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Le Cameroun est en retrait de certaines avancées techniques comme l'écimage du cotonnier au Mali. La technique y a été étudiée pour réduire le taux d'infestation de certains ravageurs, mais elle rencontre un grand succès au niveau des producteurs à cause du gain de rendement permis, estimé à 15-20%. Les connaissances en agro-physiologie permettent de comprendre l'impact positif sur le nombre et le poids des capsules récoltées. Elles permettent même d'anticiper un gain dans les caractéristiques de la fibre, même si cela n'a pas encore été étudié au Mali.

Le retrait est encore plus marqué par rapport à certains changements majeurs dans la conduite de la culture du coton au niveau mondial. En Chine, avec une production en petit paysannat, d'une dimension plus petite encore que celle du Cameroun, l'association dans une même parcelle du cotonnier et d'une espèce vivrière, comme l'arachide, est toujours occultée au Cameroun comme dans les autres pays de l'Afrique francophone.

Par contre, en matière de motorisation, la SDCC est la seule compagnie cotonnière à avoir essayé la récolte mécanique, en important des machines fort encombrantes, même si les résultats ne sont pas probants. Elle a aussi bâti un plan d'appui à l'équipement en tracteurs conventionnels qui est en cours d'exécution. Les échanges lors de l'étude montrent l'ouverture d'esprit au matériel motorisé plus adapté à la taille des exploitations familiales.

1.4.4 Niveau élevé de rendement mais insuffisamment expliqué

En dépit d'un itinéraire technique peu différent, le Cameroun se distingue par le meilleur rendement de l'Afrique francophone en avoisinant 1400 kg/ha de CG en 2017-18, alors que le rendement estimé pour la campagne en cours est de 1500 kg/ha. C'est nettement plus élevé que le rendement de 950 kg/ha annoncé au Mali.

La SDCC explique une telle performance par la bonne technicité des producteurs, l'efficacité du contrôle des chenilles de la capsule grâce au nouveau produit ayant remplacé les pyréthrinoïdes, et les qualités de la nouvelle variété utilisée. La variété Q302, vulgarisée à partir de 2015, est la seule à couvrir toutes les surfaces semées en coton. Elle allie une meilleure productivité au champ à un meilleur rendement industriel à l'égrenage (à environ 43% en moyenne de fibre tirée du CG) et une plus grande longueur de la fibre4. Ce sont cependant des raisons techniques qui occultent les conditions de la gestion des producteurs (cf. infra).

Une certaine surestimation du rendement résulte de plusieurs facteurs. Le rendement depuis 2009-10, campagne de mise en œuvre du nouveau système d'octroi des crédits intrants, a progressé de manière continue chaque année (0), mais il est difficile d'affirmer que cela a été le cas aussi pour les progrès techniques. Le rendement a progressé avec une surface cotonnière qui a plutôt décliné, mais il s'agit de la surface cultivée avec les intrants octroyés à crédit. Si on admet que du coton est cultivé sans recours au crédit intrants, ce que permettent les achats des intrants au comptant5, on ne peut alors écarter l'hypothèse d'une surestimation du rendement par sous-estimation des surfaces réelles. On ne peut pas non plus écarter l'hypothèse que la surestimation a été d'autant plus forte qu'a été rigoureux le contrôle des surfaces éligibles au crédit intrants, comme cela semble avoir été le cas. Par ailleurs, la surestimation de la production nationale – en ne la corrigeant pas par le volume du CG venant du Tchad et évalué à 5000 tonnes – a aussi pour effet de surestimer le rendement réel.

4 On observe aussi une amélioration en termes d'uniformité de la longueur et de pourcentage de fibres courtes, deux caractéristiques qui sont positives pour la filature.

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1.5 CV sous crise et relance

1.5.1 Production irrégulière

La CV coton a connu une chute forte et durable de la production entre 2004 et 2010 (Annexe 2) consécutive à la désaffection de la culture cotonnière par plus de la moitié des producteurs. Cette désaffection est la conséquence des difficultés du système d'octroi des intrants à crédit. Des producteurs opportunistes s'inscrivaient à la production cotonnière pour obtenir les intrants, notamment les engrais, qu'ils affectaient ensuite aux cultures vivrières. Il en résultait un faible niveau de leur production cotonnière qui obligeait les autres producteurs à devoir intervenir pour rembourser leur crédit intrant (selon le principe de caution solidaire), phénomène qui a pour effet de décourager ces autres producteurs à continuer à produire.

L'assainissement du système de crédit intrants (cf. infra pour la description et l'analyse détaillée) a permis le redressement de la production jusqu'à approcher en 2014-15 la production record de la campagne 2004-05. 1.5.2 Production record source de grave crise financière

Un tel redressement a été cependant la cause d'une grave crise financière de la SDCC. Celle-ci n'a pas été en mesure d'égrener toute la production et de le faire dans des conditions satisfaisantes à cause de l'insuffisance de capacités de ses vieilles usines et de son parc de camions également vieillissant. La SDCC a enregistré 36 milliards de FCFA de pertes au cours de la période 2014-16. C'est seulement depuis 2017 que la SDCC a renoué avec les bénéfices, de manière modeste, de l'ordre d'un à deux milliards selon les dires du directeur de la comptabilité, alors que les pertes mentionnées ne sont pas encore totalement épongées.

1.5.3 Une CV engagée dans un plan de relance

La progression de la production, associée à l'insuffisance des capacités industrielles et des moyens de transport, a conduit la SDCC à proposer en 2017 un plan de relance avec la mise à niveau des capacités d'égrenage et de trituration ainsi que des moyens de transport pour l'évacuation du CG. La performance industrielle ayant été pénalisée par les ruptures de fourniture électrique de l'ENEO Cameroon, le plan prévoit même le recours à l'énergie renouvelable pour en réduire la dépendance.

L'exécution du plan de relance en termes d'évolution de la production de CG est un succès, mais les conséquences financières pourraient être catastrophiques si la SDCC reste dans la situation d'insuffisance de capacité industrielle d'égrenage. Les capacités des usines ne semblent pas avoir augmenté depuis, il n'y a pas encore de décision de construction de nouvelle usine. L'égrenage des 306 000 tonnes de CG de la campagne en cours pourrait s'achever en fin juin voire mi-juillet pour plusieurs usines, bien après l'arrivée des pluies. Les pertes financières sont possibles avec la réalisation de l'égrenage dans des conditions inadéquates. Elles sont probables à la prochaine campagne si les capacités industrielles ne sont pas augmentées alors que la volonté des paysans de produire davantage de coton est forte (nous avons recueilli des avis d'augmentation de 20 à 30% de la sole cotonnière). Cet "amour du coton" des paysans s'est déjà manifesté par le passage de la sole moyenne de coton de 0,5 à 1,3 ha au cours des dernières campagnes. Un tel "amour du coton" ne sera pas facile de tempérer car les prix des autres produits agricoles sont négativement influencés par la politique du Nigéria de promouvoir sa production nationale, alors que le coton assure toujours un prix garanti et un gros revenu versé en seule fois.

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2. ANALYSE FONCTIONNELLE

2.1 Les acteurs de la chaîne de valeur

Dans cette section, une présentation succincte des acteurs est donnée, elle sera complétée par les informations fournies lors de la description des fonctions le long de la CV.

2.1.1 Sodecoton

Une entité d'économie mixte à forte intégration verticale

La SDCC est une entreprise d'économie mixte où l'Etat camerounais est majoritaire avec 59% des actions. Le restant du capital est détenu à 30% par Géocoton6, et à 11% par la Société Mobilière d'Investissement du Cameroun7 (SMIC).

Comme toutes les sociétés cotonnières en Afrique francophone héritées de la Compagnie Française de Développement des Textiles (CFDT), la SDCC se caractérise par une intervention intégrée associant la fourniture des intrants à crédit, la commercialisation du CG, l'égrenage et la vente de la fibre et des graines, essentiellement à l'exportation. La SDCC se distingue par un plus haut degré d'intégration en insérant la trituration des graines pour produire de l'huile raffinée, des tourteaux et des aliments de bétail. Trois formules de ces derniers sont produites8. L'ensemble de tous les produits cités constitue les coproduits du coton9. Dans la conduite de ses activités intégrées, la SDCC dispose de neuf usines d'égrenage et de deux usines de trituration. Pour le transport des divers produits de la CV, la SDCC dispose d'un parc de camions polybennes spécialement dédié à l'évacuation du CG, et de camions à remorque pour les transports divers dont le coton fibre. Elle fait cependant partiellement appel aux transporteurs privés et au transport ferroviaire de CAMRAIL. Organisation et actions

Depuis juin 2018, la SDCC est organisée selon l'organigramme joint en Annexe 3, proposé dans les recommandations de l'étude COWI de décembre 2017. L'étude de Deloitte en fin 2016 a recensé 1897 employés permanents en soulignant le problème de vieillissement des cadres. Sur le terrain, la SDCC est structurée en 9 régions et 48 secteurs, soit environ cinq secteurs par région en moyenne. Au niveau de chaque secteur, le chef est assisté d'un spécialiste en zootechnie et d'un responsable régional de professionnalisation pour superviser les actions dans les villages qui relèvent en moyenne de 4-5 chefs de zone. En 2016, le réseau d'encadrement était composé de 214 zones avec 192 chefs de zones.

L'activité principale de la SDCC est l'encadrement de la production et de la commercialisation du CG. L'encadrement technique des paysans pour cultiver le coton commence avec le recensement des besoins en intrants et la fourniture de conseil technique. Initialement exécutées par son propre personnel, les activités d'encadrement et de suivi de la culture cotonnière sont aujourd'hui menées par les GP avec l'appui du personnel de la SDCC et de la CNPC-C. L'encadrement couvre la période du semis jusqu'à la récolte ; le conseil technique concerne la production de fumure organique, le travail ou non-travail du sol, le contrôle des adventices, la fertilisation minérale et le contrôle des ravageurs.

6 Entreprise issue de la privatisation par l'Etat français de DAGRIS, lui-même héritier de la CFDT établie en 1949

7 Celle-ci a été créée par M. Baba Ahmadou Danpullo lors de la tentative de privatisation de la SDCC en 1994 pour racheter 48% des parts avec 1,5 milliard de F CFA, alors que ces parts permettaient à l'époque de distribuer 2 milliards de F CFA de bénéfices à leurs détenteurs. La controverse qui s'en est suivi a amené à arrêter le processus de privatisation et les 11% finalement alloués sont le résultat d'un compromis à l'issue d'un épisode judiciaire de six ans.

8 ALIBET produit à Garoua et NUTRIBET produit à Maroua, avec une qualité nutritionnelle plus élevée du fait d'une plus grande richesse en huile non extraite. Mais aussi APPETIBET, avec enrichissement de la composition.

9Terme habituellement usité en Afrique francophone depuis le début des années 1990, car l'industrie de l'huile du coton y est plutôt récente.

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La production cotonnière repose sur la bonne exécution de la fourniture des intrants à crédit et de la commercialisation du CG par les GP. Ces deux fonctions fondamentales seront présentées et analysées en détail par la suite. Il en est de même du fonctionnement des GP.

L'encadrement technique est quelque peu étendu de la culture cotonnière aux cultures d'autres espèces. La SDCC tient les statistiques des cultures suivies, à savoir le sorgho et le mil de saison des pluies, le sorgho de saison sèche ou décrue (mouskuari), le maïs, niébé, l'arachide et le soja. Les statistiques concernent les surfaces emblavées, les surfaces traitées à l'herbicide ou les ventes d'herbicides, les cessions d'engrais, ainsi que les quantités commercialisées s'agissant du maïs et du soja. C'est lors de l'effondrement de la production de CG à partir de 2005 que l'idée de promouvoir le soja a émergé pour disposer d'une autre matière première à triturer dans les usines d'huilerie. L'appui technique repose essentiellement sur l'octroi de crédit pour les engrais et les herbicides dans des conditions restrictives (cf. infra), et seulement en faveur des producteurs de coton. Les statistiques de la SDCC ne concernent que les surfaces ayant bénéficié de crédit intrants, aussi ne fournissent-elles qu'une vision partielle des productions vivrières dans la zone d'intervention.

En raison de la longue pratique de la culture attelée dans sa zone d'intervention, la SDCC est impliquée dans les soins apportés au bétail. Il s'agit d'action de prophylaxie pour la prévention des maladies et de distribution des produits de soin.

Par le biais d'une séquence de projets financés par l'AFD - Développement paysannal et gestion de terroir (DPGT), Eau sol et arbres (ESA et ESA2) et Programme d'Appui à la Sécurisation et à la Gestion Intégrée des Ressources Agropastorales au Nord Cameroun (ASGIRAP) – la SDCC s'est impliquée dans des actions de captage de l'eau ou de la lutte anti-érosive, de l'agriculture de conservation avec la culture sous couverture végétale et d'agroforesterie. La production et la distribution de semences de Brachiaria est un témoignage d'une certaine adoption de la pratique de couverture végétale des sols. De manière plus récente, la SDCC a été associée à la promotion de l'entreprenariat agricole dans l'exécution d'un projet de la GIZ et visant plus particulièrement les femmes.

Les missions de service public

Les coproduits du coton ne sont pas les seuls produits des activités de la SDCC. En raison de la conduite de certaines actions dont elle a fait reconnaître par l'Etat camerounais leur externalité positive, mais depuis une dizaine d'années seulement, la SDCC exécute ainsi des missions de service public avec compensation financière par l'Etat. Ces missions recouvrent :

• L'entretien des pistes, pour lequel est dédiée à la SDCC une division de génie civil rattachée à la Direction du transport, logistique et génie civil (DTLGC). Cet entretien a une incidence particulière sur l'évacuation des produits du coton qui sera prise en compte dans la suite de l'analyse fonctionnelle. • L'appui à la professionnalisation des producteurs, plus précisément des GP. Cet appui est engagé

depuis l'exécution du projet DPGT en 1994. La Division Professionnalisation (DP) qui en est spécifiquement chargée est rattachée à la Direction de la production agricole (DPA) selon l'organigramme cité ci-dessus. L'activité de professionnalisation sera largement étudiée dans la suite de l'analyse fonctionnelle.

• L'appui à l'élevage, qui ne fait pas l'objet d'une division spécifique. Cet appui ne sera pas directement abordé dans la suite de l'analyse fonctionnelle.

• L'appui à la recherche agricole, qui implique la division spécifique de DRD, rattachée à la DPA. Cet appui sera davantage détaillé dans la sous-section relative à l'acteur de la recherche agronomique ;

La compensation financière des missions de service public se fait jusqu'à maintenant après évaluation ex post, et de manière discrétionnaire pourrait-on dire. La SDCC se plaint d'une compensation tardive et partielle. Une telle situation est en voie d'évoluer. Une récente mission interministérielle en 2018 a eu lieu dans la perspective d'établir un programme que l'Etat camerounais compensera. Il convient de noter qu'il ne sera pas compensé tout ce que la SDCC exécute actuellement, il en découle que le compte d'exploitation de la production et de commercialisation du CG en sera affecté. Sans entrer dans le détail de ce qui va être mis en œuvre, les missions retenues seront :

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