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LES REVENDICATIONS FONCIÈRES : LE TITRE ANCESTRAL UN CONCEPT JURI- JURI-DIQUE AUTONOME PAR RAPPORT AUX FORMES DE PROPRIÉTÉ RECONNUES

LE CONTENTIEUX CLASSIQUE DE LA TERRE

I. LES REVENDICATIONS FONCIÈRES : LE TITRE ANCESTRAL UN CONCEPT JURI- JURI-DIQUE AUTONOME PAR RAPPORT AUX FORMES DE PROPRIÉTÉ RECONNUES

PAR LA LOI ORGANIQUE

En d’autres termes, peut-il exister un droit ancestral, distinct des formes de propriété recon-nues par la loi organique ? La question de la survie des droits fonciers coutumiers et de leur reconnaissance dans notre système juridique apparaît naturellement comme étant la toute première interrogation mais elle sera éclairée grandement par la seconde partie de cette pré-sentation relative à la nature juridique des droits fonciers coutumiers.

La question fondamentale est donc la même que celle posée dans toutes les autres anciennes colonies de peuplement (Australie, Canada, notamment) : existe-t-il un « droit ancestral » ou «  propriété coutumière originelle  » distinct de la propriété «  coutumière  » définie par les articles 6 et 18 de la loi organique du 19 mars 1999 ? Subsidiairement, se pourrait-il que la loi organique dans les dispositions précitées ait restreint, sinon dévoyé, la reconnaissance de la propriété coutumière clairement exprimée par l’accord de Nouméa, laquelle souligne en des termes dont la force du sens n’échappe à personne :

Or, ce territoire n’était pas vide. La Grande Terre et les îles étaient habitées par des hommes et des femmes qui ont été dénommés Kanak. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisait le champ social et politique […] L’identité kanak était fondée sur un lien particulier à la terre. Chaque individu, chaque clan se définissait par un rapport spécifique avec une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière, et gardait la mémoire de l’accueil d’autres familles. Les noms que la tradition donnait à chaque élément du paysage, les tabous marquant certains d’entre eux, les chemins coutumiers structuraient l’espace et les échanges. (Accord de Nouméa, Préambule, § 1)

Cette déclaration n’est pas une formule de style : elle décrit avec exactitude la normativité kanak. Mais quelles conséquences en tirer si ce n’est que cette société précoloniale avait un système social, et donc juridique, cohérent qui ne s’est pas éteint à l’arrivée des colons et la prise de possession. Le démontre l’existence de nos jours du statut personnel. Et c’est à cette évidence (longtemps déniée en Australie) que s’est rangée la High Court of Australia en 1992

en proclamant la survie des droits fonciers autochtones (Native title), et l’autonomie de ce

concept par rapport aux formes de propriété du droit anglo-saxon273.

La question de la survie du titre indigène fondé sur le seul droit coutumier est primor-diale et particulièrement délicate. J’ai moi-même varié sur le sujet que j’ai évoqué dans mon

ouvrage274. Je penchais alors en faveur de la thèse non d’une survie du titre indigène mais

d’une recréation « ex nihilo » d’une propriété coutumière que je ne soutiens plus désormais,

tant cette thèse est négatrice du principe même de droits coutumiers et fait la part belle à

l’idée que la colonisation était fondée dès le départ sur la doctrine terra nullius – ce qui n’a

pas été le cas en l’espèce.

273 - R. lafargue, «  La révolution Mabo ou les fondements constitutionnels du nouveau statut des Aborigènes d’Australie », RDP 1994, n° 5, p. 1329-1356 ; « La Fédération Australienne à l’épreuve du Titre Indigène : le Native Title Act 1993 », Droit et Cultures, n°32, 2/1996, p. 85-106 ; « La Révolution Mabo et l’Australie face à la tentation d’un nouvel apartheid », Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, novembre 1999, n° 43, p. 89-134.

274 - R lafargue, La coutume face à son destin. Réflexions sur la coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie et la résilience des ordres juridiques infra-étatiques, LGDJ Lextenso éditions, 2010, Paris, p. 211-247.

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La jurisprudence a offert l’occasion de s’interroger sur ce point précis à l’occasion d’un arrêt de la cour d’appel de Nouméa du 22 mars 2012, RG n°10/493, W.-M.-N. - Clan G. contre C.

Un pourvoi a été formé contre cet arrêt, lequel contestait la survie du titre indigène sur une terre qui avait fait l’objet de la création d’un droit de propriété de droit commun. La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi du Clan G. au motif, d’une part, que rien n’établissait qu’il s’agisse d’une terre coutumière au sens de l’article 18 de la loi organique du 19 mars 1999, et au motif, d’autre part, que rien n’établissait l’existence d’une possession continue (ce qui constitue une référence évidente à la jurisprudence anglo-saxonne sur le « titre indigène »).

I. A. Les conditions pour revendiquer les terres : la problématique posée par l’arrêt de la Cour de Cassation du 21 mai 2014275

Civ. 3e, 21 mai 2014 n°12-25.432 (Rejet)

Sur le premier moyen : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nouméa, 22 mars 2012), que Mme C., légataire universelle de son oncle, M. A., a reçu dans la succession de celui-ci une propriété de 86 ha 30a, formée d’une partie d’un ensemble plus vaste dont 118 ha avait été restitué au clan G. en 1983 ; qu’au décès de M. A., le clan G… a occupé les terres restées jusque-là entre les mains de celui-ci ; que Mme C… a assigné en expulsion M. W.-M.-N.-G., chef de la tribu de Neya à laquelle appartient le clan G., et demandé que sa propriété sur la parcelle litigieuse soit constatée ;

Attendu que M. W.-M.-N.-G. fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa revendication, d’avoir constaté que Mme C. était propriétaire des terres concernées et d’avoir ordonné l’expulsion de toute personne installée sur ces terres sans l’autorisation de celle-ci, alors, selon le moyen :

1°/ que le succès d’une action en revendication immobilière ne suppose pas que le revendiquant soit possesseur du bien ; que la cour d’appel qui, pour débouter M. W.-M.-N. de sa revendication de la terre coutumière située à Houaïlou, […], s’est fondée sur la circonstance inopérante que le clan G. ne rapportait la preuve d’une possession continue, antérieure aux titres contestés, invo-qués par Mme C., qui se serait poursuivie de façon publique, paisible et non équivoque jusqu’au jour où elle a statué, a violé les articles 544, 711 et 712 du code civil et 18 de la loi organique du 19 mars 1999 ;

2°/ que le juge ne peut se prononcer par voie de simple affirmation ; que la cour d’appel qui, pour écarter la revendication de M. W.-M.-N., s’est contentée d’affirmer, sans procéder à aucun examen, que « les différents éléments juridiques avancés » n’apportaient pas la preuve que le terrain litigieux serait coutumier et appartiendrait au clan G., a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que les terres coutumières sont inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables ; que la cour d’appel qui, pour débouter M. W.-M.-N. de sa revendication, s’est fondée sur la circons-tance inopérante qu’il avait par le passé, par égard pour M. A., renoncé à contester la totalité de sa propriété, a violé l’article 18 de la loi organique du 19 mars 1999 ;

4°/ que, en tout état de cause, la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que la cour d’appel qui, pour dire que M. W.-M.-N. avait perdu toute possibilité de revendiquer la terre litigieuse, s’est contentée de constater qu’il avait par le passé, par égard pour M. A., renoncé

275 - Les lignes qui suivent sont des extraits de Régis Lafargue, Le chemin, le geste et la parole. De la norme autochtone au droit coutumier kanak, éd. Dalloz, coll. L'esprit du droit, Paris, 2017.

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à contester la totalité de sa propriété, ce qui ne permettait pourtant pas de caractériser une renoncia-tion dépourvue d’équivoque, a privé sa décision de base légale au regard des articles 544, 711 et 712 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le clan G… ne rapportait la preuve ni du caractère coutumier, au sens de l’article 18 de la loi organique du 19 mars 1999, de la propriété revendiquée, ni d’une possession continue, publique, paisible et non équivoque, susceptible de fonder la prescription, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif surabondant, en a exactement déduit que Mme C… était propriétaire du terrain concerné ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; […] Rejette le pourvoi ;

L’arrêt rejette donc le pourvoi formé par le clan G. contre l’arrêt de la cour d’appel (de Nouméa

du 22 mars 2012, RG n°10/493, W.-M.-N. - Clan G. contre C.) : « ayant relevé que le clan G. ne

rapportait la preuve ni du caractère coutumier, au sens de l’article 18 de la loi organique du 19 mars 1999, de la propriété revendiquée, ni d’une possession continue, publique, paisible et non équivoque, susceptible de fonder la prescription, la cour d’appel […], en a exactement

déduit que Mme C. était propriétaire du terrain concerné ».

Le rapporteur à la Cour de cassation a opéré un parallèle entre cette affaire et celles qui voient dans les pays anglo-saxons revendiquer le « titre indigène/ancestral ».

En effet, cet arrêt fait écho aux arrêts Mabo (1992) et Wik People (1997)276 pour l’Australie, et

aux arrêts Calder (1973)277 et Nation Tsilhqot’in (24 juin 2014)278 pour le Canada.

L’arrêt Calder souligne que les textes canadiens sont déclaratifs du droit foncier autochtone

antérieur et non pas constitutifs. Le « titre ancestral » préexistait à la prise de possession et son fondement n’est pas à rechercher dans le droit étatique qui n’est que déclaratif, mais dans le droit autochtone lui-même : « l’existence des droits des peuples autochtones ne dépend pas nécessairement de leur reconnaissance par la proclamation Royale de 1763, mais du fait que,

276 - R. lafargue, « La révolution Mabo ou les fondements constitutionnels … op. cit. ; « La Fédération Australienne à l’épreuve du Titre Indigène, op. cit. ; « La Révolution Mabo et l’Australie face à la tentation d’un nouvel apartheid », op. cit.

277 - Calder vs British Columbia, [1973] S.C.R. 313.

278 - Cour Suprême du Canada, 26 juin 2014, Nation Tsilhqot’in (Roger William agissant en son propre nom, et en qualité de représentant de la Nation Tsilhqot’in) contre Colombie-Britannique, 2014 CSC 44. Le litige est né de l’autorisation donnée par la collectivité publique à un exploitant forestier d’exercer son activité sur une zone revendiquée par la na-tion Tsilhqot’in. L’arrêt énonce que : « Le juge de première instance a eu raison de conclure que les Tsilhqot’in avaient établi l’existence du titre ancestral sur le territoire revendiqué en cause. […] Le titre ancestral découle de l’occupation, c’est-à-dire d’une utilisation régulière et exclusive des terres. Pour fonder l’existence du titre ancestral, l’“occupation” doit être suffisante, continue (si l’occupation actuelle est invoquée) et exclusive. Pour déterminer ce qui constitue une occupation suffisante, l’exigence qui se trouve au cœur du présent pourvoi, il faut examiner la culture et les pratiques des Autochtones et les com-parer, tout en tenant compte de leurs particularités culturelles, à ce qui était requis en common law pour établir l’existence d’un titre fondé sur l’occupation[…] De par sa nature, le titre ancestral confère au groupe qui le détient le droit exclusif de déterminer l’utilisation qu’il est fait des terres et de bénéficier des avantages que procure cette utilisation, pourvu que les utilisations respectent la nature collective de ce droit et préservent la jouissance des terres pour les générations futures.[…] Lorsque l’existence du titre ancestral a été établie, la Couronne doit non seulement se conformer à ses obligations procédurales, mais elle doit aussi justifier toute incursion sur les terres visées par le titre ancestral en s’assurant que la mesure gouvernementale pro-posée est fondamentalement conforme aux exigences de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Elle doit à cette fin démontrer l’existence d’un objectif public réel et impérieux, et que la mesure gouvernementale est compatible avec l’obligation fiduciaire qu’a la Couronne envers le groupe autochtone… » (Arrêt, extrait p. 7 et 8 soulignés par l'auteur).

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lorsque les colons européens sont arrivés, les autochtones vivaient en société organisée sur des terres comme leurs ancêtres depuis des temps immémoriaux » affirme la Cour suprême

canadienne dans l’arrêt Calder.

L’arrêt Nation Tsilhqot’in souligne la spécificité du titre ancestral : « le titre ancestral confère au

groupe qui le détient le droit exclusif de déterminer l’utilisation qu’il est fait des terres et de

bénéficier des avantages que procure cette utilisation, pourvu que les utilisations respectent

la nature collective de ce droit et préservent la jouissance des terres pour les générations futures ». Cette définition met clairement l’accent sur le fait que le rapport entre les hommes et la terre (comme en Nouvelle-Calédonie) est un rapport fiduciaire  : le titulaire du droit

actuel n’est pas propriétaire et agit pour le compte de bénéficiaires279.

Le conseiller rapporteur de la Cour de Cassation à la différence de la jurisprudence austra-lienne et canadienne qu’il cite semble partir du postulat que la prise de possession en 1853 de la Nouvelle-Calédonie par la France a eu pour effet d’éteindre la « propriété coutumière originelle ». En effet, selon les termes de son rapport (dont l’importance doit être relativisée en ce qu’il n’exprime qu’un point de vue personnel de nature doctrinale, et non celui de la juridiction dans son ensemble) la loi organique du 19 mars 1999 en ses articles 6 et 18 revêt une portée constitutive de droits et non pas une simple portée déclaratoire de droits préexistants. Ce postulat mérite discussion.

Dans l’espèce ici présentée, le rapporteur résume en ces termes l’argumentation des parties :

Le présent pourvoi s’inscrit dans le contexte juridique et politique particulier du territoire de Nouvelle Calédonie. L’article 6 de la loi organique du 19 mars 1999 a en effet prévu que le droit de propriété s’y exercerait non seulement sous les formes publique et privée, comme en métropole, mais encore sous la forme coutumière.

La première définition de la propriété coutumière a été donnée dans un arrêté du Gouverneur du 22 janvier 1868 qui prévoyait que sur le territoire de chaque tribu serait délimité un terrain (« réserve ») d’un seul tenant ou en parcelles, dont la surface serait proportionnelle au nombre d’habitants de la tribu, et que ces terres coutumières seraient inaliénables, insaisissables, inces-sibles et incommutables. Ces quatre caractéristiques de la propriété coutumière ont été reprises par l’article 18 de la loi organique du 19 mars 1999 (déclarée conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel en sa décision du 99-410 du 15 mars 1999 - en particulier les points 6 à 13). Ce texte a par ailleurs organisé la possibilité pour les tribus et clans de revendiquer la propriété coutumière, et c’est dans ces conditions que le clan G… a demandé et obtenu en 1983 la restitution de 118 des 204 ha de la propriété A., puis a formé en 2005 une nouvelle revendication sur les 86 ha restant auprès de l’Adraf, tout en prenant l’initiative d’occuper immédiatement les terres revendiquées, à laquelle Mme C. s’est opposée par son action en justice.

Dans le cadre ainsi rappelé, le mémoire ampliatif, en ses deux premières branches du premier moyen, rappelle que l’action en revendication de droit commun (à laquelle il assimile l’action en revendication coutumière) est insusceptible de prescription extinctive (Civ. 3e, 2 juin 1993 Bull.

279 - R. lafargue, « L’Océanie : de l’identité par la Terre à l’identité par le Droit », inL’unité de la République et la diver-sité culturelle, O. Desaulnay et M. maisonneuVe (dir.), éd. PUAM, 2016.

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civ. n°197, Civ. 3e, 9 juillet 2003 Bull. civ. n°156), et en déduit que celui qui exerce l’action péti-toire n’a donc pas à rapporter la preuve d’une possession, cette action tendant à faire reconnaître le fond du droit, non le fait de la possession. Il ajoute que ce n’est que si le demandeur fonde sa revendication sur une acquisition par prescription qu’il y a lieu alors de s’interroger sur l’existence d’une possession susceptible d’entraîner l’occupation, tout en précisant d’ailleurs que cette posses-sion serait sans effet sur des terres coutumières.

Concrètement, M. W.-M.-N. soutient que Mme C. n’a pu à aucun titre acquérir une terre coutu-mière. Il conteste le motif de la cour selon lequel le clan G. ne rapporte pas la preuve d’une posses-sion utile pour prescrire, qu’il juge inopérant, estimant qu’il ne se fondait nullement sur la pres-cription, mais sur le statut coutumier de la terre. Il observe que la cour d’appel a certes examiné son argument tiré du statut coutumier de la terre, mais l’a écarté en invoquant l’absence d’une prescription susceptible de fonder le titre coutumier revendiqué. La première branche s’attaque donc directement à l’utilisation que la cour a faite de la possession pour écarter la demande, tandis que la seconde branche estime que les motifs de la cour procédaient par voie de simple affirmation. En ses deux dernières branches, le premier moyen estime que le caractère inaliénable incessible, incommutable et insaisissable des terres coutumières, selon la formulation reprise par l’article 18 de la loi organique du 19 mars 1999, exclut que le propriétaire coutumier puisse renoncer à sa propriété… comme d’ailleurs le propriétaire en droit commun qui doit pour cela poser des actes mani-festant sans équivoque sa volonté de renoncer (Civ. 3e, 7 avril 1992, Bull. civ. n°115). Concrètement le demandeur au pourvoi estime que la « renonciation » par laquelle il a laissé à M. A., en 1983, 86 ha sur les 214 ha de la propriété initiale était sans incidence dès lors qu’il ne pouvait perdre les droits qu’il détenait avec son clan sur une terre coutumière (1ère branche) et qu’en tout état de cause la cour d’appel n’a pas caractérisé suffisamment la renonciation, alors même qu’il invoquait le fait qu’il avait été entendu que le surplus de la propriété de M. A. reviendrait au clan après le décès de ce dernier. L’ensemble de l’argumentation du moyen repose donc sur l’idée qu’il existait une propriété coutumière originelle, antérieure à l’apparition de la propriété de type européen, et que cette pro-priété coutumière, insaisissable, incessible, incommutable et imprescriptible est reconnue par la loi organique du 19 mars 1999 qui la protège.

Sur les quatre branches, le mémoire en défense réplique qu’il ne peut exister de propriété coutu-mière originelle, et que la seule propriété coutucoutu-mière ayant valeur juridique est celle que définit l’article 18 de la loi du 19 mars 1999 (réserves, terres attribuées, terres domaniales rétrocédées), à l’exclusion de toute propriété coutumière originelle préexistant à la colonisation. Il estime que la réparation des spoliations coloniales ne peut passer que par l’une de ces trois formes de propriété coutumière, et en particulier par les attributions faites par l’Adraf en considération du critère du « lien à la terre », et que le demandeur au pourvoi ne fondait pas sa demande sur ces trois formes de propriété coutumière, mais sur une propriété originelle. Il soutient en conséquence que notre cour devrait substituer aux motifs critiqués (qui ont semblé admettre l’existence d’un tel droit originel) un motif de pur droit, tiré de l’impossibilité de retenir que le lien ancestral à la terre pouvait fonder une propriété coutumière au sens de la loi organique du 19 mars 1999. Il rappelle que, de toute façon, le droit ancestral à la terre, à le supposer pertinent, a été interrompu par les divers actes notariés créateurs de droit. Il conclut au rejet de la première branche, mal fondée, et des trois branches suivantes qui s’attaquent à des motifs surabondants.

Le second moyen conteste le fait que la cour d’appel ait estimé qu’en conséquence du rejet de la revendication du clan G., il y avait lieu de faire droit à la demande d’expulsion, alors même que le titre de Mme C. était contesté, et que la cour ait jugé qu’il n’était pas « besoin d’examiner la validité contestée des différents actes notariés ». Il en sera proposé la non-admission. La cour

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(la mention de l’arrêt sur ce point ne doit pas se comprendre au sens juridique), sauf au regard de la propriété coutumière originelle « prétendue », dont l’arrêt a estimé qu’elle n’était pas confortée par une possession continue pour être juridiquement protégée. Dans ces conditions, en l’état de titres notariés que rien ne venait combattre, la cour d’appel ne pouvait que prononcer l’expulsion au vu de ceux-ci.

Au-delà des arguments strictement juridiques que développe chacune des parties, votre rapporteur manquerait à sa tâche s’il ne rappelait pas que la question qui nous est posée, au travers de ce