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2.1 Les concepts

2.1.1 Les concepts et les valeurs liés au contexte et au contenu des textes produits

2.1.1.6 Le Bien : un concept qui a une longue histoire

2.1.1.6.1 Le pourquoi d’un retour à l’Histoire

Au cours des siècles les réponses aux questions qu’est-ce que le bien, comment faire le bien, qu’est-ce qui pousse les humains à s’occuper des autres ou encore de comment distribuer les biens et quel est le rôle de l’État, ont été à la source des interrogations de plusieurs penseurs.

Le vingtième siècle et particulièrement les années qui ont suivi la fin de la deuxième grande guerre, ont vu les économistes devenir les champions des modèles de distribution des biens sur la planète. Ce sont eux qui ont élaboré des stratégies de développement susceptibles de répondre aux besoins des pays en développement sans, la plupart du temps, se préoccuper des recherches en sciences sociales et humaines. Oeuvrant particulièrement au sein de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, ces économistes ont mis de l’avant des stratégies qui se sont avérées inadaptées aux pays en développement. À l’heure actuelle, leur pertinence même est remise en question et leur approche qualifiée d’économistique104.

Face à la déferlante de la mondialisation et des développements scientifiques et technologiques, ce questionnement s’est complexifié et dans la foulée de cette remise en question de la capacités des approches, uniquement centrées sur l’économie, de résoudre les problèmes auxquels font face les pays en développement, les années quatre-vingt dix et le nouveau millénaire ont vu surgir la promotion d’approches multidisciplinaires et parfois multiculturelles qui ont donné lieu à la publication d’ouvrages importants qui retournent aux sources de la pensée philosophique, politique, économique légale, sociologique et éthique et revisitent les concepts de bien commun, biens communs, intérêt général, biens publics globaux et bien public en se

104 Nous empruntons ce terme à Edgar Morin, « Ce que nous savions déjà ». Il écrit dans cet article qu’il faut créer une société monde et « dépasser l’idéologie économistique qui donne au marché mondial la mission de réguler la société-monde, alors que c’est la société-monde qui doit réguler le marché mondial », [En ligne] : http://nicol.club.fr/ciret/bulletin/b16/b16c22.htm, (Page consultée le 10 août 2007).

demandant si ces visions pourraient s’actualiser de façon à contribuer à une mise en œuvre plus en phase avec la diversité culturelle des peuples et les développements scientifiques et technologiques aussi bien que les questions environnementales qui affectent les générations actuelles mais qui affecteront aussi les générations futures à l’échelle planétaire105. Tous ces ouvrages apportent des éléments d’interrogations basées sur l’histoire, l’économie, le droit, la philosophie, l’éthique, la science politique et la sociologie106.

Dans cette littérature, le concept du bien commun refait surface avec cette question : Peut-on, aujourd’hui en réexaminer les fondements et les applications possibles pour, en quelque sorte, le refonder ? Comme le propose Alain Guéry, pouvons-nous passer par l’histoire pour tester la validité et l’intérêt de la notion de bien commun afin de voir s’il est possible de l’intégrer dans une mise en œuvre universelle tenant compte des expériences des autres civilisations. Car : « Le bien commun, stricto sensu, n’est jamais défini ; seul le contexte permet d’observer qu’il fait sens107 ».

Le concept de bien commun a aussi repris, comme nous le disions, de la visibilité en environnement. Il inclut alors la prise en compte des droits des générations futures dans une perspective de développement durable. Cette conception du bien commun ou encore de l’intérêt commun s’est étendue progressivement aux sciences de la vie et à la bioéthique. D’ailleurs en bioéthique, depuis le Rapport Belmont, le principe de bienfaisance est un des principes phares. Dans La nouvelle encyclopédie de

105 Voir : Guy Jobin, « Le bien commun à l’épreuve de la pensée éthique contemporaine », Revue

d’Éthique et de théologie morale, Le Supplément, no 204, mars 1998, pages 129-155: Lisa Sowle

Cahill, Bioethics and the Common Good, Milwaukee, Marquette University Press, 2004; Jacques Beauchemin, « Que reste-t-il du bien commun ? - Entre la loi du marché et l’individualisme », Le

Devoir, 12 juillet 2004, page A6. Jacques Beauchemin, La société des identités. Éthique et politique dans le monde contemporain, Montréal, Athéna, 2005.

106 Voir aussi : Inge Kaul, Isabelle Grunberg et Marc A. Stern, Global Public Goods. International

Cooperation in the 21st Century, Oxford University Press, New York, 1999; Inge Kaul. « Perspectives pour la coopération internationale : des mécanismes d’action collective », Le Monde

diplomatique, (juin 2000), page 22, [En ligne] : http://www.monde-diplomatique. fr/imprimer/2358/69c8d8f093, (Page consultée le 20 février 2007) ; Olivier Delas et Christian Deblock, directeurs. Le bien commun comme réponse politique à la mondialisation. Bruxelles, Bruyant, 2003.

107 « Entre passé et avenir : le bien commun, histoire d’une notion », dans Le bien commun comme

réponse politique à la mondialisation, Olivier Delas et Christian Deblock, directeurs, Bruxelles,

bioéthique il est défini comme suit : « Le principe de bienfaisance est un principe éthique qui considère que l’action doit tendre vers la réalisation du bien en tenant compte de la conception du bien d’autrui108 ». Mais préciser le contenu du principe demeure un défi en bioéthique. De quel bien s’agit-il et pour qui ?

Nous allons comme le suggère Alain Guéry passer par l’histoire du bien pour explorer les sources de la pensée sur le bien commun et voir quelles réponses ont été apportées aux questions posées plus haut. Car la pensée qui sous-tend les différents courants économiques, politiques et philosophiques de la réflexion sur le bien a été élaborée au cours des siècles par des penseurs auxquels la bioéthique se réfère fréquemment.

Depuis des siècles, les êtres humains s’interrogent sur les sources de l’agir collectif et individuel et sur la définition de la vie bonne. Les hommes sont-ils naturellement bons ou mauvais ? Sont-ils guidés par la raison ou la passion ? Possèdent-ils une morale naturelle ? Sont-ils uniquement avides de pouvoir ? Comment les gouverner ? Ces questions ont passionné une foule de penseurs à travers les siècles qui ont exploré les sources de l’agir humain. La plupart de ces penseurs sont évoqués dans les ouvrages de bioéthique. C’est pourquoi nous avons cru bon de présenter un aperçu de ceux qui nous sont apparus les plus pertinents dans le cadre de cette thèse.