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Fournir une revue de la littérature adéquate sur le climat, l’économie et l’éducation aux changements climatiques pour les générations actuelles et futures reste un défi. Il s’agit en effet d’ouvrir plusieurs champs d‘investigation.

Le premier concerne les connaissances scientifiques qu’il convient de maîtriser pour comprendre la sceince du climat, ses interactions avec les autres sciences, et la manière de diffuser largement ces savoirs. La science du climat a fait de grands progrès au cours des deux dernières décennies et les observations du réchauffement climatique confirment chaque jour, les hypothèses émises dans les premiers rapports du GIEC (GIEC, 2018). La science du climat est une science interdisciplinaire, elle appartient aux Sciences de la Terre. Les principes de base du système climatique sont décrits par les sciences naturelles, principalement la physique, la chimie, la biologie et la géologie. Cette approche pluridisciplinaire s’intègre très bien dans le cycle primaire, surtout lorsque les enfants expriment le souhait et la curiosité de comprendre le phénomène des pluies, du vent, des orages… Le système climatique est par essence complexe, et cette complexité se retrouve à de nombreux étages de la société, ceci explique la nécessité de développer des analyses intégrées (ce point justifie à nos yeux, le recours aux modèles d’intégration assignée ainsi que leur large diffusion auprès du public) : « Des mesures efficaces, équitables et socialement acceptables en faveur du climat, de

l’environnement, nécessitent une analyse intégrée des impacts actuels et futurs, des vulnérabilités, des différents groupes de population, des risques, des coûts et des opportunités liés au changement climatique et à la variabilité, en tenant compte des événements extrêmes et des dangers liés au climat et à leur récurrence »(Tasquier et, 2013).

Au cours des dix dernières années, l’Union Européenne (2008) a recommandé un ensemble de réformes innovantes pour l’enseignement des sciences, en intégrant les questions environnementales dans le programme scientifique, pour répondre au besoin de faire de l'école un lieu d’éducation citoyenne. Trois approches ont été proposées pour faire progresser l’apprentissage des sciences en Europe : la promotion d’un enseignement précoce des sciences (dès le plus jeune âge) ; la rénovation des méthodes pédgogiques ; et la formation initiale et continue des professeurs.

Dans le cas d’une éducation au changement climatique, il s’agit de commencer par faire comprendre aux apprenants les enjeux du changement climatique et d’initier une culture de l’éducation scientifique, stimulée par la curiosité et l’envie d’apprendre. Besson et al. (2010) ont soulevé les difficultés d’une telle démarche : « les concepts de

physique cruciaux impliqués pour comprendre l’effet de serre (absorption, transparence, corps noir) sont généralement traités superficiellement, à la fois par les manuels et les enseignants ».

Tasquier et al. (2013) ont également insisté sur les limites d’une telle approche, « le

traitement des problèmes environnementaux tels que le changement climatique dans l’apprentissage des sciences, ne semblent pas suffisantes pour favoriser un changement de comportement » (Tasquier et al., 2013).

Malgré ces insuffisances, les problèmes environnementaux comme le réchauffement climatique reste un domaine stimulant pour motiver les apprenants. Ainsi plusieurs spécialistes suggèrent de les introduire dans les programmes éducatifs pour permettre à ces derniers « d’approfondir leurs connaissances en physique mais aussi

d’examiner des sujets généraux comme la modélisation » (Svihla & Linn, 2011). Concernant

les changements de comportements, certains chercheurs ont tendance à mettre l’accent « sur le potentiel de compréhension pour engendrer des changements de comportement » (Reynolds et al. 2010 ; Read et al. 1994), tandis que d'autres suggèrent que « l'augmentation de la quantité de données pertinentes sur des informations relatives au

changement climatique ne signifie pas que cette action sera automatiquement effectuée »

(Leiserowitz et al. 2010).

Les connaissances alimentant un registre des savoirs, il est nécessaire de cerner les différents types de connaissances nécessaires à la compréhension du changement climatique et susceptibles de générer des changements de comportements. D’après Tasquier et al. (2013), « Deux types de connaissances semblent être fondamentaux ». Le premier type de connaissances met l’accent sur « la compréhension de dynamique causale

de base menant au changement climatique, car si on ne comprend pas comment et pourquoi les gaz à effet de serre sont responsables du réchauffement climatique, ils ne penseront même pas à réduire les émissions de CO2 » (Pongiglione, 2012). Le second type se réfère au « savoir procédural, c’est-à-dire des informations pratiques et contextualisées localement qui aident les personnes à traduire leurs convictions relatives au changement climatique en actions concrètes » (Kaiser et Fuhrer, 2003).

Dans le domaine politique, d’importants travaux, comme ceux de Hamilton (2010), ont mis « en évidence des effets d’interaction entre croyance politique et éducation au

changement climatique ». S’appuyant sur les rapports du GIEC et les résumés à

destination des décideurs politiques, il note qu’aux Etats-Unis, « ces preuves scientifiques

accumulées sur le changement climatique apparaissent, à première vue, ne pas avoir déplacé très loin l’opinion publique américaine » (ibid.). Afin de toucher un public averti et

idéologiquement réceptif, des campagnes de sensibilisation basées sur la diffusion d’arguments scientifiques ont été menées sur le sol américain. Reflétant le succès de tels arguments, les sondages ont noté que l'inquiétude suscitée par le changement climatique et son éducation augmentait chez les démocrates tandis que qu’elle diminuait chez les républicains. Cette absence de volonté politique pour riposter efficacement contre les impacts du changement climatique se traduit par une contradiction manifeste entre le discours officiel des décideurs et les modèles socioéconomiques qu’ils proposent. En plus des interactions significatives que révèlent l’analyse multivariée d’Hamilton, ces résultats empiriques concordant avec d’autres interprétations théoriques soulignent que « les préoccupations sociales

classiquement identifiées concernant les préoccupations relatives à l'environnement en général et au climat en particulier ont changé ces dernières années » (ibid.).

Des travaux similaires sont à noter dans le domaine économique. Le rapport STERN (2006), intitulé « The Economics of Climate Change », s’est attaché à analyser les impacts du changement climatique sur la croissance et le développement, à présenter les réponses politiques en matière d’atténuation et d’adaptation aux risques climatiques ainsi que les réponses à apporter… L’une de ces réponses introduit une éducation aux changements climatiques, impulsée par les Etats : « Fostering a shared

understanding of the nature of climate change, and its consequences, is critical in shaping behaviour, as well as underpinning national and international action. Governments can be a catalyst for dialogue through evidence, education, persuasion and discussion. Educating those currently at school about clmate change will help to shape and sustain future policy-making, and a braod public and international debate will support today’s policy-makers in taking strong action now » (2006, p. xxi). Si le changement climatique est bien le résultat d’une

externalité liée à l’émissions de gaz à effet de serre par nos activités économiques, il ne s’agit pas de n’importe quelle externalité : elle est globale dans ses causes et ses conséquences, les impacts sont perceptibles et persistents à long terme, les incertitudes et les risques en termes d’impacts économiques sont systémiques, il y a un risque sérieux et important de changements irréversibles. Les réponses à apporter doivent être à la mesure du problème : « The breadth, magnitude and nature of impacts imply that

several ethical perspectives, such as those focusing on welfare, equity and justice, freedoms and rights, are relevant. Most of these perspectives imply that the outcomes of climate-change policy are to be understood in terms of impacts on consumption, health, education and the environment over time but different ethical perspectives may point to different policy recommendations » (2006, p. 23). L’information, l’éducation et la discussion publique

constituent d’excellents outils pour forger les comportements « raisonnables » des citoyens du monde. Le changement climatique ne sous-tend pas uniquement des risques potentiels ou avérés, mais également des remises fondamentales des politiques structurelles mises en place depuis des décennies par les grandes institutions internationales. En 2008, le Rapport sur le Développement Humain des Nations-Unis (UNDP) n’hésitait pas à évoquer la responsabilité du changement climatique dans les échecs répétés en matière d’Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et sur l’éducation notamment : « Climate change is hampering efforts to deliver the MDG

promise. Looking to the future, the danger is that it will stall and then reverse progress built- up over generations not just in cutting extreme poverty, but in health, nutrition, education and other areas” (UNDP, 2007).

En se basant sur ces deux rapports, Bangay et Blum (2010) ont insisté sur le fait que « le rôle de l’éducation pour relever les défis sur le changement climatique est de plus en

reconnu. Ils montrent aussi la nécessité d’associer l’offre et la demande éducative aux impacts possibles du changement climatique et de la dégradation de l’environnement » (Bangay et

Blum, 2010). Ils notent cependant que « la capacité de l'éducation pour contribuer aux

mesures d'adaptation et d'atténuation n’a pas encore pénétré dans la pensée dominante du développement » (ibid.). Deux recommandations sont préconisées. Premièrement, « le

potentiel de l’ensemble des domaines de compétences et des canaux éducatifs, formels et non formels, et du primaire à travers l'enseignement supérieur et l'éducation des adultes, doivent être investis » (ibid.). Deuxièmement, « les éducateurs doivent reconnaître les dangers de l’étiquetage et les idées préconçues (idées fausses) qui surviennent souvent lors de l'utilisation de termes tels que « éducation au développement durable » surtout que de telles idées fausses ont eu tendance à limiter la capacité transformatrice d’une telle éducation » (ibid.).

« La clarification conceptuelle » (Pellaud, 2011) semble donc fondamentale dans ce domaine. Elle nous pousse à éclairer nos choix, non pas à fournir simplement de nouveaux intrants au programme déjà existants mais plutôt d’examiner dans quelle mesure les systèmes éducatifs existants peuvent préparer les individus à relever les défis du changement climatique. Eduquer aux changements climatiques nécessite en premier lieu des enseignants alphabétisés et formés sur le climat. De nombreuses organisations, dont la NASA, la NOAA et la NSF, ont octroyé des subventions pour sensibiliser le public au changement climatique et améliorer l’état de l’éducation en élaborant des programmes élargis, du matériel pédagogique et en formant des enseignants du primaire et du secondaire. Depuis 2003, l’UGU (Union européenne des géosciences) organise un séminaire sur une semaine, GIFT (Information géophysique pour les enseignants), à l’intention de groupes de 70 enseignants européens réunis à l’Assemblée générale de l’EGU à Vienne. Chaque année, le séminaire aborde un sujet différent : « l'eau ; L'acidification des océans ; évolution et biodiversité ; énergie et

développement durable ; changement climatique, risques naturels et sociétés ; la terre vue de l'espace ; le cycle du carbone ; les géosciences dans la ville ; les régions polaires ; l'histoire de la terre ; les océans ». Tous ces sujets sont plus ou moins liés au changement climatique.

Les enseignants participant aux séminaires apprennent les sciences du climat directement auprès des scientifiques et partagent leurs expériences d'enseignement. Notre travail de recherche est symptomatique des difficultés rencontrées pour saisir les savoirs nécessaires et suffisants, identifier les représentations (sociales mais également idéologiques) des apprenants (voir tout simplement ds citoyens), proposer des démarches pédagogiques complémentaires, utiliser des outils didactiques appropriés au contexte et imaginer le référentiel de compétences propice à l’institution d’une éducation aux changements climatiques. Les articles qui composent cette thèse, renvoient chacun à une littérature puisant ses sources dans l’interdisciplinarité. Il s’agit d’interroger les savoirs scientifiques du climat et de les mettre en interaction avec les savoirs issus des sciences économiques et des sciences de l’éducation ; d’intégrer une approche du climat via les questions socialement vives (le climat étant un objet à multiples controverses) ; de comprendre les tenants et aboutissants d’une éducation à (une histoire des éducations à est ici nécessaire pour comprendre les passages successifs d’une éducation à l’environnement à une éducation au développement durable à une éducation aux changements climatiques en vue d’un développement durable) ; de cerner le rôle des parties prenantes (ici l’UNESCO) dans l’émergence et la constitution d’une ECCDD ; d’imaginer les modèles éducatifs de demain.