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3. Construction d’un indicateur composite de la motivation intrinsèque des médecins

3.4. Estimation et comparaison des trois ICMI

3.4.2. Distribution des ICMI

Les statistiques descriptives concernant la distribution des trois ICMI sont présentées dans le tableau 35. Les ICMI1 et ICMI3 sont théoriquement distribués entre 0 et 1. L’ICMI1 est compris entre 0 pour les MGs les moins motivés intrinsèquement et 0,99 pour les MGs les plus motivés intrinsèquement. La moitié des MGs ont un score supérieur à 0,38. L’ICMI3 a une variabilité plus faible (sd=0,11 vs sd=0,24 pour l’IMCS1) : il est compris entre 0,32 et 0,77 et la médiane est égale à 0,49. L’ICMI2 n’est pas compris entre 0 et 1, et peut contenir des valeurs négatives, rendant la comparaison moins aisée avec les autres scores. Les trois indicateurs composites ont une distribution légèrement plate (coefficients de kurtosis négatifs). Par ailleurs, la distribution de l’ICMI1 est légèrement décalée sur la droite (skewness =0,23) indiquant des scores de MI relativement plus élevés par rapport aux autres ICMI.

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Tableau 35. Statistiques descriptives sur la distribution des ICMI

Min-Max Mean Median (Q1;Q4) SD Sk ewness Kurtosis

ICMI1-ACM 0 - 0.99 0.38 0.38 (0.18;0.56) 0.24 0.216 -0.649

ICMI2-CFA -0.43 - 0.64 -0.01 0.06 (-0.27;0.18) 0.26 0.002 -0.925 ICMI3-Birnbaum 0.31 - 0.77 0.49 0.53 (0.38;0.58) 0.11 0.016 -1.020

3.4.2.2. Comparaison du classement des MGs

Le classement des MGs selon chaque méthode est présenté sur la figure 6. Notons que le classement semble similaire d’une méthode à l’autre. En particulier, nous observons une concordance forte entre la CFA et le modèle de Birnbaum.

Figure 6. Histogramme du rang de classement de 30 MGs en fonction de l’ICMI calculé

Les résultats du calcul des coefficients de Kappa pondérés sont présentés dans le tableau 36. Tous les coefficients sont supérieurs à 0,80, indiquant un niveau de concordance très bon voire excellent entre les méthodes. Les coefficients les plus élevés sont obtenus pour les ICMI2 et ICMI3 ( =0,96), confirmant que la CFA et le modèle de Birnbaum produisent les résultats les plus cohérents. Par ailleurs, parmi les MGs classés dans le premier groupe (les médecins ayant le niveau de MI le plus faible) 84% des MGs le sont par les trois méthodes. A

0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 R an g d e c lassem e n t d e s M Gs

168 l’opposé, parmi les MGs classés dans le 4e groupe (les médecins ayant le niveau de MI le plus

élevé), 86% le sont les trois méthodes.

Tableau 36. Coefficients de Kappa pondérés entre les trois ICMI

ICMI1-ACM ICMI2_CFA ICMI3_Birnbaum

ICMI1-ACM 1 0.86 0.89

ICMI2_CFA 1 0.96

ICMI3_Birnbaum 1

3.5. Discussion

L’objectif de cette étude était d’identifier et de valider différents indicateurs de la motivation intrinsèque (ICMI) des médecins généralistes français et de sélectionner la méthode la plus adaptée à nos données. Parmi onze variables de MI sélectionnées a priori sur la base d’hypothèses et d’une revue de la littérature, nous avons identifié huit indicateurs corrélés entre eux et représentant le concept de MI à travers une unique dimension. Par ailleurs, les trois méthodes utilisées pour la construction des ICMI ont produits des résultats similaires concernant à la fois la pondération des indicateurs et le classement des MGs sur l’échelle de MI. En effet, les indicateurs les plus importants étaient la satisfaction de l’activité professionnelle et le sentiment d’exercer une profession gratifiante sur le plan humain. La comparaison des estimations obtenues (coefficients de Kappa pondérés) a indiqué une forte corrélation entre les rangs de classement des MGs pour chaque méthode, et particulièrement entre la CFA et le modèle de Birnbaum, témoignant de la robustesse du score final obtenu. Ces différents résultats suggèrent que les ICMI constuits représentent une mesure valide du concept de MI en médecine générale.

Théoriquement, l’ACM et la CFA utilisées dans ce travail sont des méthodes d’analyse factorielle au sens large, mais elles diffèrent dans leur traitement des motifs de corrélations entre variables non continues. Dans l’ACM, une variable ou modalité de variable active contribue à la construction d’un axe factoriel au travers de son inertie par rapport au centre de gravité des données ; les axes factoriels sont construits comme des combinaisons linéaires de modalités de variables associées entre elles. La CFA se base elle sur une décomposition de la matrice de variance-covariance des données, permettant de dégager des axes factoriels au moyen de techniques inférentielles de type maximum de vraisemblance (Jöreskog 1969). Lorsque les indicateurs utilisés pour mesurer le concept latent sont binaires,

169 la matrice de variance-covariance de Pearson est « remplacée » par la matrice de corrélation tétrachorique, i.e. la matrice des corrélations entre les variables latentes déterminants les réponses à chaque indicateur binaire. Ceci permet d’obtenir des résultats plus robustes par rapport à la CFA « traditionnelle » (Muthén et al 1997).

La CFA mise en œuvre dans cette étude et le modèle de Birnbaum diffèrent dans leur façon de modéliser la relation entre un indicateur binaire et une variable latente continue. La CFA utilise un modèle linéaire de la relation entre l’indicateur observé et la variable latente, et les coefficients de charge (factor loadings) ainsi que l’ICMI sont calculés par des techniques de moindres carrés robustes (Muthén et al 1997). Dans le modèle de Birbaum, les indicateurs observés sont reliés à la variable latente par une fonction de lien logit, et les paramètres du modèle ainsi que l’ICMI sont estimés par maximum de vraisemblance marginale.

Comparée à la CFA et au modèle de Birnbaum, la faiblesse de l’ACM est qu’elle ne repose pas sur un modèle spécifié et ne tient pas compte des erreurs de mesures inhérentes aux données déclaratives. De plus, l’ACM est moins efficace concernant la gestion des valeurs manquantes, car il est nécessaire d’imputer ces valeurs, contrairement à la CFA et au modèle de Birnbaum (et, plus généralement, de tout modèle basé sur l’IRT).

Différentes considérations nous conduisent à penser que le modèle de Birnbaum est probablement la méthode la plus adaptée pour construire l’ICMI. Tout d’abord, ce modèle est basé sur des techniques d’estimation qui permettent une gestion efficance des données manquantes (Sébille et al 2010; Brodin et al 2010). Deuxièmement ce type de modèle a été de plus en plus utilisé pour mesurer des variables latentes basées sur des indicateurs catégoriels (Hays et al 2000). Enfin, empiriquement, il s’agit de la méthode la plus conciliante au sens des coefficients de Kappa.

L’ACM initiale exécutée afin d’identifier les indicateurs de MI présélectionnés fournit un argument fort en faveur le l’estimation d’une unique variable latente, celle-ci préservant plus de 90% de l’inertie des données. Ces résultats sont confirmés par les indices de qualité d’ajustement calculés grâce à la CFA, montrant un modèle à un facteur acceptable (CFI = 0,92 ; RMSEA = 0,074). Cependant, la valeur significative du met en garde concernant la capacité du modèle à rendre compte de l’ensemble des structues de corrélation du modèle. Ce résultat peut révéler que certains des indicateurs construits manquent de précision. De plus, une limite des méthodes est que nous ne pouvons pas déterminer précisément quelle

170 proportion du concept de motivation intrinsèque est captée par nos indicateurs ; nos données tout comme la littérature ne nous permettent pas de répondre à cette question.

Sur la base de ces résultats, d’autres études devraient examiner la notion de motivation intrinsèque par la construction d’indicateurs plus précis. Par exemple, en ce qui concerne la fourniture d’actes de prévention, il serait intéressant de recueillir des informations sur les actions précises effectuées pour améliorer l’état de santé des patients et/ou sur le temps consacré à l’exécution de ces activités. En effet, en tant que tels, ces indicateurs n’ont pas semblé les plus pertinents pour mesurer la MI des médecins généralistes.

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