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Titre II. Les différentes modes de gouvernance des sociétés cotées en France et en

Chapitre 1. Les modes d’organisation traditionnels de la gouvernance des sociétés cotées en

1. La société moniste en France

1.5. L’assemblée générale des actionnaires

93. La responsabilité de définir la gouvernance organisationnelle de la société cotée revient à l’assemblée générale des actionnaires, qui, à l’image d’une démocratie politique, est l’organe où les décisions portant sur la gouvernance - précédées par un débat où l’autorité verticale laisse la place au dialogue - doivent être prises dans l’intérêt de la société et de ses actionnaires.

164 v. article L.823-12 alinéa 2 du Code de commerce. 165 v. article L.823-13 du Code de commerce.

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L’assemblée générale est l’organe auquel les dirigeants de la société - au titre de l’article L.225-100 du Code de commerce - soumettent les comptes annuels et consolidés de la société et qui décide de l’affectation du résultat de l’exercice. Les actionnaires - lors de ce rendez-vous annuel - peuvent effectivement exercer leur action de surveillance sur les risques, les opportunités et la gouvernance de la société, mais aussi sur la politique stratégique définie par le conseil d’administration en collaboration avec l’équipe de direction afin de vérifier les résultats et la performance obtenus par la société et le management, suite à la mise en œuvre de cette stratégie.

L’article 1844 du Code civil dispose que tout actionnaire a le droit d’assister à l’assemblée générale et d’y voter, in situ ou à distance, dès qu’il détient au moins une action. Tout actionnaire a la faculté, avant la tenue de l’assemblée, d’adresser des questions écrites au conseil d’administration. Les dirigeants ont l’obligation de répondre par écrit ou oralement pendant l’assemblée générale, au titre de l’article L.225-108 du Code de commerce167.

Après des années d’apathie, d’immobilité et de soumission des actionnaires au pouvoir incontesté des dirigeants, le rôle, la fonction et les prérogatives de l’assemblée générale ont été revitalisées. Les principes de l’OCDE ont affirmé clairement « qu’un régime de

gouvernement d’entreprise doit protéger les droits des actionnaires et faciliter leur exercice »168.

94. En Europe, le Plan d’Action de 2003 sur la « modernisation du droit des sociétés

et renforcement du gouvernement d’entreprise dans l’Union européenne - Un plan pour avancer » et, puis, la Directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007, sur les droits de

actionnaires ont, à leur tour, sensiblement renforcé l’engagement des actionnaires dans la vie des sociétés cotées, en inaugurant ainsi le début d’une nouvelle gouvernance d’entreprise169. L’ampleur et l’impact de la récente crise financière ont mis en évidence

167 v. V. de BEAUFORT, « Démocratie actionnariale dans les grandes sociétés cotées françaises : entre sclérose et

hystérie », en Journal Spécial - ESSEC Revue de presse - JSS, septembre 2018.

168 Voir la version de 2004 des Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, qui ont été révisés en 2015 en

collaboration avec le G20.

169 La Commission européenne a publié le 9 avril 2014 une proposition de directive modifiant la Directive 2007/36/CE sur le

droit des actionnaires. Cette proposition a suscité des objections d’EuropeanIssueres sur plusieurs points, en ce qui concerne le traitement des transactions entre parties liées, le say-on-pay et l’identification des actionnaires. Le 25 mars 2015, le Conseil a adopté un texte modifiant en profondeur la proposition initiale de la Commission et privilégiant une approche flexible, plus respectueuse de la diversité des législations nationales existantes. Le 8 juillet 2015, le Parlement européen a adopté en séance plénière ses propres amendements au texte initial de la Commission. Le texte voté par le Parlement tenait compte de l’essentiel des préoccupations des émetteurs dur l’identification des actionnaires, le say-on-pay et les transactions avec les parties liées. Il introduisait toutefois une nouvelle exigence dans une matière qui ne concerne pas en réalité la directive « droits des actionnaires », celle d’un reporting par pays public (dit CBCR) d’un certain nombre d’informations fiscales et comptables

de graves dysfonctionnements dans la gouvernance des sociétés cotées. Sans doute, le manque de mécanismes de contrôle adéquats a contribué à une prise de risque excessive de la part de certains dirigeants, en générant une destruction de valeur pour les sociétés et le marché.

Pour promouvoir l’engagement responsable des actionnaires et mettre un frein à toute sorte de dérives et dysfonctionnements, la Commission européenne a décidé de réviser la Directive 2007/36/CE sur les droits des actionnaires des sociétés cotées et d’introduire des normes minimales, applicables dans tous les pays membres de l’Union européenne, en matière de rémunération des dirigeants (say-on-pay) et de droit de regard sur les opérations conclues avec les parties liées.

L’application de ce nouveau régime aura l’effet positif d’impliquer davantage les actionnaires sur tous les sujets portant sur la gouvernance des sociétés cotées puisque la mondialisation des marchés et de l’économie a fait apparaitre de nouvelles exigences et imposé de nouvelles contraintes. Les actionnaires sont devenus, de plus en plus, compétents et actifs, et montrent un vif intérêt pour toutes les questions de grande actualité, telles que : la RSE, le réchauffement climatique, la transition numérique, la réputation de l’entreprise, la sécurité des données, la mixité, la gestion des risques non- financiers, la performance et les objectifs relatifs à la dimension sociétale et environnementale de l’entreprise, qui peuvent avoir des répercussions importantes sur la gouvernance des sociétés cotées.

(résultats avant impôts ; impôts payés ; montant de subventions publiques reçues). Le retrait, fin 2016, par le groupe parlementaire européen S&D - Socialistes et Démocrates - de sa proposition d’amendement sur le CBCR a permis de débloquer les discussions en trilogue et les trois institutions européennes sont parvenues à un accord le 7 décembre 2016. Le 9 décembre 2016, le Comité des représentants permanents de l’UE (Coreper) avait avalisé l’accord intervenu entre la présidence slovaque et les représentants du Parlement européen en vue de renforcer l’engagement des actionnaires dans les grandes entreprises européennes. Le 16 décembre, le Coreper a approuvé cet accord formellement. Cet accord favorisera un engagement transparent et actif des actionnaires des sociétés cotées par la voie d’une révision de la directive sur les droits des actionnaires (2007/36/CE), qui est actuellement en vigueur. La nouvelle directive fixe des exigences spécifiques en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires et d’accroître la transparence. Ces exigences s’appliquent dans les domaines suivants :

- Rémunération des administrateurs. - Identification des actionnaires.

- Facilitation de l’exercice des droits des actionnaires. - Transmission des informations.

- Transparence des investisseurs institutionnels, des gestionnaires d’actifs et des conseillers en vote. - Transactions avec des parties liées.

Après son adoption définitive par le Conseil et le Parlement européen dans le courant de l’année 2018, la directive révisée sera publiée au Journal officiel de l’UE. Les États membres disposeront d’un délai maximal de deux ans pour intégrer les nouvelles dispositions dans leur droit national. Voir ANSA, Directive révisée sur les droits des actionnaires de sociétés cotées, en Panorama d’actualité juridique, fiscale et européenne, Fiche n°IV-2, 2017.Le texte est disponible sur le site : www.ansa.fr.

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Sur ces questions, les actionnaires réunis en assemblée générale doivent s’exprimer et donner des indications précises au conseil d’administration de façon que ce dernier puisse en tenir compte lors de la définition de la stratégie et apporter, les cas échéants, les ajustements nécessaires.

95. L’administration et la gestion de l’entreprise n’est pas l’affaire des actionnaires, mais des dirigeants. Pour faciliter et promouvoir l’investissement à long terme des actionnaires, le conseil d’administration doit mettre en œuvre une politique tendant à privilégier le dialogue avec cette catégorie d’investisseurs, dans le respect bien sûr du principe de l’égalité entre actionnaires.

La réalité économique est devenue tellement complexe que le débat au sein de l’assemblée générale ne peut pas se limiter à la seule rémunération des dirigeants, mais doit servir à mettre effectivement en discussion la gestion et les choix faites par l’équipe de direction. Autrement dit, l’assemblée générale doit solliciter l’attention du conseil d’administration sur tous les sujets essentiels à la gouvernance d’entreprise, que nous avons précédemment évoqués.

96. Or l’analyse comparative des dispositions du Code de commerce, en France, et du Code civil, en Italie, montre que les prérogatives assignées à l’assemblée générale sont équivalentes, et qu’il n’existe pas de grandes différences entre les deux pays à ce sujet.

A l’instar de toute instance démocratique, la société cotée se fonde sur le principe de la séparation des responsabilités qui permet d’organiser le pouvoir, de limiter l’arbitraire et d’empêcher toutes sortes d’abus.

La mise en œuvre de ce principe n’est pas un simple mode d’organisation, mais est un mécanisme essentiel au bon gouvernement de l’entreprise dont l’application se traduit par deux interdictions majeures :

- Aucun organe de gouvernance de l’entreprise ne peut exercer les compétences d’un autre organe de celle-ci.

- Aucun organe de gouvernance de l’entreprise ne peut déléguer ses propres prérogatives à un autre organe170.

Chaque actionnaire est investi d’un pouvoir personnel en vertu duquel il peut exercer certaines prérogatives spécifiques :

- L’exercice du droit de vote lors des assemblées. Ce droit est un droit mixte que chaque actionnaire exerce dans son intérêt personnel et dans l’intérêt général de la société.

- L’introduction, le cas échéant, d’une action en justice lorsque la procédure de convocation de l’assemblée n’a pas été respectée.

- Le pouvoir d’information dont la fonction est de favoriser la participation active de l’actionnaire aux réunions de l’assemblée générale de manière qu’il puisse prendre ses décisions en pleine connaissance de cause171.

97. La démocratie d’entreprise repose sur l’instance suprême qu’est l’assemblée générale des actionnaires, qui peut être définie comme le lieu de décision où se prennent un certain nombre de décisions importantes, telles que : la nomination et révocation des administrateurs, l’approbation de comptes annuels et, le cas échéant, consolidés, l’augmentation et réduction du capital social, l’usage qui sera fait des profits et toute décision qui peut avoir un impact non négligeable sur l’objet social et su r la gouvernance de la société.

98. En France comme en Italie, la loi fixe les règles de fonctionnement de l’assemblée générale et en précise le contenu notamment pour ce qui concerne : l’avis de convocation, l’ordre du jour, le quorum, le procès-verbal, le déroulement du débat, les modalités de participation (visioconférence ou par des moyens de

télécommunication), l’exercice du vote (vote électronique, procuration etc.), les projets

de résolutions, les relations avec les investisseurs et les agences de co nseil en vote, et l’information à fournir aux investisseurs et au marché, avant et après la réunion. Ces règles sont souvent incorporées dans les statuts des sociétés cotées, elles doivent être respectées et spécifiées à l’avance de manière à éviter toute forme d’abus ou de conflit entre les actionnaires.

99. En conclusion, on peut dire que la seule différence majeure entre le droit français et le droit italien des sociétés concerne la compétence de l’assemblée générale.

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En France, indépendamment de la formule de gouvernance choisie par les actionnaires (moniste ou duale), l’assemblée générale a une compétence pleine, celle qui a été fixée par la loi et les statuts. En Italie - comme on le verra mieux plus loin - l’assemblée générale est investie d’amples prérogatives uniquement dans le cadre de la société cotée organisée selon les modes traditionnel et moniste de gouvernance d’entreprise. La réforme de 2003 a décidé de limiter le pouvoir de l’assemblée générale des actionnaires de la société cotée organisée selon le mode de gouvernance dual à l’avantage du conseil de surveillance.