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Les modes de direction : la direction unifiée et la direction dissociée

Titre II. Les différentes modes de gouvernance des sociétés cotées en France et en

Chapitre 1. Les modes d’organisation traditionnels de la gouvernance des sociétés cotées en

1. La société moniste en France

1.1. Les modes de direction : la direction unifiée et la direction dissociée

78. La formule de la direction unifiée permet au président du conseil d’administration de cumuler ses fonctions avec celles du directeur général.

Le P-DG a un rôle central dans la gestion de la société et dispose des pouvoirs les plus étendus, sauf dans le cas, bien entendu, où le conseil d’administration a opté pour la dissociation des fonctions de président du conseil et de directeur général. Dans le cadre de l’unification des fonctions, le P-DG, en sa qualité de président du conseil d’administration, supervise l’établissement des grandes orientations de la société et conserve le pouvoir d’engager la société vis-à-vis des tiers, dans la limite de l’objet social. En sa qualité de directeur général, le P-DG assume la responsabilité de la direction générale de la société.

Il est d’opinion courante que la formule de la direction unifiée affaiblit la capacité du conseil d’administration à contrôler le directeur général. Même si d’autres auteurs soulignent que le fait que les pouvoirs de l’entreprise soient concentrés entre les mains d’une seule et même personne a l’avantage de favoriser la simplification du processus décisionnel et de renforcer l’efficacité opérationnelle, au sein de la société, grâce à une meilleure coordination des équipes et à une meilleure organisation des opérations d’entreprise.

Cependant, l’inconvénient majeur de la formule de direction unifiée est que le P -DG tend à se concentrer sur son rôle opérationnel, sans accorder assez de temps et d’importance à son rôle de président du conseil d’administration.

Cet aspect a été assez critiqué par les investisseurs institutionnels. Ils ont toujours déploré le manque, au sein des sociétés cotées françaises, d’un système de freins et contrepoids limitant le grand pouvoir du P-DG.

Pour conformer les standards des sociétés cotées françaises aux pratiques de bonne gouvernance anglo-américaines et donner une réponse concrète à cette problématique, l’AFG (Association française de la gestion financière), en 2010, s’est dite favorable à la nomination d’un administrateur référent dans le cas où les pouvoirs sont concentrés dans les mains du P-DG.

Sur cette question, l’AFG est revenue à plusieurs reprises. Elle a récemment précisé que les statuts des sociétés cotées doivent prévoir une telle éventualité et formaliser le

rôle de l’administrateur référent dans les mêmes statuts ou dans le règlement intérieur du conseil d’administration134.

Pour sa part, le Code AFEP-MEDEF, en 2013, a prévu la possibilité de nommer un administrateur référent sans toutefois la recommander. Mais, la dernière mouture du Code AFEP-MEDEF recommande l’utilisation de ce mécanisme de gouvernance et précise que l’administrateur référent doit être choisi parmi les administrateurs indépendants135.

79. La direction unifiée n’est pas le seul mode d’organisation des pouvoirs au sein du conseil d’administration des sociétés cotées. Depuis 2001, la loi française offre la possibilité d’opter pour la direction dissociée qui assure un meilleur équilibre des pouvoirs, étant fondée sur la séparation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général136.

La décision de dissocier les fonctions au sein de la direction doit être adoptée par le conseil d’administration, alors que la décision de transformer une société à conseil d’administration en société à directoire et conseil de surveillance ou vice-versa relève de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire, s’agissant d’une décision comportant une modification des statuts137.

Dans la mise en place de cette formule de direction, la NRE de 2001 s’est inspirée des pratiques de bonne gouvernance anglo-américaines, qui, dès le rapport Cadbury de 1992, préconisent la séparation des fonctions de chairman de celles de managing

director.

Dans les intentions du législateur français de 2001, la dissociation des fonctions aurait dû devenir un mode d’organisation de principe, et l’unicité des fonctions l’exception. Mais à ce sujet, le patronat et les associations représentatives des entreprises sont intervenus pour que la dissociation des fonctions soit entièrement facultative, arguant du fait que, même dans la pratique anglo-américaine, c’est le conseil d’administration qui choisit de réunir ou de dissocier les fonctions de chairman et de CEO.

134 v. AFG, Recommandations sur le gouvernement d’entreprise - Version 2018, p.15. 135 v. article 3.2 du Code AFEP MEDEF - Version 2018.

136 v. l’exposé des motifs de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE). 137 v. article L.225-51-1 et R.225-27 du Code de commerce. Voir également P. DURAND-BARTHEZ, Le guide de la

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La réalité est que les entreprises cotées françaises, notamment celles de taille moyenne, continuent à préférer le mode de direction unifié à celui de la direction dissociée138. Le sujet de la dissociation des fonctions n’a manqué de susciter l’intérêt du législateur européen. La Commission européenne, lors des travaux du Plan d’Action sur la modernisation du droit des sociétés et sur le renforcement du gouvernement d’entreprise, s’est dite favorable à l’idée de séparer les fonctions de président du conseil d’administration de celles de directeur général au sein des entreprises anonymes européennes139.

80. Bien que séduisante, cette idée n’a pas été partagée par les émetteurs et le patronat français, qui continuent d’être de l’avis que la supériorité formelle de la direction dissociée n’a pas été encore démontrée. Ils partent du constat que la dissociation des pouvoirs de direction peut aboutir, à cause des rapports de force qui naissent entre le directeur général et le président, à une paralysie de la gestion de l’entreprise.

Ils insistent sur le fait que la dissociation des pouvoirs de direction n’est pas le meilleur mode de gestion. Et mettent en évidence que le Code de commerce prévoit un certain nombre de freins et contrepoids pour limiter tout abus de pouvoir discrétionnaire de la part du P-DG et protéger les intérêts des actionnaires140. L’opposition française à l’encontre de la dissociation des pouvoirs de direction a contraint la Commission européenne à adopter une nouvelle stratégie en matière de gouvernance d’entreprise. Elle a dû accepter l’idée que, dans les systèmes juridiques des pays membres de l’Union européenne, ces deux différents modes de direction (unifiée et dissociée) peuvent coexister et a laissé libres les sociétés de choisir, entre les deux options, celle qui le convient le mieux.

138 La formule de direction avec dissociation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général (DG) est utilisée par 37,5% sociétés du CAC 40. Les sociétés qui, au premier semestre 2016, ont dissocié les fonctions de président et de directeur général sont 11. Il s’agit des sociétés suivantes : Airbus Group, BNP Paribas, Crédit Agricole, Danone, Lafarge, Nokia, Safran, Sanofi, Société Générale, Sodexo et Solvay. Source : www.boursorama.com.

139 v. ANSA, « Dissociation des fonctions de président et de directeur général - Panorama d’actualité juridique, fiscale et européenne », ANSA - Fiche n° IV-8-2013.

140 La nomination d’un administrateur référent chargé de missions particulières pour assurer l e meilleur équilibre des

pouvoirs, la limitation apportée par le conseil d’administration aux pouvoirs du directeur général, la nomination au sein du conseil d’une proposition suffisante d’administrateurs indépendants constituent autant d’outils voire de contrepoids permettant au conseil de contrôler la gestion menée par les dirigeants. Voir ANSA, « Dissociation des fonctions de président et de directeur général - Panorama d’actualité juridique, fiscale et européenne », cit.