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2.1. Description de l’enquête

Une enquête ad hoc par questionnaire a été réalisée en 2010 auprès de médecins généralistes (MGs) exerçant en cabinet libéral dans le sud-ouest de la France (région Midi- Pyrénées) dans le cadre du partenariat de recherche sur l’organisation des soins de premiers recours (PROSPERE)44. Le questionnaire a été construit avec l’objectif d’étudier l’organisation de la pratique des MGs, leurs activités et leur satisfaction au travail. Les questions ont été élaborées en collaboration avec les MGs de la Société Française de Médecine Générale (SFMG). L’échantillon comprenait environ 3000 médecins répertoriés dans la base de données de l’union régionale des médecins libéraux (URML) de la région Midi-Pyrénées. La taille de l’échantillon cible était de 450 répondants. L’enquête a été menée en collaboration avec l’union régionale de médecins libéraux de Midi-Pyrénées. Une lettre d’information présentant l’étude a été envoyée à la mi-mars 2010, deux semaines avant que le questionnaire soit envoyé par mail. Une lettre de rappel a été envoyée à tous les MGs trois semaines après l’envoie du questionnaire. Par ailleurs, un système d’anonymisation et de renvoi par enveloppe pré-timbrée avaient été mis en place et les médecins ont pu être compensés à hauteur de 33€ tout en préservant l’anonymat des questionnaires. A la fin du mois de juillet 2010, 438 questionnaires avaient été reçus, parmi lesquels 15 comportaient un nombre trop élevé de non réponses. Ainsi, 423 questionnaires ont pu être analysés. L’échantillon ainsi constitué était représentatif des MGs français en termes d’âge (la moyenne était de 52 ans vs. 50 ans), de pratique en groupe (58% vs. 54%) et de revenu net moyen (71 364€ vs. 71 690€) (Bellamy 2010).

Le questionnaire comporte 68 items divisés en 4 parties (cf. Annexe C.1 pour une présentation du questionnaire). La première partie concerne l’organisation de la pratique et comporte des questions concernant notamment la nature de l’exercie, la pratique en groupe ou la participation à la permanence des soins. La seconde partie s’intéresse au contenu de l’activité et aux caractéristiques de la patientèle (modes d’exercice particulier, activités de prévention, nombre de consultation, revenu, etc.). La troisième partie comprend des questions relatives à la satisfaction des médecins et leurs contraintes professionnelles. La dernière partie

44 Ce projet a associé entre 2009 et 2013 trois entitiés distinctes et complémentaire : le CERMES3, l’IRDES et la SFMG autour de problématiques communes liées à la performance des organisations des soins de premiers recours.

153 est dédiée aux questions additionnelles d’ordre sociodémographiques. Les informations concernant le nombre de consultations dans l’année, le revenu ou les caractéristiques de la patientèle restent des données déclaratives, mais il était demandé aux MGs de référer au relevé individuel d’activité professionnelle (RIAP) de 2008, qui est fourni chaque année à tous les médecins par l’assurance maladie.

2.2. Sélection des variables de motivations intrinsèques

Des échelles de mesures de motivations professionnelles ont été définies (Amabile 1993) et certaines ont été utilisées dans un travail similaire à celui que nous souhaitons mettre en oeuvre (Janus 2013) mais, à notre connaissance, aucune échelle n’a été développée pour mesurer les MI des médecins généralistes en particulier. La profession médicale se définit par un ensemble de caractéristiques spécifiques incluant la fourniture d’un large éventail de tâches techniques nécessitant un haut niveau d’expertise et de responsabilité (diagnostic, choix d’un traitement, suivi des patients) ainsi que des compétences non techniques mises en œuvre durant la relation médecin-patient (écoute du patient, éducation thérapeutique, compassion). De fait, il a été choisi d’élaborer un questionnaire spécifique pour mesurer les MI des médecins généralistes. Les items ont été construits puis sélectionnés à partir d’hypothèses concernant leur capacité à refléter un certain niveau de motivation intrinsèque, ainsi que sur la base de la littérature existante (Janus et al 2008; Videau et al 2010). De façon à harmoniser la construction des variables de MI, celles-ci sont codées 1 lorsque nous supposons que la réponse à la question/item témoigne de motivations intrinsèques élevées (réponse dite « positive »), et 0 sinon. Les statistiques descriptives sur les variables de MI sélectionnées sont présentées dans le tableau 31.

Un premier groupe d’items regroupe trois questions pour lesquelles nous supposons que les médecins répondent positivement lorsqu’ils sont caractérisés par de fortes MI : la

satisfaction de l’activité professionnelle (question C.1), le fait de considérer que la profession est gratifiance sur le plan humain (question C.4) et les échanges fréquents avec d’autres professionnels de santé (question A.13).

Les questions C.1 et C.4 sont associées au concept de motivations basées sur le plaisir (« enjoyment-based motivation ») (Deci 1971). Théoriquement, deux facteurs peuvent influencer le sentiment de satisfaction au travail : les motivations intrinsèques et/ou extrinsèques (Goetz et al 2012). Afin de pouvoir correctement interpréter la satisfaction au travail comme reflétant essentiellement les MI (et non les ME), nous avons comparé les

154 revenus moyens des MGs déclarant être « souvent » satisfaits de leur activité professionnelle à ceux des autres MGs, et n’avons pas obtenu de relation significative (p=0,1469). Ce résultat tend à montrer que la satisfaction liée l’activité n’est pas directement associée au niveau de revenu, ce qui constitue un argument pour l’hypothèse selon laquelle la satisfaction résulte davantage de MI. Les MGs devaient répondre à ces questions sur une échelle de Likert à quatre modalités (« souvent », « de temps en temps », « rarement », « jamais »). Comme la majorité des médecins déclarent être « souvent » satisfaits de leur activité professionnelle (58%) et la considèrent « souvent » gratifiante sur le plan humain (63%), nous avons codé ces variables de MI comme prenant la valeur 1 si le médecin répondait « souvent », et 0 sinon.

La question (A.13) sur la fréquence des échanges avec d’autres professionnels de santé est associée au concept de motivations basées sur l’engagement notamment à l’égard des résultats de la pratique médicale. Les médecins devaient répondre à la question sur une échelle de Likert à quatre modalités (« très souvent », « souvent », « de temps en temps », « rarement »). Afin de construire une variable suffisamment discriminante, la variable de MI est codée 1 lorsque les MGs répondent échanger « très souvent » autour de cas concrets de patients avec d’autres médecins généralistes ou spécialistes45 (19%), et 0 sinon.

Un deuxième groupe d’items représente des activités pour lesquelles nous faisons l’hypothèse qu’elles indiquent un investissement du MG pour améliorer la qualité des soins et/ou à partager les connaissances : les activités d’enseignement ou de maître de stage (B.6 et B.7) et de participation à la permanence des soins (A.12). Ainsi, une première variable est codée 1 si le MG déclare être enseignant ou maître de stage (19% de MGs), 0 sinon ; une seconde variable est codée 1 si le MG déclare participer à la permanence des soins en tant que médecin de permanence (ce qui signifie qu’il peut être sujet à des astreintes la nuit ou le week-end) et de façon régulière (55% des MGs). Théoriquement, ces activités pourraient aussi être considérées comme « motivées extrinsèquement » du fait de rémunérations spécifiques. Toutefois, dans le contexte du paiement à l’acte, la rémunération additionnelle forfaitaire pour ces activités qui prennent du temps n’est pas très élevée. Nous faisons donc l’hypothèse qu’une réponse positive des MG à ces deux questions constitue un signal de MI liée à l’investissement du MG pour améliorer le suivi des patients et le partage des connaissances.

45 Nous avions aussi considérer les réponses aux questions portant sur la fréquence des échanges avec les infirmiers et pharmaciens, mais ces items ne se sont pas révélés pertinents pour la mesure des MI, car non corrélés aux autres variables de MI.

155 En sus, le questionnaire s’intéresse aux activités de prévention fournies par le MG (alcool, tabac, obésité) et à leur fréquence (questions B8_e, B8_f et B8_g) en utilisant une échelle de Likert à quatre modalités (« très souvent », « souvent », « de temps en temps », « rarement »). En France, les activités de prévention ne sont pas rémunérées en tant que telles dans le cadre du paiement à l’acte ; nous faisons donc l’hypothèse, à la suite d’autres travaux (Videau et al 2010), qu’offrir des activités fréquentes reflète une motivation intrinsèque basée sur l’engagement (« obligation-based motivations »). Comme les réponses aux activités de prévention de tabac et d’alcool sont très liées (p<0.0001), ces actions de prévention sont regroupées en une seule variable. Ainsi, une première variable de prévention est codée 1 si les MGs déclarent réaliser « très souvent » des actions de prévention d’alcool ou du tabac

(15%), 0 sinon ; une seconde variable de prévention est codée 1 si les MGs déclarent réaliser « très souvent » des actions de prévention contre l’obésité (20%), 0 sinon.

Enfin, nous considérons deux items supplémentaires pouvant témoigner de MI liée à l’amélioration de la qualité des soins basée sur la confrontation avec les avis des pairs : le fait de participer à l’évaluation des pratiques professionnelles (42% des MGs) et d’être impliqué dans un réseau de soins (31%).

Le troisième et dernier groupe d’items fait référence aux attitudes des médecins

envers les patients mieux informés et au sentiment d’être contraint par le contrôle de l’assurance maladie. La première variable construite de MI regroupe les réponses à deux

questions : (C.6) : « êtes-vous confronté à des patients de plus en plus informés ? » (oui/non) et (C.7) : « si oui, considérez-vous que c’est une contrainte ? » (« souvent », « de temps en temps », « rarement », « jamais »). Parmi les MGs ayant répondu « oui » à la question C.6 (88% des MGs), nous supposons que seuls les MGs répondant « rarement » ou « jamais » à la question C.7 (40% des MGs) sont motivés intrinsèquement, car ces réponses peuvent témoigner de leur disponibilité envers le patient et leur inclinaison à l’éducation thérapeutique. La deuxième variable est construite à partir des réponses à la question C.11 : « vous sentez-vous contraint par le contrôle de l’assurance maladie ? » (oui/non). Nous faisons l’hypothèse qu’une réponse négative peut indiquer un niveau plus élevé de MI, car le sentiment d’autonomie joue un rôle important dans la construction et le maintien des MI (Deci and Ryan 2000). Ainsi, la variable est codée 1 si les MGs répondent « non » (34%) à cette questions, et 0 sinon.

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Tableau 31. Description des variables de motivations intrinsèques

Variables (modalités) de motivations intrinsèques N %

1) Satisfaction de l'activité professionnelle (souvent) 245 57.9 2) La profession est gratifiante sur le plan humain (souvent) 266 62.9 3) Echanges avec d'autres professionnels de santé médicaux (très souvent) 82 19.4 4) Activités d'enseignement et/ou maître de stage (oui) 83 19.6

5) Participation à la permanence des soins (oui) 231 54.6

6) Prévention alcool-tabac (très souvent) 63 14.9

7) Prévention obésité (très souvent) 86 20.3

8) Participation à l'évaluation des pratiques professionnelles (oui) 176 41.6

9) Implication dans un réseau de soins (oui) 132 31.2

10) Sentiment d'être contraint par les patients mieux informés (rarement-jamais) 161 40.2 11) Sentiment d'être contraint par le contrôle de l'assurance maladie (oui) 139 33.5