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Nous nous intéressons, tout d’abord, spécifiquement au cas de l’automobile et à l’évolution de son usage au cours du temps afin de questionner le retournement de tendance observé en Ile-de-France. Plusieurs indicateurs sont analysés : le taux de permis, la taille du parc, le taux d’équipement (pourcentage de ménages ayant au moins une voiture), le taux de multi-équipement (pourcentage de ménages ayant au moins deux voitures), le taux de motorisation (nombre moyen de voitures par ménage), le taux d’occupation des véhicules et le kilométrage (par voiture et par ménage). Lorsque l’on a accès aux données individuelles, on désagrégera ces indicateurs selon la zone de résidence, l’âge et le sexe afin de faire ressortir de grandes tendances et des signaux de changements de tendance. Pour analyser la place de l’automobile en Ile-de-France, nous utilisons conjointement les enquêtes EGT et Parc Auto qui ont été présentées dans le chapitre 1. Nous avons privilégié les EGT pour décrire le taux de permis, la taille du parc, la motorisation et le taux d’occupation des véhicules car la taille de l’échantillon est plus importante, ce qui permet une analyse plus fine pour les différents groupes de population. Parc Auto est utilisée pour décrire la rétrospective annuelle du kilométrage automobile.

1.1. Permis de conduire

1.1.1. Le taux de permis est en hausse

Le premier critère utilisé pour évoquer l’automobile est souvent le permis de conduire. Le passage du permis est en effet le vecteur déclencheur d’une future motorisation et d’un usage de l’automobile en tant que conducteur. Un changement de tendance dans le passage du permis de conduire aura donc des répercussions futures sur la motorisation et l’usage automobile.

Le pourcentage d’adultes (18 ans et plus) ayant le permis de conduire est en hausse en Ile-de-France au cours des trente dernières années (Graphique 11). Il est passé de 68% en 1983 (l’information n’est pas disponible dans l’EGT de 1976) à 78% en 2010. Cependant, la hausse est très modérée dans les années 2000 (de 77% à 78% entre 2001 et 2010). On observe donc un fort ralentissement du processus de diffusion du permis dans la population (voir la distinction homme/femme ci-dessous pour nuancer ce propos).

Le taux de permis des adultes est plus élevé en grande couronne (82% en 2010) que dans les parties plus denses de la région car c’est une zone où la dépendance automobile est grande, ce qui renforce le besoin d’avoir le permis de conduire. Néanmoins, les différences entre les zones ne sont pas très fortes, de l’ordre de quelques points de pourcentage. Le taux de permis est même actuellement plus élevé chez les parisiens (78% en 2010) qu’en Petite Couronne (73%).

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Graphique 11 - Taux de permis des adultes selon la zone de résidence

Note : L’information sur le permis de conduire n’est pas disponible dans l’EGT de 1976 Champ : Ensemble des personnes de 18 ans et plus

Source : EGT 1983-2010

Cette faible différence entre les zones peut s’expliquer par le besoin de détenir le permis de conduire pour la majorité de la population. Le passage du permis est perçu comme important car il reflète la possibilité de conduire s’il y en a le besoin un jour, notamment pour un futur travail. De plus, même si les nouvelles générations tendent à nuancer quelques peu ce propos, le passage du permis est très souvent perçu comme un sentiment de liberté et de passage à l’âge adulte pour les jeunes. Il semble donc logique de retrouver aussi un taux de permis élevé dans les zones denses, là où la place de la voiture est réduite, même si les individus conduisent peu dans les faits.

1.1.2. Le rattrapage du passage du permis chez les femmes

Si près de 80% des adultes franciliens ont leur permis de conduire en 2010, il persiste encore une différence homme/femme significative (Tableau 4). Pour les hommes, le taux de permis se situe autour de 85% et ce chiffre est relativement constant dans le temps, ce qui montre que la diffusion du permis pour eux tend à être arrivée à son maximum depuis longtemps. Alors que pour les femmes, il y a eu une forte hausse du passage du permis au cours du temps. L’écart homme/femme était de plus de 30 points de pourcentage en 1983 (53% pour les femmes contre 84% pour les hommes) alors qu’il est aujourd’hui de 13 points (72% pour les femmes contre 85% pour les hommes). Même si l’écart homme/femme reste encore important dans la population totale en 2010, une convergence s’opère entre les hommes et les femmes au cours du temps. Au niveau France entière, on retrouve le même constat. Le taux de détention du permis des femmes a connu une forte progression, passant de 22 % en 1967 à 76 % en 2007, celui des hommes a moins rapidement augmenté, bien que restant supérieur (91 % en 2007 contre 65 % en 1967) (Demoli, 2014 ; Roux, 2012).

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Ile-de-France Paris Petite Couronne Grande Couronne 1983 1991 2001 2010

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Tableau 4 - Taux de permis des adultes - Distinction homme/femme

1983 1991 2001 2010

Homme 84% 86% 87% 85%

Femme 53% 63% 69% 72%

Champ : Ensemble des personnes de 18 ans et plus Source : EGT 1983-2010

Cela s’explique par le renouvellement des générations. Sous l’impulsion notamment de la hausse du taux d’activité des femmes (rapport entre le nombre d'actifs (actifs occupés et chômeurs) et l'ensemble de la population correspondante), les nouvelles générations tendent à passer autant le permis que les hommes, ce qui réduit mécaniquement l’écart au cours du temps car la part des anciennes générations de femmes dans la population, qui ont moins passé le permis, se réduit avec le temps. Cette évolution peut être attribuée à la hausse du taux d’activité des femmes :

« L’augmentation du nombre de femmes ayant un permis […] peut être attribuée à la poursuite du mouvement d’émancipation et d’autonomisation des femmes, notamment grâce à leur participation au monde du travail » (Roux, 2012, p.123).

Camors et al. (2011) évoquent l’évolution du taux d’activité des femmes dans la région : « En Île-de-France, 5,9 millions de personnes exercent une activité professionnelle ou recherchent un emploi en 2006, soit un taux d’activité de 74,7 %. La part des femmes dans la population active ne cesse de progresser depuis plus de vingt ans : 48,7 % en 2006 contre 43,9 % en 1982. L’activité féminine s’est fortement développée depuis le début des années 1960 : 53 % des femmes âgées de 25 à 64 ans étaient actives en 1962, elles sont près de 80 % en 2006. Ainsi, le taux d’activité des femmes se rapproche de celui des hommes (8 points d’écarts en 2006 contre 40 points en 1962 en Ile-de-France) » (p. 16).

1.1.3. Le passage du permis est en baisse chez les jeunes

Sur le Graphique 12, on a représenté le taux de permis selon les classes d’âge au cours du temps. Comme l’évoquent Sivak et Schoettle (2012), le pourcentage de jeunes ayant le permis de conduire se réduit au cours du temps dans plusieurs pays occidentaux (Suède, Norvège, Grande-Bretagne, Canada, Japon, Corée du Sud, Allemagne) alors qu’il est en hausse pour les personnes plus âgées. Il en est de même en Ile-de-France. Pour la classe d’âge 18-24 ans, le pourcentage de jeunes ayant le permis est en baisse à chaque date. Près de 60% des jeunes avaient le permis en 1983 contre un peu plus de 40% seulement aujourd’hui. Ce retournement de tendance du passage du permis se retrouve aussi dans les enquêtes plus récentes pour les classes d’âge supérieures où le pourcentage de personnes ayant le permis est en baisse à partir des années 1990 pour les 25-34 ans et dans les années 2000 pour les 35-44 ans. A contrario, pour les classes d’âge 45-54 ans, et surtout les classes 55-64 ans et plus de 65 ans, le pourcentage de personnes ayant le permis est de plus en plus important avec le temps.

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Graphique 12 - Taux de permis des adultes selon la classe d’âge et le sexe

Lecture : Chaque barre de l’histogramme correspond au pourcentage de personnes ayant le permis de conduire dans une certaine classe d’âge à une année donnée (celle de chaque enquête EGT)

Champ : Ensemble des personnes de 18 ans et plus Source : EGT 1983-2010

La hausse du passage du permis chez les retraités peut s’expliquer parce que les nouvelles générations d’adultes appartenant aux classes d’âge âgées sont celles qui ont beaucoup passé le permis dans les années 1950-1970. Ces personnes appartiennent à la génération « tout voiture » née peu après la 2nde guerre mondiale dans une période de forte démocratisation de l’automobile. A l’opposé, les nouvelles générations de jeunes passent moins le permis que les précédentes. Les tendances sont similaires pour les hommes et les femmes.

Que ce soit pour les jeunes ou les personnes retraitées, on est donc face à un renouvellement générationnel qui implique des changements de tendance opposés. Cependant pour les jeunes, il est possible que ce retournement de tendance soit dû à un décalage dans le temps du passage du permis (à cause de l’allongement de la durée des études ou du coût du permis pour les jeunes notamment). Nous reviendrons sur ce point et les implications par rapport au Peak Car dans la discussion de ce chapitre, section 3. Nous modéliserons aussi les effets de générations et d’âge sur la mobilité dans le chapitre 5.

1.2. Taille du parc automobile

Après le permis de conduire, la motorisation est aussi un prérequis de l’usage de l’automobile. Dans un premier temps, nous regardons la taille du parc automobile francilien qui correspond au nombre total de voitures à disposition des ménages résidant en Ile-de-France.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 18-24 25-34 35-44 45-54 55-64 >65 1983 1991 2001 2010

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La taille du parc automobile francilien (Graphique 13) s’élève à près de 4,9 millions de voitures en 2010. Le nombre total de voitures à disposition des ménages est en hausse à chaque date et a globalement augmenté de 70% entre 1976 et 2010. Cette augmentation dépend en partie de la population francilienne qui elle aussi est en hausse, passant de 9,9 millions d’habitants en 1976 à 11,8 millions en 2010.

Contrairement au permis, on remarque des tendances différentes entre les zones de résidence. A Paris, le parc a très légèrement augmenté entre 1976 et 2001 et il est même en baisse dans les années 2000 (460 000 voitures en 2010)12. En banlieue, la taille du parc est néanmoins en hausse à chaque date mais la hausse est plus forte dans la partie la moins dense de la région. Cela est dû à l’augmentation de la population qui est plus importante en périphérie que dans les zones plus denses et à la plus forte motorisation des ménages dans ces zones (cf. sous-section suivante). On observe donc un plafonnement de possession totale de voitures dans la zone la plus dense de l’Ile-de-France.

Graphique 13 - Parc automobile en Ile-de-France

Champ : Ensemble des véhicules particuliers à disposition des ménages