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Sous le directeur général qui a remplacé Federico Mayor, monsieur Koïchiro Matsuura, le comité international de bioéthique créé en 1993 a reçu ses statuts et est devenu permanent en 199842. Ses fonctions sont les suivantes :

(a) il favorise la réflexion sur les enjeux éthiques et juridiques des recherches dans les sciences de la vie et de leurs applications, et encourage l’échange d’idées et d’information, notamment par l’éducation ;

(b) il encourage des actions de sensibilisation de l’opinion, des milieux spécialisés et des décideurs, publics et privés, intervenant dans le domaine de la bioéthique ; (c) il coopère avec les organisations internationales gouvernementales et non

gouvernementales concernées par les questions posées par la bioéthique ainsi qu’avec les comités nationaux et régionaux de bioéthique et instances assimilées ; (d) conformément à l’article 24 de la Déclaration universelle sur le génome humain et

les droits de l’homme, ci-après nommée “la Déclaration” :

42 Statuts du Comité international de bioéthique de l’UNESCO, Adoptés le 7 mai 1998 par le Conseil exécutif à sa 154e session (154 EX/Déc. 8.4). [En ligne] : http://unesdoc.unesco.

(i) il contribue à la diffusion des principes énoncés dans la Déclaration et à l’approfondissement des questions que posent leurs applications et l’évolution des techniques en cause ;

(ii) il organise, en tant que de besoin (sic), toute consultation utile avec les parties concernées telles que les groupes vulnérables ;

(iii) il formule, suivant les procédures statutaires de l’UNESCO, des recommandations à l’intention de la Conférence générale et des avis quant au suivi de la Déclaration, et il identifie les pratiques qui pourraient être contraires à la dignité humaine. […]

En proposant leurs candidats au CIB, les États s’efforcent d’y faire figurer des personnalités éminentes, spécialistes dans les domaines des sciences de la vie, des sciences sociales et humaines, notamment des sciences juridiques, des droits de l’homme, de la philosophie, de l’éducation et de la communication, ayant la compétence et l’autorité nécessaires pour remplir les fonctions qui incombent au CIB43.

Lorsque la première déclaration a été adoptée en 1997, les états membres ont déclaré que l’information reçue au sujet de la préparation du texte avait été insuffisante et intermittente. Afin de pallier à cette lacune, l’organisation a créé en 1998 le comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB) lequel est composé de représentants de 36 gouvernements nommés par ceux-ci. Il se réunit seul une fois par an et ensuite, en session conjointe avec le CIB. Ce comité est ainsi informé de l’état des travaux du CIB. Il peut les commenter et suggérer des modifications sans que celles-ci engagent obligatoirement le CIB à modifier ses textes.

Au sein de l’UNESCO, le processus d’élaboration de la déclaration en bioéthique a inclus un comité d’experts indépendants nommés par le directeur général, en l’occurrence, le comité international de bioéthique (CIB) qui a préparé, par des consultations entre les différents acteurs, un projet de texte; la société civile qui a été

consultée via des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, des comités nationaux d’éthique et de bioéthique, le comité interinstitutions des Nations Unies44, et le comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB) dont les membres sont nommés par leur gouvernement respectif. Enfin, avant d’être proposé à la conférence générale de l’UNESCO, le texte, comme tous les textes similaires à l’UNESCO, a été soumis pour étude et révision à des experts gouvernementaux qui représentent les états membres et qui ont l’autorité de modifier le texte45. Ce processus n’est pas sans rappeler le processus d’élaboration d’une politique publique et comporte des aspects éminemment politiques.

Étant données les fonctions que nous avons occupées au sein du CIB de 1998 à 2005 à tire de membre puis de présidente nous croyons pouvoir porter un regard critique sur la démarche que nous illustrons ici dans le schéma 1.

44 Ce comité créé en 2003, comprend les organisations suivantes : L’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Organisation mondiale du commerce, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OCDE, le Conseil de l’Europe, l’Université des Nations Unies, la Commission européenne. L’organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences.

45 On trouvera la description des différents comités de l’organisation dans: UNESCO, Adapting the “Regulations for the general classification of the various categories of meetings convened by UNESCO” to the needs of the organization General Conference, 32C, Paris 2003, Item 6.1 de l’agenda provisoire.

FIGURE 1 :ACTEURS IMPLIQUÉS DANS LA PRÉPARATION D’UNE DÉCLARATION À L’UNESCO

Ce schéma illustre la démarche suivie pour la préparation de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme. Au centre nous voyons le CIB qui reçoit les textes préparés par son groupe de rédaction (à gauche), qui les étudie et les modifie. Le CIB prend aussi en compte les réactions du comité interagence, du CIGB et des autres acteurs (société civile, associations internationales). Ceci sert à préparer le projet qui est ensuite soumis au directeur général qui convoque les experts gouvernementaux. Ceux-ci examinent le texte et peuvent le modifier pour ensuite le recommander à la conférence générale pour adoption ou pour continuation du travail.

Comme nous l’avons expliqué dans l’introduction de ce travail et dans la problématique, les développements scientifiques accélérés de la fin du XXe siècle, en particulier dans le domaine de la biologie moléculaire, ont incité l’UNESCO à préciser sa mission en bioéthique en instaurant deux comités : le Comité international de bioéthique (CIB) et le Comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB). Durant cette période elle a donné le mandat au CIB de définir les deux premières déclarations universelles en bioéthique : La Déclaration universelle sur le génome humain et les

droits de l’homme (1997) et La Déclaration internationale sur les données génétiques humaines (2003).

La réponse à la question que nous nous sommes posée peut se trouver, en partie, dans l’examen des fondements théoriques qui président à l’élaboration de tels textes. Si ces fondements n’ont pas leur source dans des valeurs partageables, ou s’ils sont définis par un courant épistémologique dominant, ces textes ont peu de chance d’être appliqués dans tous les pays auxquels ils s’adressent.

Étant donné la complexité des enjeux auxquels est confrontée la bioéthique au plan mondial, nous croyons qu’il est pertinent de s’intéresser à ce sujet afin d’identifier quelles sont les tendances et les faits porteurs d’avenir ainsi que les failles récurrentes dans la conception de telles déclarations. Rabelais a dit que la Science doit avoir une Conscience. Mais, cette conscience, à l’instar de la science qui est de plus en plus universelle, peut- elle trouver ses assises dans une bioéthique fondée sur une approche renouvelée et rajeunie du bien commun, approche à laquelle pourraient s’identifier les différentes cultures présentes au sein de l’UNESCO ?

La problématique que nous avons exposée en expliquant le contexte des développements scientifiques qui, pour la première fois, ouvraient des possibilités d’intervenir sur le génome humain et de ce fait de questionner les fondements de la nature humaine ne pouvait laisser indifférente une organisation comme l’UNESCO qui s’était donné comme mission de mettre la science au service du développement, de favoriser la constitution d’un réseau international de bioéthique et de sensibiliser l’opinion publique et les décideurs, tout cela dans le but d’intensifier la coopération internationale.

Dans la foulée de cette mission, et en lien avec la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme et la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines elle allait donner au Comité international de bioéthique le mandat de préparer un instrument sur des normes universelles en bioéthique dont nous étudierons l’élaboration afin de découvrir s’il porte en lui une vision universelle du bien commun pouvant répondre aux impératifs de la mondialisation et du respect de

la diversité culturelle. Afin de fonder en théorie nos interrogations, nous procéderons dans le prochain chapitre à la recension des écrits et à la définition des concepts.

C

HAPITRE

2. R

ECENSION DES ECRITS ET DEFINITIONS DES CONCEPTS

Les concepts utilisés en bioéthique font appel à de nombreuses disciplines : économie, philosophie, droit, politique, sociologie et histoire. En l’occurrence, les auteurs auxquels nous nous référerons proviennent de plusieurs disciplines. Ils ont en commun de s’être intéressés à l’éthique et à la bioéthique et de s’être posé des questions en lien avec celles que nous abordons dans notre thèse.

Nous fournissons ici la liste des concepts que nous avons étudiés et utilisés pour construire notre modèle du bien commun. Nous présenterons aussi les auteurs qui nous apparaissent significatifs dans la construction de ces concepts. Nous sommes consciente de la difficulté de cette entreprise de définition des concepts car, et c’est ce qui fait sa richesse et sa difficulté, la bioéthique est un champ complexe, pluridisciplinaire et pluraliste qui « invite à la modestie » comme l’a écrit le philosophe Gilbert Hottois46.

Deux catégories de concepts seront examinées : des concepts et des valeurs liés au contenu des textes et des concepts liés à la dynamique du processus. On notera que ces concepts ne sont pas étanches et qu’ils s’imbriquent fréquemment les uns dans les autres.