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2. Impact des incitatifs économiques sur le dépistage des cancers

1.2. Revue de la littérature

Afin d’identifier les dispositifs à proposer aux médecins, nous nous sommes basés sur plusieurs revues de la littérature portant 1) sur les expériences étrangères d’évaluation de dispositifs incitatifs visant à l’amélioration des pratiques de prévention/dépistage et 2) sur le contexte français de dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon. Les dispositifs finalement retenus sont présentés dans la section suivante.

1.2.1. Expériences étrangères

Dans une revue de la littérature sur les interventions effectuées pour modifier les comportements des offreurs de soin, Grimshaw et al. (2001) ont montré que des interventions actives telles que des rappels ou des formations étaient efficaces pour changer les comportements, tandis que les interventions moins actives telles que participer à des conférences, lire les journaux médicaux ou envoyer par mail des recommandations médicales, n’étaient pas efficaces. Dans une autre revue de la littérature, les auteurs se sont basés sur 41 revues systématiques de la littérature d’interventions pour le dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus et les comportements de prévention (alcool, tabac, alimentation) (Ellis et al 2005). Selon eux, les interventions les plus efficaces incluaient l’utilisation de systèmes de rappel (« reminders and prompts ») et combinaient des incitatifs côté offre à destination des médecins et côté demande à destination des patients.

Dans une revue de la littérature plus récente, Sabatino et al. (2012) se sont intéressés plus précisément à l’efficacité d’interventions mises en œuvre pour augmenter le suivi des recommandations et la délivrance de dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon. A partir d’une dizaine d’études, les auteurs ont mis en évidence des résultats plus ou moins différents des précédents : les interventions d’évaluation et de retours sur les pratiques (« assessment and feedbacks ») ainsi que les formations pouvaient accroître le dépistage de ces cancers. En revanche, les études concernant l’impact des dispositifs financiers étaient trop limitées et de trop faible qualité pour pouvoir en tirer des conclusions robustes (Town et al 2005b).

Les résultats obtenus par ces différentes revues de la littérature, bien que différents, ne sont pas forcément contradictoires. En effet, il est possible que certains dispositifs soient complémentaires ou substituables et donc que leur valorisation diffère selon qu’ils sont combinés ou non. Notons par ailleurs que le contexte dans lequel s’inscrit les différents

78 dépistages est susceptible de modifier la perception de l’utilité d’un dispositif. De fait, il est indispensable d’analyser plus précisément le contexte français de dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus, et du côlon.

1.2.2. Contexte national

En France, un programme de dépistage organisé (DO) a été mis en place depuis 2004 pour le cancer du sein, coordonné par les structures de gestion au niveau départemental. Les femmes sont invitées par les structures de gestion qui, à la suite du dépistage, sont censées informer le médecin choisi par la femme dépistée (médecin traitant ou gynécologue) à la fois de la réalisation de la mammographie et des résultats. Toutefois, le circuit du dépistage semble encore souvent échapper au médecin traitant, puisque la femme est libre de choisir le médecin auquel sont envoyés les résultats. Le manque d’information des MGs sur le fait

que leurs patientes éligibles aient réalisé ou non une mammographie constitue clairement

une limite et un frein à leur engagement dans le dépistage de ce cancer (Liberalotto 2012). Ce frein n’est pas propre au dépistage du cancer du sein et peut aussi concerner notamment le dépistage du cancer du col de l’utérus. Parmi ses recommandations à l’évolution du DO, la HAS recommande la transmission systématique des résultats de la mammographie de DO au médecin traitant et au gynécologue25.

D’après l’enquête BVA/INCa (Bungener et al 2010), 45% des MGs déclarent vérifier systématiquement auprès de leurs patientes concernées la réalisation d’un dépistage du cancer du col de l’utérus. Interrogés sur les raisons pour lesquelles ils réalisent le frottis, 52% répondent que « réaliser cet acte fait partie de [leur] rôle ». Depuis les années 90, quatre départements ont mis en place et maintenu des initiatives locales de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus et ont été rejoint par 9 autres départements en 2009. Dans sa thèse, Liberalotto (2012) s’intéresse à l’impact de la mise en place de dépistage organisé dans certains départements. Elle montre que l’efficacité du dépistage organisé expérimental sur l’attitude des MGs est variable selon les départements pilotes. Par ailleurs, elle cite deux principaux dispositifs mis en place par les associations locales de dépistage de cancer (l’association Eve dans le Bas-Rhin) ou par les programmes départementaux de dépistage organisé: les formations pratiques à la réalisation du dépistage (frottis) destinées aux MGs et la mise à disposition de dépliants informatifs sur le dépistage à destination des patients.

25 « La participation au dépistage du cancer du sein des femmes de 50 à 74 ans en France. Situation actuelle et perspectives d’évolution ». Haute Autorité de Santé. Synthèse et recommandations. Novembre 2011.

79 En France, des expérimentations de dépistage organisé (DO) du cancer colorectal ont été initié par les pouvoirs publics de 2002 et 2007 dans 23 départements pilotes. Le programme a été généralisé à l’ensemble du territoire français à partir de 2009 ; il est géré au niveau de chaque département par des structures de gestion qui se réfèrent à un cahier des charges national. Le médecin traitant occupe un rôle déterminant dans l’adhésion du patient au programme de DO : il évalue les situations d’exclusion en fonction des facteurs de risque du patient, et remet le test en expliquant ses modalités de réalisation et les conséquences en cas de positivité. Toutefois, d’après l’enquête INCa/BVA, les médecins déclarent être les initiateurs d’une discussion sur le dépistage du cancer colorectal dans moins de la moitié des cas (52%). Par ailleurs, ils déclarent ne le vérifier systématiquement que dans 34% des cas : ce dépistage n’apparaît donc pas encore bien inscrit dans les pratiques. Une des pistes d’explication pourrait être liée au temps nécessaire à sa proposition en consultation et à l’explication de la réalisation du test. En effet, 27% des généralistes disent que l’explication du test prend trop de temps (Bungener et al 2010). De fait, nous formulons l’hypothèse que les MGs pourraient être sensibles à une aide en personnel compétent, ou à une

rémunération additionnelle permettant de compenser l’effort fourni.