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Titre II. Les différentes modes de gouvernance des sociétés cotées en France et en

Chapitre 1. Les modes d’organisation traditionnels de la gouvernance des sociétés cotées en

2. La société traditionnelle de droit italien

2.3. Le reviseur légal ou la société de révision légale

122. Avant même d’analyser certains aspects du nouveau cadre normatif imposé par la reforme européenne de l’audit, il convient d’observer qu’en Italie, le sujet de la révision légale des comptes s’est imposé à partir des années ’50. A l’époque, les grands groupes internationaux reprochaient à l’Italie son manque de règles permettant d’effectuer un contrôle rigoureux des comptes annuels de leurs filiales.

Le législateur italien ne s’est pas préoccupé de donner une réponse immédiate à cette exigence de rigueur et de transparence sollicitée par les investisseurs internationaux. Il a fallu attendre quelques années avant qu’il se décide à prendre une initiative à ce sujet. Chronologiquement, la loi n°216 du 7 juin 1974 est le premier texte en la matière. Elle représente une avancée importante sur le plan de la modernisation du droit italien des sociétés puisqu’elle propose des innovations très significatives. En effet, outre l’institution de la CONSOB, la loi n°216/1974 a imposé aux sociétés cotées l’obligation de certifier les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés.

Pourtant, le texte le plus marquant en la matière reste le décret législatif n°58 du 24 février 1998 (dit « décret Draghi » ou TUF), qui a réalisé un important virage. Comme indiqué ci-dessus, ce décret a renforcé les pouvoirs de contrôle du collège syndical et a confié au reviseur légal ou bien à une société de révision légale la tâche de certifier les comptes annuels et consolidés des sociétés cotées.

Ensuite, le décret législatif de 2003 de réforme du droit des sociétés a opéré une distinction nette entre les fonctions du collège syndical et celles du réviseur légal ou de la société de révision. La rigueur du contrôle et l’indépendance des contrôleurs légaux sont les premiers objectifs poursuivis par cette loi.

Les sociétés dont les titres sont négociés sur des marchés réglementés doivent obligatoirement soumettre leurs comptes annuels et consolidés au contrôle d’un réviseur légal ou d’une société de révision légale. Le décret législatif de 2003 a ainsi créé un cadre juridique clair, efficace et conforme aux normes posées p ar les standards

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internationaux qui attribuent à des professionnels indépendants, externes à l’entreprise, le contrôle légal des comptes annuels206.

La crise financière, tout récemment, a mis en évidence les lacunes du contrôle légal des comptes, surtout dans le secteur bancaire et au niveau des sociétés cotées en bourse. En Italie comme en France, le régime de la révision légale des comptes a été retouché pour l’adapter aux nouvelles exigences imposées par la législation européenne.

Le Décret législatif n°39 du 27 janvier 2010, transposant la Directive 2006/43/CE, a simplifié l’ensemble des règles applicables à la révision légale des comptes en les regroupant dans un seul texte207.

Ensuite, pour mettre en conformité le droit italien avec la Directive 2014/56/UE et le Règlement UE 537/2014 du 16 avril 2014 portant sur la réforme de l’audit, le législateur italien a adopté le Décret législatif n°135 du 17 juillet 2016. Suite à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, la certification des comptes annuels et consolidés doit être réalisée conformément aux normes du Code civil, du TUF et du décret législatif n°135/2016 ou bien - dans le cas de révision effectuée dans un pays membre de l’UE - conformément aux dispositions de la Directive 2014/56/UE.

123. La réforme européenne de l’audit - comme nous l’avons déjà constaté à propos des commissaires aux comptes en France - fixe des règles détaillées afin de garantir que le contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public (EIP) soit de qualité et effectué par des contrôleurs et des cabinets d’audit soumis à des exigences strictes. Elle renforce l’indépendance des contrôleurs légaux et dispose que le réviseur légal ou la société de révision ne peut en aucun cas être impliqué dans le processus décisionnel portant sur les comptes annuels et consolidés. Chaque contrôleur légal doit adopter des procédures internes afin de prévenir toutes situations de conflits d’intérêts qui peuvent compromettre leur indépendance. En particulier, il est interdit au contrôleur léga l de détenir des instruments financiers présentant des liens spécifiques avec la société soumise au contrôle légal208.

206 v. article 2409-bis alinéa 1 du Code civil.

207 v. article 16 alinéa 1 du Décret législatif 39/2010 fixe la notion d’entités d’intérêt public ( EIP).

208 v. article 10 du décret législatif n°135/2016 et voir aussi ASSONIME, « Il nuovo quadro comunitario e nazionale

in tema di revisione legale », en Circolare Assonime n°28 du 22 décembre 2016, p.12. Le texte est disponible sur le site: www.assonime.it.

Le nouveau dispositif assigne un rôle important au comité pour le contrôle interne et la révision légale (au comité d’audit en France) dans le cadre notamment de la sélection des contrôleurs légaux par appel d’offre209.

D’un point de vue comparatif, il est intéressant de noter qu’il y a une légère différence entre la procédure de sélection française et la procédure italienne. A cet égard, deux observations s’imposent :

- En Italie, contrairement à la France, le comité d’audit n’est pas un comité spécialisé du conseil d’administration. Le législateur italien lors de la transposition de la Directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 a choisi l’option qui prévoit que le comité d’audit se compose de membres de l’organe de surveillance210. Le Décret législatif

n°39/2010 a donc assigné les fonctions du comité d’audit au collège syndical, qui est ainsi habilité à agir en qualité de comité pour le contrôle interne et la révision légale (CCIRC)211.

- Cette clarification est particulièrement utile aux fins de la mise en place de la procédure de sélection des réviseurs légaux des entités d’intérêt public (EIP). Le fait qu’en Italie le comité d’audit coïncide avec le collège syndical (agissant en

qualité de comité pour le contrôle interne et la révision légale ) implique que le

conseil d’administration - contrairement à son homologue français - n’est pas tenu de présenter à l’assemblée générale des actionnaires une proposition contenant la préférence formulée par le comité d’audit. Cette exception trouve sa raison dans le fait que les fonctions du comité d’audit sont exercées par l’organe de contrôle de la société212.

124. Au-delà de cet aspect relatif au rôle du comité pour le contrôle interne et la révision légale (comité d’audit en France), on peut dire que les réviseurs légaux de

209 v. article 16 du Règlement UE 537/2014.

210 v. article 41 de la Directive 2006/43/CE du 17 mai 2006. 211 v. article 19 alinéa 2 du Décret législatif 39/2010.

212 Le texte européen dispose clairement que : « la proposition adressée à l'assemblée générale des actionnaires ou a ux

membres de l'entité contrôlée pour la désignation de contrôleurs légaux des comptes ou de cabinets d'audit contient la recommandation et la préférence visées au paragraphe 2 qui ont été formulées par le comité d'audit ou l'organe remplissant des fonctions équivalentes.

Si la proposition diffère de la préférence du comité d'audit, elle expose les raisons pour lesquelles il n'y a pas lieu de suivre la recommandation de ce dernier. Néanmoins, le ou les contrôleurs légaux des comptes ou cabinets d'audit recommandés par l'organe d'administration ou de surveillance doivent avoir participé à la procédure de sélection décrite au paragraphe 3. Le présent alinéa ne s'applique pas lorsque les fonctions du comité d'audit sont exercées par l'organe d'administration ou de surveillance ». Voir article 16 alinéa 5 du Règlement UE 537/2014 du 16 avril 2014.

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droit italien exercent les mêmes fonctions, qui, en droit français, sont celles des commissaires aux comptes.

En Italie comme en France, les réviseurs légaux sont désignés par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition motivée du comité pour le contrôle interne et la révision légale (CCIRC).

Ce sont les actionnaires qui fixent la durée du mandat et la rémunération globale attribuable aux réviseurs légaux. Le texte précise que la durée du mandat des reviseurs légaux des entités d’intérêt public (EIP) est d’au moins neuf exercices pour la société de révision légale et d’au moins sept exercices dans le cas où la certification des comptes est effectuée par un seul reviseur légal. Le mandat peut être renouvelé, mais il est soumis à un délai de viduité de 4 ans213.

S’il existe un juste motif, l’assemblée générale des actionnaires peut révoquer les réviseurs légaux, après avoir entendu le comité pour le contrôle interne et la révision légale. Elle doit alors désigner un autre réviseur légal ou bien une autre société de révision légale.

125. Pour ce qui concerne l’établissement du rapport de révision légale, le nouveau dispositif prévoit que ce rapport doit présenter des informations plus détaillées dans le cas où la révision légale concerne une entreprise d’intérêt public (EIP). Le rapport en question doit, en définitive, présenter : (a) un paragraphe introductif identifiant les comptes annuels et consolidés soumis au contrôle légal, ainsi que les dispositions normatives et règlementaires applicables ; (b) une description de la méthodologie suivie au cours de la révision légale ; (c) un jugement sans réserve sur les comptes annuels et consolidés confirmant que ces comptes sont conformes aux dispositions de la loi et sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle de la situation patrimoniale et financière de l’entreprise ; (d) une référence à toute question sur laquelle les contrôleurs légaux des comptes attirent spécialement l’attention sans pour autant inclure une réserve dans l’attestation214.

213 v. article 17 paragraphe 1 du décret législatif n°39/2010 modifié par le décret législatif n°135/2016. Pour les

sociétés non-cotées, le mandat a une durée de 3 exercices et il peut être renouvelé à tout moment, sans aucune limitation. Voir article 13 du décret législatif n°39/2010, modifié par le décret législatif n°135/2016 et l’article 17 paragraphe 3 du Règlement UE n°537/2014.

Le nouveau rapport de révision légale doit formuler non seulement un jugement sur la cohérence entre le rapport de gestion annuel et les comptes annuels et consolidés, mais il doit aussi attester que ces comptes sont conformes à la loi et aux règlements en vigueur.

2.4. L’assemblée générale des actionnaires

126. La différence essentielle entre le mode de gouvernance de la société traditionnelle de droit italien et celui de la société moniste de droit français réside - comme nous venons de le voir - dans la séparation entre la gestion et le contrôle. Le seul mécanisme de gouvernance sur lequel existe une convergence voire une compatibilité de fond, entre ces divers modes de gouvernance, réside dans le fonctionnement et l’organisation de l’assemblée générale des actionnaires.

L’assemblée générale des actionnaires - dont il est question auparavant - a la responsabilité de la gouvernance d’entreprise, étant investie d’un pouvoir d’organisation légal, financier et économique, en vertu duquel elle est tenue de :

- Déterminer l’objet social et le mode d’organisation de gouv ernance de la société. - Désigner et révoquer les membres des organes de gouvernance.

- Déterminer la rémunération de l’équipe dirigeante, des administrateurs non exécutifs et indépendants et des membres du collège syndical. La consultation de l’assemblée générale sur ce sujet est nécessaire dans tous les cas où la rémunération des administrateurs n’a pas été déterminée par les statuts. Pour les sociétés cotées, la loi et les pratiques de gouvernance disposent que la rémunération des dirigeants (voire des administrateurs exécutifs) doit être approuvée par un vote de l’assemblée générale, en application du principe de say-on-pay215.

- Approuver les comptes annuels et consolidés et toutes opérations significatives en termes économiques et financiers pour l’entreprise.

- Approuver la distribution du dividende.

- Désigner les auditeurs externes chargés de certifier les comptes annuels et consolidés de l’entreprise (le réviseur légal ou la société de révision).

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- Initier une action en responsabilité contre les dirigeants ( ou les membres du

collège syndical), qui ont commis des fautes de gestion.

- Décider sur toutes les autres questions qui, par la loi, sont soumise à sa compétence216.

127. L’assemblée générale des actionnaires est responsable de toutes décisions qui n’entrainent pas une modification des statuts. Celles-ci sont soumises à la compétence de l’assemblée générale extraordinaire217.

La loi et les statuts fixent les règles d’organisation et de fonctionnement des réunions de l’assemblée générale, que nous n’examinerons pas dans cette étude218.

Par contre, il nous semble plus important de souligner que la réforme du droit des sociétés de 2003 a réduit les pouvoirs de l’assemblée générale dans les cas où les actionnaires ont décidé d’opter pour le mode de gouvernance dual à conseil de gestion et conseil de surveillance. Une telle possibilité n’est pas prévue par le droit français des sociétés qui, indépendamment du mode de gouvernance choisi, accorde à l’assemblée générale toujours les mêmes pouvoirs.

128. Dans le contexte de la société duale, la limitation des pouvoirs de l’assemblée générale des actionnaires est justifiée par le fait que le législateur italien a voulu renforcer les pouvoirs de contrôle du conseil de surveillance sur la gestion menée par les dirigeants de l’entreprise. Pour ce faire, il a investi le conseil de surveillance du pouvoir de désigner et révoquer les managers et d’approuver les comptes annuels et consolidés établis par ceux-ci.

Il en résulte que le pouvoir de décision de l’assemblée générale est plus limité, celle- ci pouvant être consultée et prendre des décisions uniquement sur les questions suivantes :

- Nomination et révocation des membres du conseil de surveillance.

- Détermination de la rémunération des membres du conseil de surveillance.

- Initiation d’une action en responsabilité contre les membres du conseil de surveillance.

- Approbation du dividende.

216 v. article 2364 du Code civil. 217 v. article 2365 du Code civil.

- Désignation de l’auditeur externe chargé de certifier les comptes annuels et consolidé de l’entreprise (le reviseur légal ou la société de révision)219.

L’assemblée générale des actionnaires exerce sa surveillance sur les membres du conseil de surveillance, et non sur les membres du conseil de gestion.

POLIDORO Giovanna | Thèse de doctorat | Avril 2019