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L’organisation du contrôle assurée par un autre organe : les commissaires au

Titre II. Les différentes modes de gouvernance des sociétés cotées en France et en

Chapitre 1. Les modes d’organisation traditionnels de la gouvernance des sociétés cotées en

1. La société moniste en France

1.4. L’organisation du contrôle assurée par un autre organe : les commissaires au

85. En France, toute société, indépendamment de la forme de la société (SA, SAS,

SRL…) et du mode de gouvernance choisi pour les SA (moniste ou dual), doit confier

le contrôle des comptes annuels à au moins un auditeur légal externe à l’entreprise, appelé commissaire aux comptes (pour les sociétés autres que les SA, seulement au-

delà d’une certaine taille, définie par le chiffre d’affaires ou la taille du bilan ).

Les commissaires aux comptes (CAC) sont des professionnels chargés de contrôler les documents comptables de la société et de certifier que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat, de la situation financière et du patrimoine de l’entreprise151.

Les commissaires aux comptes ne peuvent pas être qualifiés d’organe interne de la société car ils n’exercent pas leur mission au nom de la société et ne peuvent pas être actionnaires de celle-ci. Ils sont désignés directement par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition du conseil d’administration. Il s’agit - comme déjà

149 v. article L.225-37 alinéa 2 du Code de commerce.

150 v. Y. PACHOT, « Entre pouvoirs généraux et pouvoirs spéciaux : un conseil pour quoi faire ? », en Revue

Trimestrielle de Droit Financier RTDF, N° spécial 2013, p.115.

souligné - de professionnels indépendants habilités à contrôler les aspects comptables, économiques et financiers de la société, sans s’immiscer dans la gestion de celle -ci152. Cette particularité revêt une importance majeure notamment dans la comparaison avec le droit italien des sociétés. En effet, elle permet de tracer une distinction nette entre les commissaires aux comptes et le collège syndical, qui, par contre, est un organe interne de la société et exerce sa mission pour le compte de la société.

86. Le régime applicable à la profession des commissaires aux comptes a fait l’objet d’assez nombreuses législations toujours destinées à assurer que les fonctions exercées par les contrôleurs légaux poursuivent l’intérêt de la société, des actionnaires et du marché153.

Récemment, le législateur a édicté l’ordonnance n°2016-315 du 17 mars 2016 et a mis en conformité le droit français avec les nouvelles dispositions de la réforme européenne de l’audit visées par la Directive 2014/56/UE et le Règlement UE 537/2014 du 16 avril 2014. Le texte de l’ordonnance a été complété par le Décret n°2016-1026 du 26 juillet 2016 et par le Code déontologique de la profession154.

L’objectif de la réforme européenne est d’harmoniser le contrôle légal des comptes des sociétés européennes et de renforcer l’indépendance des auditeurs externes de l’entreprise. Les mesures introduites par l’ordonnance n°2016-315 comprennent la définition d’entités d’intérêt public (EIP). Sont notamment considérées comme telles les sociétés cotées, les établissements de crédit et les compagnies d’assurance, qui ont besoin de règles spécifiques de contrôle pour protéger le marché et prévenir toutes sortes de risques financiers systémiques.

L’ordonnance n°2016-315 introduit des dispositions importantes pour ce qui concerne la rotation obligatoire des mandats détenus auprès d’EIP, l’encadrement des services autres que la certification des comptes, et l’implication des comités d’audit des EIP

152 v. article L.823-10 alinéa 1 du Code de commerce.

153 En particulier, la loi NRE de 2001 a amorcé l’unification du statut des commissaires aux comptes et a introduit,

dans le livre VIII du Code de commerce, le nouveau titre II. La loi de la sécurité financière du 1er aout 2003 a renforcé

les règles concernant le contrôle de la profession et a institué le Haut Conseil du commissariat aux comptes ( H3C), qui est une autorité administrative et indépendante. L’ordonnance n°2008 -1278 du 8 décembre 2008 a transposé en droit interne la Directive européenne 2006/46/UE portant sur l’institution de comités d’Audit au sein des entités d’intérêt public (EIP).

154 Aux termes de l’article L.822-16 du Code de commerce, le Code déontologique de la profession est approuvé par

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dans le suivi de la mission des auditeurs155. Enfin, pour améliorer la qualité de l’activité professionnelle des commissaires aux comptes, l’ordonnance n°2016-315 a élargi les missions du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), qui est investi désormais de pouvoirs d’enquête et peut prononcer directement des sanctions administratives pécuniaires156.

Les sociétés cotées doivent nommer au moins deux commissaires aux comptes, une particularité française destinée à renforcer leur indépendance.

87. Le droit français des sociétés dispose que les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées par des personnes physiques ou par des sociétés inscrites sur une liste spéciale établie par le Haut conseil du commissariat aux comptes ( H3C)157, remplissant les conditions fixées par la loi158.

En dehors des cas de nomination statutaire, les commissaires aux comptes sont désignés par l'assemblée générale sur proposition du conseil d’administration159. L’ordonnance n°2016-315 a introduit des modalités spécifiques de désignation des commis saires aux comptes auditant les entités d’intérêt public (EIP). Le nouveau dispositif implique davantage le comité d’audit dans la procédure de sélection par appel d’offre des commissaires aux comptes.

Il prévoit qu’à l’issue du processus d’appel d’offre, le comité d’audit doit formuler au conseil d’administration une recommandation sur les commissaires aux comptes proposés à la désignation de l’assemblée générale. Cette recommandation est justifiée dans tous les cas où la procédure d’appel d’offre comporte au moins deux choix possibles pour la mission de contrôleur légal.

Le comité d’audit doit alors motiver sa préférence pour l'une d'entre elles. Il doit déclarer notamment que la procédure d’appel d’offre n’a pas été influencée par un tiers et qu’aucun contrat conclu entre l’entité et le tiers a eu, pour effet, de restreindre le choix de l’assemblée générale des actionnaires. Le conseil d’administration, quant à

155 A la suite de la réforme européenne de l’audit, il est interdit aux commissaires aux comptes d’effectuer certains

services de non-audit. La liste a été instaurée par l’article 5-1 du Règlement UE 537/2014 du 16 avril 2014. Il s’agit notamment des services relatifs à des opérations spécifiques de l’entité d’intérêt public (EIP) susceptibles de donner lieu à des conflits d’intérêts. Tels sont considérés : les conseils fiscaux, les services d’évaluation, la conception et la mise en œuvre de procédures de contrôle interne, les services en relation avec les ressources humaines et les services de paie. Le Code de déontologie de la profession de commissaires aux comptes en rajoute d’autres.

156 v. H3C, « Repères Rapport annuel 2016 ». 157 v. article L.822-1 du Code de commerce.

158 v. articles L.822-1-1 et L.822-1-3 du Code de commerce. 159 v. article L.823-1 du Code de commerce.

lui, doit soumettre la proposition sous forme de résolution (contenant la

recommandation et la préférence formulées par le comité d’audit) à l'approbation de

l’assemblée générale des actionnaires160. Si la proposition du conseil d’administration diffère de la préférence formulée par le comité d’audit, le conseil d’administration doit alors proposer une autre candidature et expliquer les raisons pour lesquelles il a décidé d’écarter la recommandation dudit comité.

88. Pour simplifier les modalités et les formalités de contrôle des entités d’intérêt public (EIP), la loi Sapin II a supprimé l’obligation de désigner un commissaire aux comptes suppléant. Cette modification a été motivée par le fait que la désignation d’un suppléant n’a plus beaucoup d’utilité. Le commissaire aux comptes des entités d’intérêt public (EIP) sont désormais des sociétés de professionnels indépendants161.

89. La durée du mandat des commissaires aux comptes est toujours fixée à six exercices pour toute forme de société (EIP ou non EIP). Mais pour les entités d’intérêt public (EIP), la durée maximale du mandat ne pourra excéder dix ans, sous réserve de certaines exceptions susceptibles d’étendre cette durée à 24 ans. Des règles spécifiques sont prévues aussi en cas de prolongation de la durée du mandat et de rotation des cabinets des commissaires aux comptes162.

90. Les commissaires aux comptes sont investis de pouvoirs de contrôle généraux et spécifiques. Ils ont pour mission permanente de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur163. Ils doivent également vérifier la sincérité et la concordance avec les comptes

160 v. article 16 du Règlement UE 537/2014 du 16 avril 2014.

161 v. article 140 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 (dite loi Sapin 2) qui a ratifié l’ordonnance n°2016-315 du

17 mars 2016 relative aux commissaires aux comptes. Désormais, la désignation d’un ou de plusieurs commissaires aux comptes (CAC) suppléants n’est requise que si le commissaire aux comptes titulaire désigné est une personne physique ou une société unipersonnelle. Voire l’article L.823-1 alinéa. 2 du Code de commerce.

162 v. articles L.823-3 et L.823-3-1 du Code de commerce. Les possibilités de renouvellement des mandats des

commissaires aux comptes sont désormais assez limitées à cause du fait de l’introduction de la durée maximale de vingt-quatre ans. Dorénavant, les mandats des commissaires aux comptes doivent suivre les suivantes modalités de rotation :

- En cas de commissaire simple (sans co-commissariat), le commissaire aux comptes ne peut exercer ses missions plus de 10 ans, sauf à procéder à l’issue de cette période à un appel d’offre public qui lui permet d’exercer un nouveau mandat de 6 exercices.

- En cas de co-commissariat, le mandat peut être renouvelé jusqu’à atteindre 24 ans.

Les commissaires aux comptes sont ensuite soumis à un délai de viduité de 4 ans. Ces durées maximales peuvent être exceptionnellement prorogées pour une période n’excédant pas 2 ans, par décision du Haut Conseil du Commissariat aux comptes (H3C).

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annuels des informations données dans le rapport de gestion annuel et des documents adressés aux actionnaires sur la situation économique et financière de la société. Le législateur français cantonne les commissaires aux comptes à la seule mission de contrôle de la comptabilité et de certification des comptes annuels et consolidés de la société. Ils ne peuvent pas formuler des appréciations sur les décisions prises par l’équipe dirigeante car, aux termes de la loi, ils ne peuvent pas s’immiscer dans la gestion de la société.

Dans leur rapport à l’assemblée générale des actionnaires, ils expriment par leur certification que les comptes annuels de la société sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice.

Ils peuvent cependant refuser de certifier les comptes annuels de la société de façon à attirer l’attention des actionnaires sur certaines anomalies constatées lors de la certification du bilan d’exercice. Et ils peuvent également établir une certification avec réserve.

91. De ce point de vue, les commissaires aux comptes exercent les mêmes fonctions que le droit italien des sociétés - comme on le verra plus loin - confie au réviseur légal ou à la société de révision légale. Dans l’exercice de leur mission, les commissaires aux comptes sont aussi investis de fonctions spécifiques. A ce titre, ils sont appelés à établir un rapport spécial relatif à certains évènements ou situations particulières de la vie de la société (tels qu'augmentation du capital en cas de compensation avec de

créances sur la société en cas de suppression du droit préférentiel souscription, réduction du capital, émission d’obligations convertibles en actions, distribution d'acomptes sur dividendes, transformation de société …), qui nécessitent d’un éclairage

ponctuel.

Depuis la loi n°84-148 du 1er mars 1984, relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, les commissaires aux comptes sont impliqués dans la procédure d’alerte finalisée à détecter et prévenir toute situation de difficultés des entreprises. S’ils constatent des faits susceptibles de compromettre la continuité et l’exploitation de l’entreprise, ils doivent informer le président et les dirigeants de la société.

En cas de réponse non satisfaisante de la direction, les commissaires aux comptes peuvent provoquer l’intervention du conseil d’administration et présenter un rapport à l’assemblée générale des actionnaires, que, d’ailleurs, ils peuvent convoquer eux - mêmes en cas d’urgence.

Toujours dans l'esprit de préserver l’intérêt général de la société, les commissaires aux comptes ont l’obligation de révéler au procureur de la République tout fait délictueux commis au sein de la société dont ils ont eu connaissance au cours de l’exercice de leur mission164.

92. Pour bien accomplir de leur mission, les commissaires aux comptes disposent de moyens pour accéder aux informations pertinentes de la société. Le Code de commerce dispose qu’ils peuvent, à toute époque de l’année, ensemble ou séparément, opérer toutes vérifications et tous contrôles qu’ils jugent opportuns, auprès de la société mère et de ses filiales. A cet effet, ils peuvent se faire communiquer sur place toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission, et notamment tous contrats, documents comptables et registres de procès-verbaux165.

Les commissaires aux comptes ont aussi l’obligation de participer aux réunions du conseil d’administration qui examinent ou arrêtent les comptes annuels ou intermédiaires de l’entreprise, et à toute assemblée générale des actionnaires166. Et ils ont la faculté de se faire assister ou représenter par des experts ou des collaborateurs de leur choix, qui agissent sous leur responsabilité.