ?

Nous allons discuter de la question du plafonnement de la motorisation et du kilométrage en Ile-de-France au regard de nos résultats et en les complétant d’un travail réalisé par Collet et al (2012). Dans cet article, les auteurs ont modélisé la diffusion de la motorisation et de l’usage en France et au niveau de la région parisienne. Des fonctions sigmoïdes ont été ajustées sur les courbes concaves représentant les tendances pour le nombre moyen de voitures par adulte et le kilométrage moyen par ménage. Cette spécification permet d’estimer des seuils de saturation pour chaque quart de la distribution des niveaux de vie des ménages (Tableau 11). Ces seuils de saturation, estimés avec des intervalles de confiance assez étroits, sont proches des niveaux atteints récemment, ce qui montre que le processus de diffusion de l’automobile en région parisienne semble être proche d’avoir atteint ses limites dans l’état actuel du prix des carburants, du revenu, des infrastructures de transport et de la technologie.

Tableau 11 - Seuils de saturation estimés en région parisienne

Q1 Q2 Q3 Q4 Nombre de voitures par adulte 0,42 0,54 0,63 0,62

Kilométrage annuel par ménage 8643 10061 10742 10717 Données : ECAM (1974–1994), Parc Auto (1994–2010)

Source: Collet et al. (2012)

Cependant, comme montré dans ce chapitre, l’évolution de la motorisation et de l’usage au cours du temps est hétérogène et le maximum n’est pas apparu au même moment dans les différents lieux de vie. On peut donc questionner la nature de la saturation atteinte.

Pour le kilométrage, le plafonnement est un phénomène de long terme puisque le seuil est observé dès les années 1980 pour les habitants de Paris et l’usage a suivi une tendance baissière depuis. En Grande Couronne, la hausse a été forte et jusqu’au tournant des années 1990 où l’usage a commencé à réduire par la suite. Elle est en partie influencée par le prix des carburants à la hausse à partir de cette date. Pour la motorisation, on retrouve le même processus selon lequel la stabilisation est plus récente dans les territoires distants du centre. En effet, le plafonnement de la motorisation en zone centre est présent depuis les années 1980 alors que le maximum est plus récent en périphérie (au milieu des années 2000).

A Paris, la réduction de la motorisation et de l’usage est donc un phénomène de long terme qui semble être structurel de changement profond dans le comportement automobile. Alors qu’en périphérie, la réduction de la motorisation et de l’usage pourrait être un phénomène transitoire et pourraient repartir à la hausse si les conditions économiques s’améliorent dans le futur.

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5.4.2. Influence du revenu

Comme on a distingué la motorisation et le kilométrage selon différents niveaux de vie, il est possible de voir l’effet du revenu sur la mobilité. Si l’on s’intéresse aux ménages les plus aisés, ce sont eux qui ont la motorisation et l’usage le plus élevé tout au long de la période étudiée. Il y a, de fait, une influence transversale du revenu sur la mobilité automobile. Cependant, le plafonnement de la motorisation et de l’usage est un phénomène très ancien (dès les années 1980) dans ce groupe de population. Cela suggère donc une décorrélation prononcée lorsque le revenu augmente.

Afin de mettre en avant cette décorrélation, au lieu de représenter l’évolution de la motorisation et du kilométrage en fonction du temps dans chaque quart de la population, on a représenté cette évolution en fonction du revenu dans chaque quart à chaque date des enquêtes de 1974 à 2013. L’idée est ici de voir comment évolue la relation entre le revenu et l’automobile lorsque le revenu évolue.

Graphique 40 - Relation entre le revenu et le nombre de voiture des ménages

Lecture : Dans chaque quart, chaque point représente la relation entre le revenu moyen du quart et le nombre moyen de voiture par adulte dans ce même quart à une date t. Pour chaque quart, il y a un point par année d’enquête.

Source : ECAM 1974-1994, Parc Auto 1984-2013

Sur le Graphique 40, on a représenté le nombre moyen de voitures par adulte en fonction du revenu du ménage. Plus le revenu est élevé plus la motorisation est importante. De plus, au sein de chaque quart Q1 à Q3, on constate une relation croissante entre la motorisation et le revenu qui augmente au cours du temps. Néanmoins, les écarts de motorisation entre Q2 et Q3 sont relativement faibles, ce qui laisse entendre un effet dynamique du revenu qui tend à diminuer à mesure que le revenu augmente. De plus, pour le quart Q4, le niveau de motorisation est élevé mais la relation entre l’évolution de la

0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0 10 20 30 40 50 60 70 N o m b re d e v o itu re s p ar ad u lte

Revenu moyen par an des ménages (en k€)

Q1 Q2 Q3 Q4

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motorisation et du revenu est très diffuse (nuage de points). Cela corrobore bien l’idée d’une décorrélation entre hausse du revenu et hausse de la motorisation pour les hauts revenus.

On retrouve le même constat pour la relation entre revenu des ménages et kilométrage annuel moyen par ménage dans chaque quart de la population (Graphique 41). Plus un ménage voit son revenu augmenter, plus son niveau de kilométrage tend à être élevé. De plus, pour le quart le plus aisé (Q4), la relation entre la hausse du revenu et le kilométrage est très diffuse. Cependant, on voit que les écarts d’usage entre les trois derniers quarts sont assez faibles, surtout entre les quarts Q2 et Q3. Cela suggère donc que le revenu a une influence relativement faible sur le kilométrage et qu’elle s’affaiblit à mesure que le revenu augmente.

Graphique 41 - Relation entre le revenu et le kilométrage des ménages

Lecture : Dans chaque quart, chaque point représente la relation entre le revenu moyen du quart et le nombre moyen de voiture par adulte dans ce même quart à une date t. Pour chaque quart, il y a un point par année d’enquête.

Source : ECAM 1974-1994, Parc Auto 1984-2013

L’idée d’une relation faible entre le kilométrage et l’évolution du niveau de vie est visible dans le Graphique 37 où les évolutions sont fluctuantes dans chaque quart et les écarts entre groupes moins prononcés que pour la motorisation. Par contre, pour les ménages les moins aisés, un revenu plus faible impacte négativement leur usage de la voiture. Nous reviendrons sur la quantification de l’effet revenu dans le chapitre suivant.

2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 0 10 20 30 40 50 60 70 K ilom ét rag e ann u el m oyen p ar m én ag e

Revenu moyen par an des ménages (en k€)

Q1 Q2 Q3 Q4

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Conclusion

Dans cette partie, nous avons décrit la mobilité des franciliens en nous intéressant à certains enjeux du Peak Car. Notamment, dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés aux écarts de revenus quant à la motorisation et à l’usage de l’automobile, et à la question de la diffusion sociale de la mobilité. Il en ressort notamment que les ménages à faibles revenus restent en retrait des autres groupes qui tendent à homogénéiser leurs comportements. On a aussi vu que les indicateurs d’inégalité ont fortement baissé au cours du temps, montrant que le processus de diffusion a bien eu lieu. Cependant, ces indicateurs tendent à stagner depuis une dizaine d’années. En effet, les écarts de mobilité entre les quarts Q2 à Q4 sont faibles aujourd’hui et la mobilité tend à stagner à mesure que le revenu augmente. De fait, cela laisse présager que le processus pourrait atteindre ses limites et donc viendrait renforcer l’hypothèse du Peak Car. Néanmoins, comme la mobilité dans les zones moins denses a stagné en parallèle de la hausse du prix des carburants, il n’est pas encore certain que la mobilité automobile ne reparte pas à la hausse dans ces zones.

Par ailleurs, si la relation positive entre le niveau de revenu et le niveau de motorisation semble vérifiée, la relation parait plus tenue entre le revenu et l’usage du fait d’évolutions plus fluctuantes et d’écarts inter-groupes moins prononcés.

Dans la partie suivante, nous allons présenter des modélisations de la mobilité afin de vérifier notamment l’influence des variables explicatives mises en avant dans ces deux derniers chapitres. Dans le chapitre suivant, on quantifiera l’effet du revenu et l’influence du prix des carburants qui ont été évoqués dans ce chapitre et qui semblent être importants, notamment dans les années 2000. Enfin, dans le chapitre 6, nous élargirons la modélisation des effets en tenant compte des facteurs d’opinion.

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ème

Partie