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119 Il reste un privilège de pouvoir produire du coton pour la Sodecoton, qui jouit d’une réputation excellente

dans la région du Nord. Les conditions de travail sont sûrement dures par rapport aux travaux en villes et dans les services, moins prestigieux, mais dans le contexte de l’agriculture, travailler dans le coton est largement souhaité par les ménages ruraux. La forte présence des jeunes dans la production et les stratégies raffinées des femmes pour collecter le fumier et augmenter la productivité en témoignent. Le standard CmiA garantie des conditions au-dessus de la moyenne dans la région. Le manque d’alternative et l’attachement des paysans à leurs terres ainsi quàleur communauté assurent pour l’instant la durabilité des conditions de travail.

Les droits relatifs à l’eau et au foncier sont-ils socialement acceptables et durables ?

Cette dimension est plutôt critique, mais encore acceptable grâce aux initiatives individuelles et collectives et au poids moral et social de la Sodecoton. La gestion des conflits liés au foncier et aux incertitudes des règlementions cause beaucoup de souffrance, de tensions et de coûts économiques. Par contre, la durabilité de l’accès à des terres productives est réduite par le fait qu’une partie grandissante des terres coton (et autre) sont louées, cette situation n’offre pas de motivation pour investir dans leur fertilité Des recommandations multiples ont été formulées pour faire face à ce problème. L’accès à l’eau s’est amélioré avec les actions collectives des GP, et les non-cotonculteurs en profitent aussi. Les chefferies fonctionnent encore, avec de grandes différences d’une localité à l’autre, mais méritent plus d’accompagnent par l’Etat et les partenaires de développement, notamment pour assurer le fonctionnement du foncier et la gestion des conflits.

L’égalité des genres dans l’ensemble de la CV est-elle reconnue, acceptée et encouragée ?

Cette dimension est la deuxième qui est critique à ce stade de la CV coton. Notamment les femmes se sentent inégales aux hommes, soit (i) parce qu’elles ne sont plus capables de gérer leurs propres parcelles dû aux exigences de leurs maris qu’elles aident dans des champs étendus, ou bien (ii) parce qu’elles arrivent difficilement à se faire écouter dans les GP dominés par les hommes. Le patriarcat reste un fardeau pour les femmes jeunes, et seule un changement de la tradition et des mœurs leur permettrait de changer ce « destin ». La Sodecoton commence à reconnaitre le rôle des femmes et inclut le genre comme variable dans ses statistiques. L’acceptation des droits de femmes et de la dimension genre n’est pas encore acceptée dans la société, mais la CV coton joue un rôle de pionnier dans ce domaine délicat. Il reste à savoir si la stratégie de redressement en cours de la Sodecoton et de l’Etat central aura un impact sur la situation des femmes.

Les conditions alimentaires et nutritionnelles sont-elles acceptables et sûres ?

Grâce au crédit coton, le revenu ainsi que la production céréalière et des produits de rotation sont stimulés positivement au niveau du ménage. Cependant, l’étude n’a pas permis d’analyser en détail la situation alimentaire et nutritionnelle au sein des familles. Il y a sûrement de grandes différences dues au comportement des pères et mères. Cette situation est aussi affectée par le retard des paiements, particulièrement important durant la dernière saison. Des chefs d'exploitation ont été obligés de vendre des stocks de céréales à un prix trop bas pour faire à leurs besoins monétaires. La Sodecoton est pleinement consciente du problème, qui est dû aux relations complexes avec la trésorerie de l’Etat et donc la liquidité de leurs caisses. Il n'en demeure pas moins que des actions d'accompagnement doivent être envisagées.

Le capital social est-il encouragé et distribué équitablement dans l’ensemble de la CV ?

Plus de 2 000 GP et des centaines de villages avec leurs communautés dans chaque région constituent ensemble avec la Sodecoton et la CNPC-C un capital social impressionnant. Il est explicitement renforcé par la CV depuis le début de l’exploitation du coton en 1952. Ce capital est fructifié aussi au-delà de la CV coton, notamment dans les infrastructures sociales et généralement par l’accumulation de capital économique et financier, qui permet de soulager une situation sociale délicate. La distribution du capital social est aussi en mutation. La nouvelle préférence pour les producteurs de plus de 5 ha par Sodecoton risque de réduire la distribution équitable de l’accès à l’activité et des revenus. Avec une stratégie plus différenciée incluant la

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promotion du coton bio-équitable ou des projets pilote tels que les containers solaires, des possibilités existent pour contrecarrer cette tendance négative.

Dans quelle mesure les principales infrastructures et servicessociaux sont-ils acceptables ? Et les opérations de la CV contribuent-elles à les améliorer ?

Les conditions de vie sont nettement meilleures grâce à la CV coton. Nous ne voyons pas d’alternatives raisonnables qui auraient pu remplacer la fonction de la CV coton dans cette région semi-aride, qui dispose en plus d’un héritage riche dans le textile artisanal. Les infrastructures sociales financées par les cotonculteurs sont importantes. Postes de santé, classes d’école, points d’eau et pistes rurales contribuent à une vie meilleure et plus digne. Par contre, cette fonction de la CV et notamment le rôle joué par les cotonculteurs et leurs GP et faitière n’est pas assez connue et reconnue dans la région ou auprès des partenaires de développement, y compris les services de l’Etat à Yaoundé.

Pour la période de l’étude (2017/18/19), la CV coton est socialement durable, car elle répond aux exigences de base (revenu/profit avec le coton et certains de ses sous-produits : huile, tourteaux), promeut les produits de rotation, facilite l’organisation de la base en GP, améliore la sécurité alimentaire. Ceci concerne notamment la grande masse des producteurs et leurs membres familiaux qui constituent les bénéficiaires majeurs, avant les employés de la Sodecoton, les ouvriers de l’usine CICAM, les commerçants impliqués, les multiples fonctionnaires de l’Etat, la Geocoton et finalement les consommateurs dans le nord et au Cameroun.

Dans le futur proche, la situation va être plus difficile. Si nous acceptons les valeurs de liberté et de raison, des dialogues sont recommandés pour relever les défis et limiter les risques potentiels avant que les dégâts n’arrivent au niveau social et sociétal, puis au niveau économique et écologique. La Sodecoton et ses partenaires ne vont plus seuls être capable de gérer la situation, notamment dans le cadre de la nouvelle stratégie.

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5. ANALYSE ENVIRONNEMENTALE

L'évaluation environnementale de la production de coton au Cameroun a été réalisée sur la base d'une analyse du cycle de vie (ACV). Les évaluations du cycle de vie étudient généralement l'impact environnemental par quantité de produit et constituent donc une mesure de l'éco-efficacité.

Ici, l'ACV a servi à clarifier les questions suivantes :

1. Quel est l'impact potentiel de la chaîne de valeur du coton sur la santé humaine ?

2. Quel est l'impact potentiel de la chaîne de valeur du coton sur la qualité des écosystèmes ? 3. Quel est l'impact potentiel de la chaîne de valeur du coton sur l'épuisement des ressources ? Afin de répondre à ces trois questions, les aspects suivants ont été examinés à l'aide de l’ACV :

a) Les iimpacts différenciés sur les trois domaines de protection (épuisement des ressources, qualité des écosystèmes, santé humaine) par balle de coton fibre30 au Cameroun, qui est le principal produit de la chaîne de valeur de coton mis à disposition pour l'exportation.

b) Les impacts différenciés des étapes du cycle de production, de la culture du coton à la fourniture de balles de coton fibre pour l'exportation.

c) Les impacts différenciés des système de culture du coton pratiqués au Cameroun pour constater le plus faible impact environnemental par kg de coton-graine (CG ) ainsi que la différence entre la production de coton du Nord et de l'Extrême Nord en termes d'éco-efficacité.

d) L'impact environnemental de la production de coton au Cameroun par unité d’output total, c’est à dire l’impact environnemental du coton fibre et des divers sous-produits qui résultent de la production d'une balle de coton fibre.

5.1 METHODE

5.1.1 Frontière du système et questions

La frontière du système comprend la culture du coton dans le Nord et l'Extrême Nord du Cameroun, l'égrenage des graines de coton, le pressage et le conditionnement des balles, la trituration des graines en huile vendable et en aliments de bétail, ainsi que tous les processus de transport du champ à la mise à disposition des balles pour exportation dans le port de Douala et Kribi (Figure 5.1). Les biens d'infrastructure ont été intégrés à l'évaluation environnementale. Afin d'examiner les quatre aspects décrits ci-dessus et de répondre aux questions structurantes (l'impact potentiel de la chaîne de valeur du coton sur l'épuisement des ressources, sur la qualité des écosystèmes et sur la santé humaine), l'impact environnemental a été quantifié pour différentes unités fonctionnelles :

• La balle de coton fibre d'un poids total moyen de 220 kg (coton fibres plus emballage) pour analyser l'impact potentiel de la chaîne de valeur et les étapes du cycle de production qui contribuent le plus à l'impact environnemental global ;

• Le kg de coton-graine pour analyser les systèmes de culture du coton pratiqués au Cameroun et pour comparer la production du Nord avec celle de l'Extrême Nord;

• la production totale unitaire par balle de coton fibre (d’expansion du système: 217,7 kg de fibres de coton, 5,2 kg de linter, 64,6 kg d'huile de coton, 315,8 kg d'aliments de bétail à base de tourteaux) pour analyser l’impact environnemental de coton fibre et les divers sous-produits qui résultent de la production d'une balle de coton fibre.

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Les inventaires ont été réalisés et l'impact environnemental calculé dans SimaPro version 9.0.0.0.35 (PRé Consultants 2019).